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Edito : Crime de lèse-majesté ?

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Ce lundi 04 septembre 2023, Adama Ben Diarra dit Ben Le Cerveau, membre du Conseil National de Transition (CNT)  a été auditionné par la Brigade Judiciaire (BIJ), pour « Atteinte au crédit de l’Etat ». Présenté  le lendemain au  Procureur  du Tribunal  de Grande Instance de la CVI qui l’a entendu, le leader de « Yérè Wolo » sur les remparts a été mis sous mandat de dépôt par le Pôle contre la cybercriminalité.  Son procès est prévu pour le vendredi 08 courant.

Pourtant, en tant que  membre  du CNT, «  bénéficiant normalement  de l’immunité parlementaire », cet activiste bon teint,  supposé très  proche du Président  de la Transition,  n’aurait  pas dû mériter  le sort  que la Justice  est en train de lui infliger.  Mais pourquoi au moment de l’arrêter,  la Justice n’a pas tenu compte  de son  « immunité » ?  Il est un secret de polichinelle que Ben Le Cerveau critique constamment, dans les médias et lors des  réunions politiques,  certaines conduites ou décisions  de la Transition malienne voire certaines déviations présumées  de ceux qui la  dirigent. Est-ce à cause de cela ? Sinon, aurait-il  commis une haute trahison de l’Etat assimilable à  un crime de lèse-majesté ?

Le Code pénal malien érige, en délit punissable d’emprisonnement et d’amende, « les atteintes au Crédit de l’État ». Il  rappelle la possibilité  de condamnation de « ceux  qui,  par  des  voies  et  moyens  quelconques,  ont  sciemment  propagé  dans  le public  des  fausses  nouvelles  ou  des  allégations  mensongères  de  nature  à  ébranler directement  ou  indirectement  sa  confiance  dans  le  crédit  de  l’État,  des  collectivités territoriales,  des  établissements  publics,  de  tous  les organismes  où  ces  collectivités  et établissements publics ont  une participation ». C’est  une des nombreuses limites de la liberté d’expression. Donc est-ce à considérer le malien  lambda n’aurait plus le droit d’exprimer une opinion dont il n’est pas  convaincu de sa véracité et de sa pertinence ? Dans l’affirmative, il devrait être  auditionné et mis sous mandat de dépôt  à  chaque fois qu’il exprimerait une opinion, fût-elle fausse, sans diffamation ? Après tout,  l’expression libre d’une vérité relative n’est-elle  pas un droit ?

De toute façon, s’il est une certitude que Ben  Le Cerveau  est cet homme qui  n’a   jamais caché sa proximité  avec  les Princes du Jour,  il est aussi une réalité qu’il  n’a de cesse  œuvré à garder sa liberté  d’opinion. Même ses détracteurs doivent lui reconnaître cette qualité.   D’ailleurs,  un grand Penseur n’a-t-il pas  dit un jour,  « je déteste vos opinions mais je me ferai tuer  pour que vous ayez le droit de les exprimer ». Aussi, dans le même ordre d’idées, une  sagesse malienne  nous enseigne: « Si  tu n’as personne  pour te critiquer, alors payes quelqu’un pour le faire ». N’est-ce pas que ce sont les  critiques et  autocritiques qui auraient manqué à feu Ibrahim Boubacar Keïta et son régime ? « Mandé Massa » et son entourage politique   étaient, on le sait,  allergiques aux critiques.  Mêmes les plus constructives n’étaient pas les  bienvenues ! Mais  cette attitude  avait-elle pu empêcher  au régime IBK   de ne pas chuter ? Que non !

 

C’est vrai,  la liberté a  incontestablement des limites,  c’est d’ailleurs ce qui fait tout son intérêt. Mais  les limites posées par la loi doivent néanmoins être interprétées intelligemment. C’est d’ailleurs tout le sens de l’Article  4  de la Constitution de 1992  qui stipule: « Toute personne a droit à la  liberté  de  pensée, de  conscience,  de religion, de  culte, d’opinion, d’expression et  de création dans le respect de la loi ». Les mêmes termes sont  textuellement repris par  l’article  14 la Constitution de 2023.

Les animateurs de la Transition malienne devrait  donc  savoir raison garder, en faisant sienne  cette mise en garde  :  Mieux  vaut  accepter les critiques objectives et constructives  que de s’entourer de laudateurs qui ne font que défendre leurs intérêts  égocentriques.  C’est  parce que les Grands Hommes des Grands États ont accepté la contradiction et la critique,  qu’ils ont gagné l’estime de leurs opposants. Les maliens se sont toujours  sacrifiés  au prix du sang, au fil de l’histoire, notamment lors des évènements de mars 1991,  pour  arracher  leur liberté d’expression et d’opinion.  Nul ne doit  donc douter  qu’ils mettront tout en œuvre pour la préserver !

Gaoussou Madani Traoré

Le Pélican

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