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Les données biométriques, un risque de plus pour les collaborateurs afghans des Occidentaux

RFI

En début de semaine sur Twitter, l’ONG Human Rights First alertait sur le risque que représentent les données biométriques pour les civils afghans ayant collaboré avec les Américains. Une inquiétude renforcée par les informations dévoilées tout récemment par le média américain The Intercept, selon lesquelles les talibans auraient d’ors et déjà mis la main sur des appareils d’identification biométrique donnant accès une large base de données.

Le système d’identification biométrique HIIDE, pour « matériel de détection d’identité interagences portatif », collecte l’iris, les empreintes digitales et des renseignements biographiques. D’après le site The Intercept, certains de ces appareils seraient actuellement entre les mains des talibans. Ils donnent accès à des données collectées par les armées américaine et afghane sur les Afghans ayant collaboré avec la coalition.

Conçus au départ pour recenser les personnes faisant peser une menace sur l’armée américaine en Irak et en Afghanistan, 70 000 appareils de ce type ont été déployés en 2010, suscitant déjà un vif débat. « Les appareils biométriques HIIDE utilisent la reconnaissance faciale pour répertorier des profils de personnes, et les versent ensuite dans des bases de données, explique Elizabeth Sheppard Sellam, chercheuse en sécurité et relations  internationales à l’Université de Tours. L’objectif des Américains était au départ de se préserver du risque terroriste mais ils s’en sont également servi pour gérer les effectifs des Afghans qui travaillaient pour eux. »

« Cela met en danger les Afghans ayant travaillé pour les Américains »

Selon la journaliste d’investigation Annie Jacobsen, citée par The Intercept, le Pentagone avait pour objectif de recueillir des données biométriques sur 80% de la population afghane pour localiser des terroristes et des criminels. L’accès à de telles informations pourraient donc s’avérer particulièrement dangereux, maintenant que les talibans ont pris le pouvoir. À condition qu’ils parviennent à les décrypter.

« Si les talibans ont récupéré des appareils HIIDE, il faut qu’ils aient maintenant la capacité technique d’entrer dans la base de données qui y est adossée, développe Elizabeth Sheppard Sellam. Les talibans ne sont pas connus pour être très calés en technologie, au contraire de l’État islamique ou d’al-Qaïda. Mais s’ils sont aidés par les services secrets pakistanais, cela mettrait en danger les Afghans qui ont travaillé pour les Américains, et les exposerait à un risque de vengeance. »

Si les talibans ont affirmé à plusieurs reprises qu’ils ne chercheraient pas à se venger des Afghans ayant collaboré avec les Occidentaux ou le précédent gouvernement, des civils ont affirmé sur Twitter que certains d’entre eux faisaient du porte-à-porte pour retrouver des activistes et d’anciens collaborateurs de la coalition. Un internaute a même affirmé, selon Reuters, qu’ils utilisaient des « appareils biométriques ». L’accès à la base de données pourrait donc leur simplifier singulièrement la tâche. Toujours selon Reuters, appuyé sur des médias locaux, les talibans utilisaient déjà il y a cinq ans le système biométrique de l’ancien gouvernement pour cibler des membres des forces de sécurité.

Manque d’anticipation

Une fuite potentiellement dramatique, donc, et imputable à une « erreur humaine » et un « manque d’anticipation du risque », selon Elizabeth Sheppard Sellam. « L’armée américaine et les forces afghanes ont laissé ces appareils à la merci des talibans en se retirant, accuse la chercheuse. Sans même parler de sécurité informatique, on est ici confrontés à un problème de sécurisation physique. Personne n’avait envisagé que de tels équipements puissent tomber aussi facilement entre les mains des talibans. »

►À lire aussi : Afghanistan: pour Joe Biden, il était impossible de quitter le pays sans une forme de «chaos»

Mais même si les procédures de sécurité avaient été parfaitement respectées, le risque zéro n’existe pas avec de telles bases de données. « Depuis la fin des années 1990, on voit se multiplier l’utilisation de technologies de pointe, dont la biométrie, dans le domaine militaire, souligne Elizabeth Sheppard Sellam, mais la sécurisation à 100% de ce type d’outils n’existe pas, il y a toujours une faille. »

Pour aider les Afghans, l’ONG Human Rights First a traduit en dari et en pachtoune son guide expliquant comment effacer ses données numériques et tenter de contourner la reconnaissance faciale. Il avait à l’origine était écrit pour les activistes de Hong-Kong.

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