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Taïwan. Washington pointe ses armes sur la Chine et joue avec le feu

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La deuxième vente d’armes à Taipei depuis l’accession de Joe Biden à la Maison-Blanche illustre la manière dont l’île est devenue l’un des instruments clés pour contrer la montée en puissance de Pékin.
L’Ukraine est-elle en passe de se retrouver éclipsée par Taïwan ? C’est sans doute déjà le cas aux yeux des stratèges états-uniens, pour lesquels l’île revêt une importance plus grande sur les plans stratégique et économique. Après la visite de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, sur l’île en août, Washington a dégainé, vendredi 2 septembre, une nouvelle menace. En l’espèce, le gouvernement américain a approuvé la vente à Taipei d’armes pour un montant de 1,1 milliard de dollars. C’est la deuxième transaction de ce type depuis l’accession de Joe Biden à la Maison-Blanche. Elle intervient au lendemain de la destruction d’un drone commercial non identifié par Taïwan et d’une série d’incursions militaires chinoises sans précédent, dont des tirs de missiles au-dessus de la capitale, Taipei.

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Danger d’escalade
Le 28 août, deux navires de guerre états-uniens, en transit, sont également entrés dans le détroit de Taïwan, au risque de provoquer un accident militaire irréversible. Si la vente doit recevoir l’aval – quasiment assuré – du Congrès, Pékin a exigé que Washington y renonce. « De crainte qu’elle n’affecte davantage les relations avec les États-Unis, ainsi que la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan », a expliqué Liu Pengyu, le porte-parole de l’ambassade de Chine à Washington. Le commentaire relève presque de la litote tant le climat s’est dégradé ces dernières semaines, y compris sur le plan des sanctions commerciales imposées par Pékin, son premier partenaire économique. Ces mesures de rétorsion ne devraient toutefois pas concerner les puces électroniques : Taïwan en est le leader mondial et la Chine en a un besoin vital pour le développement de son industrie.

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Sur le plan légal, Pékin considère que cette nouvelle vente d’armes contrevient aux trois communiqués conjoints sino-américains, selon lesquels Washington reconnaît l’existence d’une seule Chine dont Taïwan fait partie. Dans ce cadre, le gouvernement de la République populaire est l’unique représentant légal. Or, du point de vue états-unien, la « loi sur les relations avec Taïwan », datée de 1979, permet d’entretenir des relations avec Taipei en dépit du vote de l’Assemblée générale des Nations unies consacrant la Chine continentale comme la seule Chine. Depuis la présidence de Barack Obama, qui a orienté le pivot stratégique vers l’Asie quitte à délaisser le Moyen-Orient, Taïwan est devenu l’un des instruments pour contenir la montée en puissance de la Chine et son influence. Dès lors, jusqu’où peut aller Xi Jinping ? « Résoudre la question de Taïwan et réaliser la réunification complète de la patrie sont les missions historiques indéfectibles du Parti communiste chinois et l’aspiration commune du peuple chinois », expliquait le dirigeant en 2021. En juin, le ministère chinois de la Défense affirmait que Pékin n’hésiterait pas à « déclencher une guerre, quel qu’en soit le prix », si Taïwan décrétait l’indépendance.
Cette réintégration de Taïwan, après Hong Kong et Macao, permettrait de parachever la construction nationale après les guerres de l’opium au XIXe siècle, les traités inégaux, le dépeçage de son territoire par les puissances étrangères puis la fuite sur l’île des forces de Tchang Kaï-chek en 1949 à la suite de la révolution. Le centenaire de la République populaire en 2049 reste à cet égard l’horizon fixé pour la réunification. Malgré l’écho accordé aux hauts gradés, qui estiment que l’armée populaire de libération (APL) a désormais les moyens d’engager l’assaut pour réintégrer Taïwan, Xi Jinping a réaffirmé l’objectif d’une « réunification pacifique ».

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Attributs d’un état de facto
Territoire, gouvernement, armée, monnaie propre, passeport, drapeau… L’île dispose aujourd’hui de tous les attributs d’un État de facto, même si elle ne dispose pas du statut d’État indépendant. Selon une étude de l’université nationale Chengchi de Taïwan, datée de 2021, seuls 3 % des Taïwanais estiment que leur territoire fait partie de la Chine (contre 26 % en 1992), 63 % se décrivent en outre comme uniquement Taïwanais (contre 18 % il y a trente ans) sans pour autant vouloir modifier le statu quo. La présidente, Tsai Ing-wen, souvent pointée du doigt par Pékin pour son instrumentalisation de la question nationale, considère que l’île est déjà indépendante. Si elle entend favoriser l’intégration de Taïwan dans différentes instances internationales, tel que ce fut le cas avec l’Organisation mondiale de la santé au début de la pandémie de Covid-19, elle ne prend toutefois pas le risque de franchir le pas pour ne pas tendre de manière irréversible la situation.
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