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Hommage à Salif Keita : La reconnaissance nationale a-t-elle été à hauteur de souhait ?

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Depuis l’annonce de la disparition de Salif Kéita alias Domingo au milieu de la matinée du samedi 2 septembre 2023, les hommages n’ont  pas cessé de pleuvoir sur la toile mondiale (Facebook, X, WhatsApp, Web-TV…). Si le talent de la légende a été unanimement salué, ils sont nombreux à penser que Salif Kéita n’a pas bénéficié de la nation une reconnaissance à la hauteur de son talent, du prestige de sa carrière et de son patriotisme.

«Un grand Baobab vient de tomber. Roger  Milla m’a dit un jour à  Madagascar, après les Jeux de la francophonie : J’ai pris exemple sur Salif qui a refusé de prendre la nationalité française ! Cela veut tout dire du grand patriote qu’il fut», a rapporté Cheick Oumar Sissoko dit Yankee, coach de basket. Selon des témoignages, cela s’est passé il y a au moins 49 ans. «Le Mali est une jeune nation et, au-delà, du football professionnel, mon avenir  est là-bas. Que penseront tous les jeunes Africains qui m’idolâtrent si j’acceptais aujourd’hui ne plus être Malien à part entière ?», s’était-il interrogé plus tard après avoir refusé de se naturaliser Français.

«Les Français n’ont jamais pardonné à Salif sa décision patriotique et courageuse. Hélas, les temps ont changé, mais dans le mauvais sens. Ces dernières années, certains compatriotes, y compris mais pas seulement des sportifs, sont capables de vendre leur pays comme prix à payer pour acquérir une autre nationalité. Il est vrai aussi qu’entre-temps, la législation malienne a été modifiée pour autoriser la double nationalité. Salif fut un patriote exemplaire et un démocrate inébranlable», a pour sa part témoigné l’ancien Premier de transition, Soumana Sako, qui l’avait retenu dans son premier gouvernement.

«Une légende s’en est allée, le grand Salif Kéita. Tu as été et resteras pour toujours le numéro 1», a loué Mahamadou Diarra dit Djilla, l’un des surdoués de la première couvée du CSK qui a fait le bonheur et la fierté des Aigles et aussi des clubs comme Olympique de Lyon et le Real Madrid. Et d’ajouter, «Merci infiniment pour ta contribution au football africain et mondial, particulièrement malien avec la formation de jeunes talents dans ton illustre centre, le CSK. Tu as été une grande source d’inspiration pour moi et beaucoup d’autres. Homme exceptionnel sur le terrain mais aussi en dehors, tu m’as transmis tant de valeurs». Pour le doyen Tiégoum Boubèye Maïga, «Domingo fut un Grand : un grand Malien, un grand patriote, un grand footballeur ; un Grand parmi les grands».

Pour Alain Giresse qui rendait hommage à Salif Kéïta dans le journal ‘’l’Equipe’’,L’ homme avait une dimension humaine incroyable. « Mon premier match avec Bordeaux, j’avais 18 ans, on perd deux buts à un, et les deux buts sont marqués par Salif. C’était un joueur emblématique de la période, un joueur d’une autre dimension. C’était un félin, il était la Panthère noire à l’époque. Tout le monde a en mémoire l’histoire du taxi pour arriver à Saint-Etienne mais c’était surtout un joueur et un homme hors normes. Il m’avait réservé un accueil magnifique quand je suis allé au Mali. Il était d’une incroyable simplicité. » Avant de poursuivre : « ses prises de balle, ses accélérations… Il avait une telle fluidité. C’était le joueur qui faisait des différences sans cesse, sur lequel on pouvait s’appuyer. Il avait une telle efficacité. Et ça fait toujours bizarre de passer d’un joueur qui était un intouchable à mes yeux quand j’étais sur le terrain à un homme qui me recevait chez lui, avec qui je prenais le thé, avec qui je mangeais. Son attitude m’a touché. Il était d’une dimension humaine formidable. »

 

