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Au Kurdistan irakien, les jeunes qui n’émigrent pas poursuivent la contestation

Meguetan Infos

Le Kurdistan irakien est traversé depuis plus d’une semaine par une large vague de manifestations d’étudiants. Alors qu’ils voient leurs proches mourir sur les routes migratoires, ceux qui restent battent le pavé pour dénoncer l’abandon de la jeunesse par les autorités, menant parfois à des affrontements violents avec les forces de sécurité. Les universités ont été fermées pour inciter les étudiants à rentrer dans leurs villes d’origine, mais les appels à la mobilisation continuent.

C’est un trop plein de misère qui a poussé il y a une semaine plusieurs milliers d’étudiants à se mobiliser dans les principales villes du Kurdistan irakien. Depuis le début de la crise économique de 2014, mêlée au début de la guerre contre l’organisation État islamique, les bourses étudiantes ont été coupées. Sans elles, certains peinent à manger.

Dans les campus, les services de premières nécessités ne sont pas non plus assurés, selon Iman, étudiante « Nous sommes en 2021 et nous n’avons toujours pas climatisation l’été, pas de chauffage l’hiver. Pourtant, le prix du pétrole vendu en masse par le Kurdistan irakien augmente tous les jours. Le montant de ces bourses ne représente pas grand-chose par rapport à ce que les autorités gagnent grâce au commerce du pétrole », a raconté la manifestante de Souleymanieh à RFI.

Mais en descendant dans les rues, les milliers d’étudiants ont fait face à une répression devenue systématique. Les forces de sécurité ont contré la foule avec gaz lacrymogène, canon à eau et tirs de sommation à balles réelles. Du côté des manifestants, on rapporte de nombreux blessés. Du côté des autorités, on dénonce des violences menées par des groupes « politisés ».

Quelques jours après le début de ces manifestations le gouvernement régional du Kurdistan irakien a décidé d’allouer des fonds supplémentaires au ministère de l’Enseignement. Mais cette promesse venue d’une autorité en qui la population n’a plus confiance n’a pas suffi à contenir la colère exposée au grand jour.
« Au Kurdistan, nous ne sommes pas traités en êtres humains »
Car derrière ces demandes concrètes sommeillaient d’autres revendications. La dépolitisation des campus, par exemple. Comme le reste de la société, ils sont soumis au pouvoir des deux grands partis au pouvoir au Kurdistan irakien : l’Union patriotique du Kurdistan (UDK, centre-gauche) et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK, droite).

Les jeunes kurdes sont aussi touchés par la détresse de voir leurs pairs réduits à mourir de froid sur la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, rapporte Iman
Dans les médias du monde entier, vous voyez des centaines de jeunes kurdes partir sur les routes migratoires, puis être bloqués à la frontière biélorusse. Pourquoi partent-ils ? Pourquoi abandonnent-ils leur pays ? Parce qu’ici, au Kurdistan, nous ne sommes pas traités en êtres humains. Quand nous descendons dans les rues pour faire valoir nos droits, nous sommes opprimés par tous les moyens : par les armes, par les menaces. Ils vont jusqu’à couper les salaires de nos proches fonctionnaires pour nous faire taire. Et chaque jour nous apprenons qu’un proche est mort à la frontière biélorusse, ou noyé dans la mer en tentant de rejoindre la Grande Bretagne.
« Aucune nouvelle » de manifestants, importante « présence militaire » dans les universités
Pour disperser le mouvement, les universités ont été fermées, et les étudiants originaires des zones rurales, invités à rentrer chez eux. Les habitants des grandes villes racontent une ambiance étrange de silence et de tension : « Il y a une importante présence militaire. Hier, certains de nos amis sont allés manifester devant les universités du Kurdistan. Ils ont tous été arrêtés, nous n’avons plus aucune nouvelle d’eux. »

Malgré la crainte que ce mouvement soit récupéré par des partis politiques, et malgré la violence de la réponse des autorités, Iman promet que ses manifestations pacifiques et indépendantes continueront. Elle brandit le mouvement français de mai 68 comme l’idéal d’une révolution à venir.

RFI

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