Guinée-Bissau : retour des coups d’État dans un cycle d’instabilité chronique
Meguetan Infos

Un nouveau putsch replonge la Guinée-Bissau dans l’instabilité, rompant une relative accalmie de plusieurs années dans ce pays habitué aux coups de force depuis son indépendance.
Mercredi 26 novembre, la Guinée-Bissau a été le théâtre d’un nouveau coup d’État militaire, qui a entraîné la destitution du président Umaro Sissoco Embaló, à quelques heures de l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 23 novembre. Embaló était candidat à sa réélection face à onze challengers, dont son prédécesseur José Mario Vaz, l’ancien Premier ministre Baciro Dja, ainsi que l’indépendant Fernando Dias da Costa, soutenu par le Parti du renouveau social (PRS) et le principal opposant Domingos Simões Pereira, dit DSP, empêché de participer au scrutin.
Ce processus électoral, interrompu 24 heures avant la proclamation des résultats provisoires par la Commission nationale électorale (CNE), faisait suite à un mandat de cinq ans au cours duquel Embaló se targuait d’être le premier président à briguer un second mandat. Il avait lui-même succédé démocratiquement en 2019 à José Mario Vaz, dit Jomav, qui avait cédé le pouvoir après un mandat marqué par des tensions politiques.
La Guinée-Bissau a connu depuis son indépendance quatre coups d’État réussis, seize tentatives et une guerre civile majeure, confirmant que les putschs restent un instrument central du pouvoir politique dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Un pays façonné par les coups de force
Le 14 novembre 1980, le Premier ministre Joao Bernardo Vieira renverse le président Luís Cabral. Mené sans effusion de sang, ce coup inaugure une période d’instabilité chronique, avec tensions internes et rivalités au sein du pouvoir.
En juin 1998, une faction dissidente menée par le général Ansumane Mané tente un putsch contre Vieira. Ce coup manqué déclenche une guerre civile jusqu’en mai 1999, faisant plusieurs centaines de morts et déplaçant des centaines de milliers de personnes. Vieira est destitué le 7 mai 1999, ouvrant une transition fragile.
Le 14 septembre 2003, le général Veríssimo Correia Seabra renverse Kumba Ialá, invoquant crise économique et mécontentement des militaires. Après une transition, Vieira revient au pouvoir en 2005, mais est assassiné par des militaires en 2009, soulignant la persistance des luttes de pouvoir.
En décembre 2011, une tentative de putsch échoue, et en 2012 le général Antonio Indjai renverse le président par intérim et interrompt le processus électoral.
Le putsch de 2025
Le 26 novembre 2025, l’armée, sous la bannière du « Haut Commandement militaire pour la restauration de l’ordre », renverse le président Embaló. Le général Horta N’Tam, investi président de transition pour un an, promet de lutter contre le narcotrafic, accusé de menacer la démocratie et la stabilité. Le putsch intervient après la revendication de victoire dès le premier tour par l’opposant Fernando Dias da Costa. Plusieurs responsables politiques et militaires, dont l’ancien Premier ministre Domingos Simões Pereira, ont été arrêtés.
Les Chefs d’État de la Cédéao, réunis jeudi en session extraordinaire virtuelle, ont condamné le coup d’État et exigé la restauration inconditionnelle de l’ordre constitutionnel. La Guinée-Bissau est suspendue de tous les organes de décision de l’organisation jusqu’à la restauration de l’ordre constitutionnel. Une mission de médiation de haut niveau, composée des présidents Faure Gnassingbé (Togo), Jose Maria Pereira Neves (Cap-Vert) et Bassirou Diomaye Faye (Sénégal), est mandatée pour engager les putschistes et garantir la proclamation des résultats électoraux.
Exfiltration d’Embaló
Le président déchu a été exfiltré vers le Sénégal où il est arrivé « sain et sauf ». L’opération, coordonnée par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, a impliqué un aéronef spécialement affrété et des contacts permanents avec les acteurs politiques et militaires de Guinée-Bissau pour garantir la sécurité et la libération des détenus.
Le Conseil de Médiation et de Sécurité de la Cédéao exhorte les forces armées à retourner dans leurs casernes et à maintenir leur rôle constitutionnel, tandis que la Mission de soutien à la stabilisation (ESSMGB) continue de protéger les institutions.
Ce nouveau coup d’État confirme que l’instabilité politique demeure profondément ancrée en Guinée-Bissau, perpétuant un cycle qui mine les efforts de démocratisation et de développement du pays.
AC/APA




