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Que sont-ils devenus … Belco Tamboura : L’intrépide journaliste-reporter des années de braise

Par Aujourd'hui-Mali

En 1990, fraîchement admise au diplôme d’études fondamentales (DEF), notre génération était fascinée par trois journaux : “La Roue”, “Les Echos” et “Aurore”. Ils ont contribué à l’éveil de conscience du peuple malien et propulsé au-devant de la scène de jeunes politiciens pour contrecarrer la dérive dictatoriale du régime de GMT. Nous sommes allés à la rencontre d’un jeune reporter de l’époque, considéré comme la première victime des événements du 26-Mars 1991. Son nom, c’est Belco Tamboura. Il était journaliste reporter à l’hebdomadaire “Aurore”. Il fut le grand journaliste qui formera par la suite d’autres cadets, devenus des sommités de la presse malienne. L’homme est convaincu que pour être un bon combattant, il faut avoir une indépendance d’esprit. Cet enfant de Konna n’est pas venu dans la presse par amour, mais parce qu’il n’y avait pas de perspectives pour la jeunesse de son pays, qu’il invite aujourd’hui à une prise de conscience en s’inspirant du combat de ses aînés. Frais émoulu de l’ENA, option droit public, Belco Tamboura avait l’occasion de dénoncer les maux de la société à un moment crucial pour apporter un changement à travers sa plume. C’est  la révolte contre un système qui  l’a conduit dans la presse. Surtout qu’il venait de soutenir sur le thème “Etat de démocratie nationale : une idéologie politique”. Un jeune étudiant qui traite une telle problématique ne pouvait rêver mieux que le combat pour le multipartisme intégral. Notre entretien avec Belco Tamboura est sorti du contexte reportage, pour prendre la forme d’une école où le professeur enseigne son élève. L’homme est très cultivé, il manie l’art de convaincre par une argumentation d’une dextérité chirurgicale. Nous avons beaucoup appris avec lui. Qui est donc ce grand journaliste diplômé de Montréal au Canada, spécialité  journalisme en démocratie ? La rubrique “Que sont-ils devenus ?” vous donne l’occasion d’en savoir plus sur le grand talent.

A œur vaillant, rien d’impossible ! Belco s’engagea dans la lutte pour l’avènement de la démocratie au Mali à travers sa plume. Pour lui, la presse est un métier d’élite. Dans la mesure où les journalistes rencontrent chaque jour des hommes qui connaissent mieux les sujets qu’ils traitent. Dans ce cas, s’instruire devient une obligation pour la jeune génération.

Belco Tamboura est originaire de la région de Mopti, où il a passé son adolescence entre Konna et Konza. A son admission au baccalauréat (option philo-langue), il est orienté à l’Ecole nationale d’administration (ENA) d’où il sortira en 1987 avec la mention très bien. Il n’a jamais cherché à intégrer la fonction publique, parce que les fonctionnaires souffraient énormément.

L’instauration du concours d’entrée à la fonction publique avait du reste obstrué les chances de la jeunesse d’y accéder. Maitrisard en droit public, il a travaillé au journal Aurore de 1989 à 1992.

En plus de son statut de reporter, il a occupé également le poste de rédacteur en chef adjoint.

A un moment donné, l’environnement n’était plus propice, pour continuer dans ce journal. Les incompréhensions, les divergences, le traitement salarial,  les petites mesquineries finiront par entamer la volonté et l’engagement du jeune Belco Tamboura. Il décida alors de la création de son propre journal en octobre 1992 : “L’Observateur”. Ce nouveau bébé se  tiendra sur ses pieds pendant quatre ans comme hebdo, et vingt ans comme bihebdomadaire.

Depuis huit ans, la gestion du journal du journal “L’Observateur” est confiée à une nouvelle génération de jeunes journalistes parce que Belco Tamboura est appelé à  d’autres fonctions. Il dirige la direction de la communication et des relations publiques de la Chambre des mines. Malgré son emploi du temps très chargé, il ne s’empêche de passer parfois à la rédaction pour voir l’évolution de son premier enfant, c’est à dire, le journal l’Observateur.

Quelle analyse fait-il de la révolution du 26 Mars ? Est-ce vrai que le Mouvement démocratique était manipulé par l’Occident ? L’ONG France Liberté ?

La réponse de  Belco Tamboura est sans équivoque. Il soutient que les Maliens étaient plutôt manipulés par leurs difficultés : la crise de salaire, l’absence de perspectives, les compressions des travailleurs, le manque de libertés. Certes, des pays comme la France ont pris position sur la problématique, donc il fallait profiter. Si Belco est convaincu que le sommet de La Baule a été déterminant, cependant il rejette du revers de la main toute idée de manipulation.

