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Joséphine Baker, star et héroïne « de temps en temps »

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En entrant au Panthéon le 30 novembre, Joséphine Baker devient la sixième femme à rejoindre le monument dédié aux « grands hommes », à Paris, mais aussi la première femme noire. Derrière l’immense artiste, on redécouvre en cette occasion une personnalité profondément courageuse et engagée.

Dans l’une des pièces les plus célèbres du dramaturge Jean-Luc Lagarce, Music-hall, la protagoniste, une chanteuse de cabaret sans nom et sans âge interprète une seule chanson censée représenter sa vie : De temps en temps de Joséphine Baker. Et c’est encore cet air qu’on entend dans l’adaptation franco-belgo-britannique du roman d’Irène Némirovsky Suite française.

Partout en Europe, en effet, nulle autre que Joséphine Baker n’aura mieux incarné le rêve de la nuit parisienne, elle qui, amoureuse de la France, en obtiendra la nationalité en 1937. Quelle gageure pour celle qui était née Freda Josephine McDonald dans le Missouri en 1906 ! Le nom de Baker, acquis en 1921, est celui de son deuxième mari et deviendra son nom de scène pour le reste de sa vie.
La première icône noire
On l’a décrit comme la première icône noire – parce qu’elle est perçue comme telle dans les États-Unis ségrégationnistes, en dépit de ses origines multiples, afro-américaines bien sûr, mais aussi hispaniques et amérindiennes. Le 28 août 1963, lors de la marche pour les droits civiques – elle a traversé l’Atlantique pour cette occasion – elle commence ainsi son discours : « Je voudrais que vous sachiez que c’est le jour le plus joyeux de toute ma vie. »

Enfant de la balle, envoyée très jeune comme domestique de personnes aisées dont elle subit le racisme et les mauvais traitements, elle trouve en France en 1925 une situation plus tolérable. Son voyage lui est payé par un impresario qui la veut pour sa Revue nègre qu’il entend monter à Paris. Elle y interprétera, presque nue, une « danse sauvage », qu’elle décrira plus tard comme une parodie de l’imaginaire colonial.

Elle plaît, aux hommes comme aux femmes – l’écrivaine Colette sera l’une de ses amantes – mais en France aussi, les Blancs qui la prennent pour maîtresse ne sont pas prêts, loin s’en faut, à épouser une « femme de couleur ». Son troisième mariage aura lieu en 1936, avec un jeune courtier en sucre, Jean Lion, né Lévy, bientôt victime des persécutions antisémites.
Résistante et rêveuse d’une « fraternité universelle »
Alors que la guerre éclate, Joséphine Baker est au sommet de sa gloire – sa chanson la plus célèbre, J’ai deux amours, date de 1935. Dans le combat contre le nazisme, elle est aux avant-postes, au service du contre-espionnage français dès la déclaration de guerre en septembre 1939, puis à celui de la France libre dès novembre 1940. Elle profite de ses déplacements mondains pour ramener des informations stratégiques, ou couvrir ceux de Jacques Abtey, un agent du renseignement qu’elle fait passer pour l’un de ses musiciens.

En 1941, elle rejoint l’Afrique du Nord. Elle finance jusqu’à se mettre en difficulté la France libre et la Résistance, donnant des concerts gratuits et revendant au profit de cette dernière la petite Croix de Lorraine qui lui est offerte par le Général De Gaulle à Alger. C’est en officier de propagande qu’elle débarque à Marseille en octobre 1944. Elle reçoit la médaille de la Résistance en 1946, mais des propositions pour qu’elle soit nommée chevalier de la Légion d’Honneur sont rejetées par deux fois, en 1947 et 1949.

Elle l’obtient finalement en 1957. Ses états de service impressionnants sont publiés dans le décret. Elle sera la première femme d’origine étasunienne à recevoir les honneurs militaires à sa mort en 1975. Après-guerre, elle souhaite incarner le rêve d’une « fraternité universelle » en adoptant 12 enfants venus du monde entier qu’elle élève dans son château de Milandes en Dordogne et soutient activement la cause des Afro-Américains.

À la fin de sa vie, ses difficultés matérielles sont telles qu’elle doit vendre sa propriété et compter sur ses amis et ses admirateurs pour subsister. La princesse Grace lui offre un nouveau logement à Roquebrune, et son corps repose aujourd’hui à Monaco. Il y demeurera après le 30 novembre 2021, conformément au souhait de sa famille. Comme l’a dit sur RFI l’un de ses fils adoptifs, Brian Bouillon Baker, ce jour-là, « c’est Joséphine Baker la résistante et l’humaniste qui entrera au Panthéon ».

RFI

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