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«Haingosoa», une histoire de cœur à Madagascar

« Haingosoa », un film d’Edouard Joubeaud sur une jeune mère célibataire dans le sud de Madagascar. © Pitchaya Films
Texte par :
Siegfried Forster
Depuis vingt ans, il parcourt l’île-continent, son pays de cœur. Ce mercredi 4 mars sort sur les écrans français le premier long métrage d’Edouard Joubeaud. Un hommage aux merveilleux artistes y rencontrés. « Haingosoa », une fiction presque réelle, raconte l’histoire d’une jeune mère célibataire dans le sud de Madagascar.

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Quand le bruit sourd de la machine à coudre s’arrête, le désespoir de la mère et de sa fille apparaît au grand jour. Bienvenue à Haingosoa, chez les Tandroys, qui signifie : « ceux du pays des épines ». Sans payer, pas de robe pour l’école. Face au refus de la couturière, Haingo fait donc demi-tour dans les rues poussiéreuses de Tuléar. Jeune mère célibataire fauchée, elle sait : sans uniforme et sans régler ses dettes, sa fille Marina n’ira plus à l’école.

Haingo décide alors de quitter sa petite ville côtière natale, dans cette région aride dans le sud-ouest de Madagascar. Avec l’argent dérobé à son père, elle monte à Tananarive, laissant mille kilomètres entre elle et sa fille pour essayer dans la capitale malgache de gagner l’argent nécessaire pour la scolarité de Marina.

La vièle, tout un symbole

Plus qu’une plongée dans la misère malgache, Haingosoa nous raconte le combat quotidien d’une jeune femme plaquée par le père de sa fille. Le film raconte sa lutte, sa renaissance, son émancipation. Fille cadette d’une famille de musiciens et chanteurs, elle partage avec nous ses souffrances, ses espoirs et ses joies au travers de l’art. La nuit de son départ tenu secret, sa mère lui a donné la vièle de son père. Tout un symbole : cet instrument traditionnel a bercé son enfance et nourrit sa famille.

Nous voilà témoins de son périple, entre tradition et modernité, entre famille et travail, entre province et capitale, entre valeurs et survie. Avec ses travellings dans les rues et sur la route, Haingosoa nous fait voyager dans des endroits méconnus et merveilleux. Le regard délicat, doux et souvent tendre de la caméra entre dans les boutiques et les maisons, nous fait partager la vie à l’école et à la maison, de la cuisine jusqu’à la chambre.

La rivalité entre cultures

Quand Haingo, grâce à sa cousine, rejoint une compagnie de danse à Tananarive, le film aborde aussi une question sensible au Madagascar : la rivalité entre cultures. L’héroïne du film, comme beaucoup de Tandroys condamnés aux petits boulots pour survivre, représente la culture tandroy, une culture certes très riche, mais parfois méprisée par certains défenseurs de la culture des Hautes terres.

L’intérêt particulier de cette histoire provient surtout de la friction entre réalité et fiction, entre l’approche documentaire et la liberté d’une fiction. Tous les personnages du film gardent leur véritable nom et interprètent un rôle très proche de leur vie réelle et de leur environnement habituel. À quelques moments du film, ce tiraillement entre ni documentaire ni fiction risque de faire basculer le récit dans un côté scolaire. Heureusement, la richesse des images, de la danse et des musiques rend la majeure partie du film tellement enivrante qu’elle rend même les moments de tristesses d’une certaine façon euphoriques.

Une histoire de cœur : Temanindry et Dadagaby

Après des documentaires consacrés à l’île, Edouard Joubeaud a réalisé donc son premier long métrage de fiction. Tourné en malgache, pour que les voix et les chants puissent faire vibrer nos âmes, il se fait visiblement plaisir de valoriser et célébrer la culture de cette région. Vingt ans après son premier séjour sur l’île, Madagascar est devenu son pays de cœur. Joubeaud a appris sa langue, noué une amitié forte avec le fameux musicien-danseur Temanindry et avec sa fille Haingo, qui, devenue mère à 16 ans, a déclenché l’envie de tourner ce film.

Autre chose importante : Haingosoa est dédié à Dadagaby, le compositeur du film et auteur de chansons malgaches légendaires comme Mananjary ou Iza Ireo. Décédé en 2018, pendant le tournage, il était le premier Malgache déclaré « représentant du patrimoine culturel immatériel » par l’Unesco et célèbre ambassadeur de la musique et de la culture malgache dans le monde entier.

► À lire aussi : «The Dizzy Brains», une révolte musicale à «Madagascar, pays punk»

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