A aucun moment, il n’a su qu’une main invisible dirigeait les actions du Mouvement démocratique. Les Maliens étaient manipulés par leurs propres difficultés. Le Sommet de La Baule a eu son effet, les problèmes maliens étaient réels. En tant que maillon important de la nation, à travers son jeune âge à l’époque, il est sûr du bien bien-fondé de son engagement. C’est à ce titre qu’il était un véritable homme de terrain pour narrer en temps réel toutes les actions du Mouvement démocratique et même au prix de la vie. C’est pendant un de ses reportages que Belco Tamboura a frôlé la mort. Qu’est-ce qui s’est passé ? Comment il a été arrêté et maltraité ? L’enfant de Konna se souvient.

Deux nuits au GMS,

deux mois hospitalisé sous surveillance policière

“J’étais journaliste-reporter au journal Aurore en son temps. Je couvrais une réunion du Cnid à Faladié, en prélude à une marche. La rencontre a été infiltrée par un agent de la Sécurité d’Etat, qui fut  malheureusement découvert. Encerclé par la foule déchaînée, il a sorti son arme. Les responsables du Cnid l’ont sauvé.  J’ai rendu compte dans mon article en publiant la photo de l’agent en question. Il a profité d’une autre circonstance pour régler ses comptes. Comment ? Des jeunes brûlaient des pneus non loin du siège du journal Aurore, et je suis sorti pour vérifier, des policiers m’ont arrêté, en compagnie d’autres manifestants.

Conduit au commissariat du 1er arrondissement, je fus dévisagé par mon bourreau. Dès lors, mon calvaire a commencé. C’est au GMS que j’ai failli être lynché. Il a fallu l’intervention d’un autre policier qui a demandé mon évacuation à l’hôpital de Kati. Dans ce centre hospitalier, j’étais gardé par quatre policiers dont un devant la porte de ma salle.

On m’a tendu un piège, qu’il fallait éviter à tout prix. Au bout de plusieurs interrogatoires sur tous les sujets, je n’ai rien dit qui pouvait les arranger”.

Belco Tamboura dont le bras a été fracturé, a passé deux nuits au GMS sous la torture et deux mois d’hospitalisation sous surveillance policière. Après cette arrestation musclée et tous ces traitements dégradants, quel était son état d’âme ? Très jeune, il dit n’avoir pas analysé la situation, de telle sorte à affronter la peur.

Seulement il était devenu plus prudent et il lui arrivait de changer de couchette chaque fois qu’il écrivait des articles de presse poignants. A présent, il garde les cicatrices au front, et sentiront les séquelles à vie. En musulman convaincu même si cette arrestation est un mauvais souvenir, il n’en tient rigueur à personne. Il n’a aucun remords pour son engagement. Au contraire, ce combat pour l’instauration du multipartisme intégral au Mali et toutes ses conséquences l’ont moralement renforcé.

Les événements du 26 mars pour lequel il était engagé et dont il a été  la première victime ont-ils produit les résultats escomptés ? Oui, répond-il. Et pour cause, dit-il, les hommes ne parlent plus dans une gourde, il y a eu une prolifération des partis et associations politiques. Cependant, Belco Tamboura est formel que le Mali ne serait pas là aujourd’hui, si le cap des idéaux du 26 avait été maintenu. La preuve est que 30 ans après,  le peuple n’a pas toujours renoncé à ces idéaux qui restent d’actualité : une bonne justice,  la lutte contre la corruption,  l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. Dans la même foulée, que pense-t-il de la multiplicité des organes de presse ? En tant que partisan de la liberté,  y compris la liberté de la presse, Belco Tamboura conseille de ne pas prendre l’élément lui-même et le condamner pour ce qu’il est devenu.

L’éclosion des journaux, selon lui, donne l’occasion à n’importe quel Malien de se prononcer sur la vie du pays. “Cela est un facteur important. Seulement le manque de déontologie revient à l’Etat pour recadrer les choses, et réglementer la profession”. Toutefois, Belco Tamboura n’est pas d’accord que la corruption soit liée à la démocratie, “c’est plutôt la faiblesse de l’Etat”.

Tamboura a dirigé l’Association des éditeurs de presse privée (Assep) de 2002 à 2006. Pendant plusieurs années, il a été correspondant de Reporters sans frontières (RSF). Il retient comme bons souvenirs tout ce bien que le métier lui a apporté : le tour du monde, les honneurs du pays liés à son engagement, les différents prix remportés.

Dans la vie, il aime la lecture, les travaux champêtres. Il déteste la trahison. Pour lui, cela est le fait des hommes peu courageux. Il est marié et père de quatre enfants.

O. Roger

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