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Cour d’appel de Bamako : Qui fait main-basse sur le Parquet général ?

Par Le Témoin

Pour extorquer le patrimoine immobilier stratégique d’autrui à Bamako, il suffit paraît-il de l’engluer dans un litige artificiel, en mettant notamment le propriétaire devant le fait accompli avec la moindre trace d’investissement. Et à défaut de pouvoir l’en contraindre à une transaction aux fins de cession à l’amiable -, on peut toujours compter sur la justice pour inverser les torts, travestir ou intervertir les raisons au nom de l’ascendant des gages judiciaires sur les garanties juridiques. C’est sous cette facette hideuse que s’est révélée l’institution judiciaire, dans une affaire rocambolesque qui risque d’exploser à la face du parquet général de la Cour d’appel, dont la partition est souvent décriée dans chaque litige foncier impliquant une certaine catégorie de privilégiés parmi les justiciables.

En tout cas, ledit parquet ne dérogeait pas à cette réputation depuis la semaine dernière, car son nom se trouve sur toutes les lèvres par rapport à une mesure de police ayant défrayé la chronique. Aux petits soins d’on ne sait quel diable, le Commissariat du 10 ème Arrondissement a en effet usé et abusé d’instructions d’autorité judiciaire tapie dans l’ombre  pour priver de liberté de longues heures durant le propriétaire légitime et légal de deux parcelles sises à Niamakoro Cité des Enfants. Un alléchant domaine d’1 hectare qui suscite des convoitises telles qu’un puissant spoliateur de la place a cru pouvoir en disposer au mépris de toute forme de régularisation. Pas de titre de propriété, ni de lettre d’attribution, mais l’intéressé s’est autorisé une expulsion de fait du propriétaire régulier par l’élévation d’un mur de clôture qu’il voudrait infranchissable. Toutes choses que le détenteur légal des lieux s’est cru en droit d’attaquer en justice, constat d’huissier à l’appui. Le dossier étant donc pendant devant le tribunal de la Commune V, l’action judiciaire était censée suspendre toute réalisation sur le terrain, mais le plaignant et détenteur des titres de propriété va désillusionner de voir chaque jour un avancement des travaux au mépris de la mesure de suspension. De quoi le résoudre finalement à agir contre cette dérive, mais c’était sans compter avec la solidité tentaculaire de ses adversaires dans le système judiciaire. C’est en voulant sécuriser l’endroit contre des mains invisibles qui y travaillent, en effet, qu’il se retrouve dans les mailles de la police, avec la stupeur de se voir dans la position de bourreau là où il s’estimait une victime. Les démonstrations, preuves à l’appui, de sa propriété sur l’endroit  n’auront pas suffi et c’est avec le même étonnement, confie-t-on, que le pauvre justiciable apprendra que sa détention découle d’un ordre venu du tribunal de la Commune VI, comme pour le mettre hors d’état de nuire à l’audacieuse manœuvre de dépossession orchestrée par les occupants illicites de ses parcelles en vertu de gages judiciaires probablement obtenus de plus haute instance. Il s’agit, en clair, du parquet  de la Cour d’appel que nombre d’observateurs soupçonnent de tirer les ficelles de la terreur contre les justiciables ordinaires chaque fois que les intérêts de prébendiers sont en jeu. Et ce sont les gages judiciaires que ces derniers tiennent de cette protection, semble-t-il, qui justifient la témérité avec laquelle ils franchissent certains seuils de l’illicite. C’est vraisemblablement le cas pour la parcelle litigieuse de Niamankoro, un morcellement de Sogoniko que l’acquéreur légal a obtenu de haute lutte. Il s’agit d’une société immobilière de la place, qui s’est battu aux côtés des propriétaires coutumiers pour ramener le patrimoine dans leur escarcelle. Il nous revient de bonne source que c’est à coups d’énormes investissements en espèce et nature pour ce faire que cette entreprise a acquis les deux parcelles immatriculées dans les livres fonciers du District et au moyen d’acte de vente notarié dûment passé avec le mandataire officiel des exploitants transitionnels. Il s’agit d’un certain Modibo Sidi Kissima Traoré, dont le nom réapparaît dans une transaction opaque avec une tierce personne à laquelle il semble lié par une promesse de vente des mêmes parcelles. Comme on le voit, le virtuel nouvel acquéreur devrait avoir les reins assez costauds pour consentir des dizaines de millions de nos francs pour la seule clôture d’une propriété dont il ne dispose que par simple promesse de vente. Il l’aura quand même prouvé en s’arrogeant la transgression d’une mesure suspensive aux dépens de l’autre protagoniste tenu de l’observer religieusement.

Il y’a lieu d’espérer que le combat des syndicats de la magistrature pour redorer le blason de l’institution se traduise également par la rigueur disciplinaire à l’endroit des éléments qui en ternissent l’image.

 

A. KEÏTA

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