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France: la démission de Nicolas Hulot interroge sur le poids des lobbies

La veille de sa démission, Nicolas Hulot a eu la désagréable surprise de découvrir la présence du lobbyiste Thierry Coste lors d’une réunion avec la Fédération nationale des chasseurs en présence d’Emmanuel Macron. Cela aurait été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Un élément qui aurait achevé de convaincre Nicolas Hulot de démissionner le mardi 28 août et qui interroge sur la présence et l’influence des lobbies dans les sphères du pouvoir.

Le ministre de la Transition écologique surpris par sa présence ? Le lobbyiste des chasseurs Thierry Coste affirme ne pas comprendre : « Je suis le conseiller politique de la Fédération », souligne-t-il, « ce qui peut être choquant n’importe où, c’est quand celui qui représente quelque chose n’est pas identifié. Là, le président de la République reçoit la Fédération nationale des chasseurs. Le président de la République l’a déjà reçue une fois. J’étais présent. La seconde fois, je suis présent. Où est l’erreur ? »

Thierry Coste, qui est par ailleurs le conseiller du chef de l’État sur les questions de ruralité, dit ne rien cacher à personne. Mais à d’autres moments, il a avoué avec une étonnante franchise qu’un lobbyiste avance parfois masqué. En juin dernier, il a dit à nos confrères de France Inter : « J’infiltre les groupes de pression opposés, les syndicats, tout ce qui peut nuire aux intérêts de mes clients »

Les lobbies utilisent tous les moyens pour parvenir à leurs fins

Thierry Coste ne conseille pas seulement les chasseurs. Il est également le patron de Stratégie et Lobbying, une entreprise qui représente aussi des marchands d’armes. Pour ce lobbyiste, tous les moyens sont bons pour défendre les intérêts de ses clients.

« Une bonne discussion, une bonne polémique, un bon rapport de force… j’utilise tout. Le juridique, la communication, la négociation très cool et très sympa, peu importe, a-t-il dit sur France Inter. J’assume complètement le fait d’être un véritable mercenaire. J’ai un code d’honneur qui est de respecter les lois et les règlements, de ne jamais pratiquer la corruption, et de ne jamais pratiquer les polémiques sur les affaires de sexe et d’argent. Pour tout le reste, je suis sans foi ni loi. Seul le résultat compte pour moi : je respecte la loi, point. Pour le reste, je n’ai aucun état d’âme. »

Avancer masqué pour mieux influer

Certains lobbies se dotent de jolis noms : derrière l’UIPP, l’Union des industries pour la protection des plantes, se cachent des industriels comme Bayer, BASF et Monsanto. En mai 2018, l’UIPP a organisé à Paris, l’exposition « La cité du siècle vert », sur « l’art de soigner les plantes ». L’exposition était dotée d’une belle décoration et de plantes vertes en abondance, elle mettait en avant les bienfaits des pesticides, mais faisait l’impasse sur le caractère cancérogène probable de certains produits comme le glyphosate.

Lorsqu’un groupe d’activistes écologistes a fait irruption en clamant des slogans-chocs pour dénoncer le caractère nocif des pesticides, les lobbyistes ont écouté poliment les activistes, pour expliquer ensuite, sans rire, qu’ils étaient du même bord que les écologistes et que leur but était de protéger la nature.

Des lobbyistes dans les bureaux des députés

Que ce soient les membres de l’UIPP ou d’autres lobbies, ils ont leurs habitudes jusque dans les bureaux des députés, pour les « conseiller », selon Pascoe Sabido, spécialiste des lobbies au sein du Corporate Europe Observatory (CEO), un observatoire basé à Bruxelles. La capitale européenne est un important lieu de lobbying. « L’une des stratégies des lobbyistes est de fournir des amendements clés en main. Ils fournissent leurs textes aux députés qui, eux, vont proposer les amendements. Cela veut dire que les lobbyistes écrivent bel et bien ces amendements. »

Et le travail des lobbies ne s’arrête pas là, poursuit Pascoe Sabido. « Pour rendre leurs arguments crédibles, les entreprises achètent des scientifiques qui disent ce que ces firmes veulent, dans le but de semer le doute. Par exemple, autour du caractère nocif ou non du glyphosate, ou autour du caractère véridique du changement climatique. Mais les entreprises paient aussi pour créer des faux groupes de citoyens qui disent : « On veut le glyphosate, on n’a rien contre les pesticides. » Mais, en réalité, ces groupes sont créés par l’industrie. »

L’omniprésence des lobbies a fini par devenir insupportable à Nicolas Hulot. Il s’était à plusieurs reprises ému de la « pression terrible exercée par les lobbies ». Nicolas Hulot avait voulu un grand sursaut pour l’écologie. Mais il s’est heurté à cette réalité-là et à ces lobbies qui sont souvent présents pour freiner l’avancement, souhaité par l’ancien ministre.

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