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Disparition : Un grand baobab est allé à Ségou !

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Ousmane Thiény Konaté, le jeune frère du célèbre romancier malien, Moussa Konaté, a définitivement posé sa plume le 17 août dernier, tôt le matin. Il était le président en exercice de l’Union des écrivains du Mali. Il est auteur de plusieurs œuvres littéraires dont “le Linge sale se lave au cimetière”, “Allers simples pour Ségou”. Également, il a écrit plus de 200 éditoriaux pour le site d’information Mali Actu sans compter ses collaborations extérieures avec les journaux de la place et d’ailleurs. Pour rendre hommage à ce gros bonnet de la littérature malienne, votre hebdomadaire, Aujourd’hui-Mali, a fait dossier spécial sur l’homme. Vous verrez dans ce numéro, le témoignage de Modibo Ibrahima Kanfo, écrivain malien et président du Jelma, les Jeunes esprits de la littérature malienne. Les photos que vous verrez sont exclusives. Elles sont prises le 31 juillet 2021, lors du “débat littéraire” qu’organise l’Union des écrivains du Mali une fois chaque mois. C’était au Palais de la culture Amadou Hampaté Ba, autour du roman, “Meurtre sous le pont des indigents” de Mohamed Diarra, la toute dernière activité littéraire publique du regretté Ousmane Konaté.

C’est avec un cœur plein de tristesse que nous avons appris, le mardi 17 août 2021, le décès de tonton Ousmane Konaté, connu sous le pseudonyme de Ousmane Thiény. Ousmane Thiény était un grand artiste qui avait une capacité d’analyse très élevée. Pétri de talent, il avait un sens de l’écoute remarquable. Il comblait toutes les responsabilités qui lui étaient confiées et cela, avec beaucoup d’ardeur.

Professeur de français, il enseigna au lycée franco-arabe de Tombouctou puis au lycée Dougoukolo Konaré de Kayes. Il témoigna sa bonne volonté de promouvoir l’éducation malienne en participant à la rédaction du manuel français de 11e lettres. Passionné du monde littéraire, il a enrichi la littérature malienne avec ses nombreux livres parmi lesquels on peut citer : “le Linge sale se lave au cimetière”, “Allers simples pour Ségou” et “Mon père est mort”. Son courage et sa détermination lui ont finalement valu le poste de présidence de l’Union des écrivains du Mali. Parallèlement à ces productions littéraires, tonton Ousmane Thiény est auteur de plusieurs centaines d’articles de journal disponibles sur Mali Actu.

Tonton Ousmane Thiény fut un écrivain très engagé. Ses œuvres sont pleines de leçons de moral : la valeur de l’éducation, les méfaits de la polygamie, les conséquences de l’infidélité, les sacrifices parentaux pour les enfants et la brutalité de la mort. Cette mort, qui fut son thème préféré, ne lui a jamais fait peur. D’ailleurs, les propos suivants de Michel Polnareff étaient parmi ses citations préférées : “Que mourir est une douce chose !”, “On ira tous au Paradis”.

Son attachement au thème de la mort souligne son sens élevé de la réflexion, car l’amour, le destin, le patriotisme et la mort font partie des grands thèmes qui ont marqué les grands esprits de tous les siècles. Et d’une certaine manière, il invite ses lecteurs à ne pas trop craindre la mort qui, tôt ou tard, est appelée à nous côtoyer peu importe la manière (mort par accident de la circulation, mort dans le combat féminin, mort subite, mort par maladie, mort par agression physique…) Dans cette logique, il voit la mort de la même façon que Jean d’Ormesson qui la considère comme une sorte de destin commun : nous ne sommes nés que pour mourir.

Tonton Ousmane Thiény, je suis très touché par le contenu du dernier texte de ton recueil de nouvelles intitulé “Allers simples pour Ségou” (Ségou signifie l’Au-delà) où tu narrais ta propre mort sans oublier de décrire les sanglots et le climat froid qui t’entouraient jusqu’à ta dernière demeure : “Je suis mort aujourd’hui, à l’aube. A l’heure de la prière […] J’avais cru que je vivrais jusqu’à 87 ans […] On s’aligne pour la prière aux morts […] J’étais très heureux quand des gens m’ont porté sur un brancard. Il y avait tellement longtemps que personne ne m’avait pris de cette façon […] Des mains me soulèvent et me déposent dans la terre rouge qui m’a vu naître et qui a cette odeur particulière quand la pluie la mouille […] Bientôt je serai la proie de beaux vers luisants”.

En apprenant ton décès et en prenant part à tes obsèques, je suis resté sans mot. Tout s’est presque passé de la manière dont tu narrais : un décès le petit matin et à l’âge de 68 ans (donc sans avoir 87 ans), une prière aux morts à Banankabougou puis un enterrement. Que c’est mystérieux ! Tout cela m’enseigne et me permet de comprendre davantage que la vie n’est qu’un séjour.

Aujourd’hui, les membres de l’Union des écrivains du Mali pleurent ton départ et garde à l’esprit que tu fus un président exemplaire. Les membres du mouvement Jelma pleurent ton départ. Ils sont fiers de toi et soulagés d’avoir ta voix dans leurs archives.

Personnellement, je garde un bon souvenir de nos réunions (réunions des membres de l’Union des écrivains du Mali) à la Bibliothèque nationale où tu as toujours écouté les uns et les autres pour les propositions et les prises de décisions ; je garde, également, un bon souvenir de tes propos d’encouragement à l’occasion du lancement de mon livre intitulé “Au-delà de l’apparence” à la Bibliothèque nationale ; je garde, enfin, un bon souvenir de nos échanges dans ton bureau au ministère de la Justice et dans ta famille à Kalabancoura.

Lorsque je pense à ton absence, une grande tristesse m’envahit. Mais puisque moi-même je partirai un jour à Ségou, je suis donc certain qu’on se reverra. Mais avant ce jour (s’il est encore loin), je ferai avancer la littérature malienne du mieux que je peux. Tu es parti, certes le Mali a perdu un grand baobab. Mais tu peux compter sur la nouvelle génération.

D’énormes jeunes écrivains continueront la lutte à laquelle vous aviez pris part (la lutte pour le rayonnement de la littérature). Kita a eu d’abord la chance d’avoir Massa Makan Diabaté, puis toi. Je pense que ce n’est pas fini. Le jeune poète Christian Bakou qui, sur son chemin impressionne déjà tout le monde, a un talent de rêve allant au-delà de toute apparence. Cela confirme ta pensée selon laquelle, le Mali peut tanguer, mais ne tombera jamais.

Dors en paix mon président !

Modibo Ibrahima Kanfo

Secrétaire à la communication de l’Union des écrivains du Mali et président du Jelma

Aujourd’hui-Mali

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