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Le protocole de Kyoto, déjà «insuffisant» à son lancement, fête ses quinze ans

L’objectif du protocole de Kyoto était de réduire de 5% le taux d’émission de gaz à effet de serre par rapport à 1990. REUTERS/Stringer
Texte par :
Romain Philips
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Le 16 février 2005, le protocole de Kyoto, premier accord international « contraignant » pour lutter contre le réchauffement climatique, entre en vigueur. Jugé « insuffisant », il a tout de même permis de lancer un mouvement international de lutte contre le réchauffement climatique.

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Quinze ans après l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, premier traité international sur la lutte contre le réchauffement climatique, tout reste à faire. Rapport après rapport, COP après COP, le constat est le même : il faut relever les ambitions en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Elaboré en 1997, ce n’est qu’en 2005 que le protocole, dont l’objectif est de réduire de 5% les émissions globales de gaz à effet de serre sur la période 2008 – 2012 par rapport au niveau de 1990, est devenu effectif. Il a fallu attendre la ratification de la Russie en 2004 pour que le seuil des 55 pays développés représentant au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre globales, condition nécessaire à l’entrée en vigueur du protocole, soit atteint.

Depuis, le monde a changé. Si le protocole a permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de certains pays industrialisés, entre temps, les pays émergents, non concernés, sont devenus de très importants pollueurs. La Chine, considéré comme un pays émergeant en 1997 et donc non concernée par la réduction des émissions mondiales est passée à la première position des émetteurs de GES en 2006, l’année suivant l’entrée en vigueur du protocole. Un premier point qui entache le bilan de ce programme censé « préserver le système climatique pour les générations présentes et futures », expliquait l’ONU.

« Des impacts relativement mineurs »

Dès le départ, le protocole de Kyoto a accumulé les difficultés. Sans les États-Unis, premier émetteur de gaz à effet de serre (GES) du monde à l’époque, qui a signé mais pas ratifié le protocole, il « était un peu condamné d’avance », estime Corinne Lepage, ancienne ministre française de l’écologie.

Le protocole de Kyoto « a eu des impacts relativement mineurs et au moins très insuffisants sur les émissions globales et la capacité à lutter contre le réchauffement climatique », rajoute Yann Robiou du Pont, chercheur à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). Selon eux, trois raisons ont bridé la réussite du projet : le manque d’ambition, les contraintes réservées aux pays industrialisés et l’absence des plus gros pollueurs.

En 2005, les pays ayant ratifié le traité représentaient 55% des émissions globales, en 2010, avec l’essor des pays en voie de développement, ils n’en représentaient plus que 36%. En 2012, lors du renouvellement jusqu’en 2020 du traité, seules 15% des émissions mondiales étaient concernées. En l’absence des États-Unis, de la Chine, de la Russie, du Japon et du Canada, les limites d’impact du protocole se sont très vite fait ressentir.

Une victoire en demi-teinte

Les Nations unies ont vanté un bilan presque extraordinaire. Alors que l’objectif était de 5%, l’organisation a déclaré que les émissions globales de GES avaient diminué de 24% entre 1990 et 2012. Un résultat prodigieux, mais qui est à remettre dans le contexte de l’époque.

Le chiffre ne prend pas en compte les émissions des États-Unis et du Canada (18% des émissions globales entre 1990 et 2012). Il faut également se rappeler du contexte géopolitique et économique de l’époque. La baisse est en grande partie due à deux grands événements : la chute du bloc soviétique et la crise économique.

Autour des années 90, lorsque le bloc de l’Est s’effondre, les émissions des huit pays qui en découlent ont chuté de 40% entre 1990 et 2012. Couplés à la crise économique de 2008, qui a provoqué une baisse de production et de croissance économique dans de nombreux pays, ces deux événements sont à l’origine de cette réduction drastique. Plusieurs études nuancent le bilan de l’ONU et estiment que la baisse des émissions de GES aurait été de 4%, plutôt que de 24%, sans ces deux faits majeurs.

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Kyoto, « c’est un apprentissage »

Malgré les critiques, le protocole de Kyoto est une réussite sur un point : il a permis de poser la première pierre dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il faut « reconnaître que (le protocole de Kyoto) a eu la force de mettre les pays autour de la table, même si c’était insuffisant, ils ont mis en place les premières mesures climat », explique le chercheur à l’Iddri.

« C’est un apprentissage », surenchérit Brice Lalonde, l’ancien ambassadeur chargé des négociations internationales sur le climat pour la France. « Ce n’est pas simplement 195 pays qui font quelque chose chacun de leur côté. On doit pouvoir coopérer et faire les choses ensemble, simplement ce n’était pas suffisant. Ce que l’Accord de Pairs corrige c’est que tous les pays s’engagent », estime le président de l’association Équilibre des énergies et ex-ministre de l’Environnement.

L’accord de Paris, la relève…

Ce quinzième anniversaire marque également la fin du protocole. Issu de la COP 21, l’accord de Paris prendra la relève du protocole de Kyoto en 2020. Pour bâtir cet accord, les négociateurs ont pris en compte les lacunes de Kyoto. La division entre pays développés et pays en voie de développement, qui a été un « point de cristallisation », selon Yann Robiou du Pont, disparaît et change le rapport de force dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Outre leur volonté de protéger leur économie nationale, les pays développés voyaient d’un mauvais œil la distinction entre eux et les pays émergents. « (Ils) voulaient qu’on arrête d’avoir cette distinction binaire entre pays développés qui ont des obligations et pays en voie de développement qui n’en ont pas en termes de réduction de GES », explique Yann Robiou du Pont.

… par une nouvelle approche

Dans l’accord de Paris, la philosophie de Kyoto, qui consiste à dire que ce sont les pays responsables qui doivent agir, a également été abandonnée. Chaque État, qu’il soit en développement ou développé, devra donc agir pour réduire ses émissions ou faire en sorte qu’elles n’augmentent pas, et ce, peu importe sa situation économique. « Cela ne veut pas dire qu’ils doivent contribuer de manière égale », rappelle le spécialiste. Mais chacun doit contribuer de manière commensurable étant donné « des considérations d’équité, de développement, de responsabilité historique et de capacité à agir », ajoute-t-il.

►À lire: Climat: à la COP25, l’amer constat du manque de volonté politique

Fini les obligations de baisses à respecter. L’accord de Paris opte pour une stratégie volontariste. « Plutôt que d’imposer des réductions de GES à chaque pays, c’est surtout un cadre pour que les pays puissent négocier (leur engagement) à réduire leurs émissions », détaille M. Robiou du Pont. Tous les cinq ans, les pays devront donc mettre à jour leur engagement pour le climat lors de discussions internationales. Un accord « plus inclusif » mais moins « contraignant », ayant pour but de faire participer même les plus réticents à la lutte contre le réchauffement climatique. Un changement qui a permis de rallier plusieurs pays qui avaient fini par dire non au protocole de Kyoto, mais qui n’a pas suffit à rallier les États-Unis, puisqu’ils ont quitté l’accord de Paris en novembre 2019.

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