Pour notre camarade de promotion au Cesti de Dakar (Sénégal) et aujourd’hui journaliste influent dans son pays, Samboudian Kamara, Salif Kéita a été «une légende au sens où il a été le premier subsaharien dont la carrière professionnelle a été médiatisée. Tout est parti de son instinct : arrivé à Orly, il demande à un taxi de le déposer à…Saint-Étienne. Le chauffeur joue…le jeu ainsi que le premier dirigeant du club de Robert Herbin qu’il rencontre à son arrivée et qui paie la course (officiellement c’est ce que relate sa biographie). C’était parti pour une carrière qui fera rêver des milliers de jeunes africains».

Au nom de la Confédération africaine de football  (CAF), le Dr Patrice Motsepe a aussi rendu hommage à Salif Keita, «le premier footballeur à recevoir le prix de la CAF du meilleur joueur africain de l’année» et qui, en 1972, fut «l’un des protagonistes de l’épopée des Aigles à la Coupe d’Afrique des nations qui a vu le Mali finir deuxième de la compétition».

«Aujourd’hui je pense à tous les jeunes footballeurs maliens qui ont perdu un peu de la lumière qui peut éclairer une carrière…», a aussi réagi l’illustre chroniqueur sportif français, Gérard Dreyfus. «Aux dirigeants maliens je ne leur dit qu’une seule chose; décrétez des obsèques nationales pour un  homme qui, sur tous les terrains où il a évolué, en Afrique, en France, en Espagne, au Portugal et aux Etats-Unis, a fait briller les couleurs du drapeau malien», avait-il souhaité.

Un souhait qui relance le débat sur la reconnaissance de la patrie à l’égard de cette élégante icône du foot planétaire. Il est vrai que Domingo est Commandeur de l’Ordre du Mérite du Mali. Mais, pour de nombreux observateurs, le pays lui devait et lui doit plus que ça. En Salif Kéita, a juste annoncé le gouvernement de transition dans un communiqué publié samedi dernier (2 septembre 2023), «le Mali perd l’un de ses dignes fils qui a fait rayonner le football malien sur les scènes nationale, africaine et mondiale…». Ce qui en fut «une icône» malienne et africaine.

«Je viens d’apprendre avec tristesse le décès du 1er ballon d’or africain, Salif Keita, la Panthère noire de Saint-Étienne. C’est le lieu de rappeler que l’Afrique est souvent ingrate avec ses enfants les plus braves.  Nous devons faire la promotion de nos modèles avec des rues, des stades ou encore des monuments en leurs noms afin que le jour du mérite de la nation personne n’oublie que nous fûmes parce nos ancêtres furent des modèles», a déploré Makan Magassouba, expert dans l’événementiel lié au foot. Et de conclure, «nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple, car un peuple sans histoire est un monde sans âme».

Il faut rappeler que l’Amicale des anciens footballeurs de l’AS Réal de Bamako (AMAFREB) a érigé une statue en son honneur afin de célébrer la légende qu’il fut, qu’il est et qu’il restera à jamais. Un monument réalisé dans le centre de formation et d’entraînement des «Scorpions» et inauguré le 25 juin 2021 par le ministre de la Jeunesse et des Sports, (chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne) Mossa Ag Attaher. C’est pour célébrer la légende vivante du football malien que les membres de l’Amafreb ont mené plusieurs activités dont la construction d’une statue en l’honneur de l’exceptionnel footballeur que fut Domingo.

Ce qui est sûr, comme l’a si bien dit le fiston Yeli Fuzzo (Yeli Mady Konaté), le premier «Ballon d’or» africain de l’histoire restera «une véritable inspiration» et son maillot «restera à jamais suspendu dans le musée de nos cœurs où il repose en légende». Plus qu’un homme ou une légende du football, Salif Kéita continuera à être célébré comme une «lumière, un chemin à suivre, une icône qui a enchanté le monde entier par son talent et sa discrète personnalité» !

Moussa Bolly

Le Matin

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