
La main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit, disait feu Amadou Hampathé Bâ. Très longtemps, pour trouver une solution aux différents conflits et rebellions armés, le Mali avait recours à des partenaires extérieurs pour négocier et aboutir à des accords de paix dont la mise en œuvre devenait aussi conflictogène que les crises qu’ils étaient censés apaisés.
Car, à vrai dire, aucune médiation extérieure n’est totalement neutre, et certains acteurs agissent dans l’ombre pour tirer les ficelles afin de pouvoir toujours garder la main dans un jeu d’intérêts qui ne dit pas son nom. Et dans le cadre des différents accords de Tamanrasset et d’Alger, le vers était dans le fruit et il fallait l’extirper afin qu’il ne se métastase pas en rendant notre territoire totalement poreux face aux attaques terroristes.
Fallait-il rester les bras croisés ? Les bras croisés et assister au démembrement du Mali avec sa kyrielle de victimes innocentes ? Que nenni ! Les autorités de la Transition ont opté pour une évolution dans l’approche du processus de paix et de réconciliation nationale. En fait d’évolution, la nouvelle démarche malienne a rapidement préféré l’antonyme d’évolution en optant pour une révolution, un processus qui se réalise de manière radicale.
L’accord d’Alger fut alors rendu caduc et un nouveau cycle d’appropriation nationale du processus de paix a été lancé avec la mise en place d’un cadre d’élaboration de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, sans intervention extérieure. En d’autres termes, c’est en famille que le linge sale va désormais se laver. Une tâche pas certes facile, mais qui n’est pas non plus au-dessus de nos moyens.
L’originalité cette fois-ci, c’est que la charte pour la paix et la réconciliation nationale aura comme socle les mécanismes endogènes de gestion et de règlement des conflits, avec en toile de fond la justice transitionnelle. Pour que cette démarche puisse prendre corps, il aura fallu du courage, de la souplesse, de l’écoute et du respect.
Courage pour soutenir, sans hargne ni passion, une idée. Souplesse pour ne pas rejeter, d’un revers de main, un point de vue juste. L’écoute pour que la discussion soit un véritable échange. Et le respect, en se disant qu’on tire toujours bénéfice de l’autre. La charte sera bientôt là, il reviendra alors à chaque Malienne et à chaque Malien de s’en approprier, d’en faire une sorte de bréviaire et de pouvoir transcender ses préjugés.
Sur le chemin de la paix et de la réconciliation, il sera certes beaucoup question de justice et de pardon, cependant, chacun devra faire sienne cette autre sagesse de feu Amadou Hampaté Bâ qui disait que « si tu penses comme moi, tu es mon frère. Si tu ne penses pas comme moi, tu es deux fois mon frère, car tu m’ouvres un autre monde ». Ouvrons donc nos cœurs sans fermer nos yeux et mettons le Mali au-dessus de tout.
Salif SANOGO
L’Aube