
La visite d’étude effectuée le 2 mai 2025 à Bamako par Irène Mboukou-Kimbatsa, ministre des Affaires sociales du Congo-Brazzaville, consacre un tournant dans la coopération sud-sud entre les deux pays.
La ministre des Affaires sociales du Congo-Brazzaville est arrivée au Mali dans le cadre d’une visite sans protocole excessif, mais au contenu dense. Accueillie par le Premier ministre malien, le général Abdoulaye Maïga, la ministre Irène Marie Cécile Mboukou-Kimbatsa est venue s’imprégner des outils maliens en matière d’alerte sociale, de gestion de catastrophes et d’accompagnement des populations déplacées. À ses côtés, la ministre malienne de la Santé et du Développement social, Assa Badiallo Touré, a facilité une immersion directe sur le terrain.
À Bamako, les délégations ont visité la Mutuelle de santé Benkan dans le quartier de Sans Fil, un projet pionnier qui offre des prestations de santé à coût réduit à des milliers de familles, ainsi que le centre Football for Hope à Baguinéda, espace de formation, d’éducation et d’autonomisation pour les jeunes. Elles ont aussi découvert le site de Sénou, où 1 254 personnes déplacées vivent depuis 2019 dans des abris de fortune, dont 770 enfants. Le site dispose d’une école de six classes accueillant 195 élèves, d’un forage opérationnel et d’une clinique mobile, modèle de résilience locale.
Le modèle malien, qui mise sur la protection communautaire à moindre coût, a suscité un vif intérêt. Il repose notamment sur un réseau de mutuelles de santé décentralisées qui prennent en charge des milliers de familles à revenus faibles, grâce à des cotisations solidaires inférieures à 1 000 FCFA par mois dans certaines communes.
Pour la ministre Mboukou-Kimbatsa, « le Mali a beaucoup d’atouts. Nous repartons de Bamako avec une expérience précieuse que nous allons adapter à notre contexte national ».
Mais cette mission d’étude dépasse l’humanitaire. Elle s’inscrit dans une dynamique de coopération sud-sud repensée, ancrée dans le concret et dans la mise à l’échelle des solutions africaines. Le Premier ministre malien a souligné la nécessité de rendre cette démarche réciproque, invitant à son tour les responsables maliens à s’inspirer des mécanismes congolais dans d’autres secteurs, notamment la digitalisation de l’état civil et les politiques sociales urbaines, sur lesquelles Brazzaville a engrangé des avancées notables.
La dynamique actuelle repose également sur des liens humains forts. Plus de 23 600 Maliens vivent sur le sol congolais, dont environ 12 000 à Brazzaville. Cette diaspora active joue un rôle central dans le tissu économique informel, à travers le commerce, l’artisanat et les services de proximité.
Sur le plan économique, même si les échanges officiels restent en deçà de 7 milliards de FCFA par an selon la BCEAO, des pistes sont explorées pour une valorisation croisée des savoir-faire artisanaux et agricoles, via des foires régionales, des plateformes culturelles et des incubateurs solidaires. Bamako et Brazzaville envisagent également un protocole d’accord d’ici fin 2025 pour encadrer la coopération technique dans le champ de l’économie sociale et solidaire.
En toile de fond, la relance attendue de la Grande commission mixte Mali–Congo devrait permettre de formaliser ces engagements. Suspendue depuis plusieurs années, cette instance est appelée à devenir un levier diplomatique de proximité, capable de transformer les ambitions politiques en résultats sociaux tangibles.
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Source : APA