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Ousmane Almoudou : « Ce qu’il faut éviter, c’est d’harmoniser tout en remettant en cause les acquis d’un autre syndicat »

Meguetan Infos

Depuis le lundi 17 mai 2021, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) est en grève pour exiger de l’Etat l’harmonisation des grilles salariales des travailleurs du pays. Les syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 estiment que cette revendication est une tentative de remise en cause de l’article 39 du statut du personnel enseignant. Le mardi 18 de ce mois, une équipe de Sahel Tribuneest allée à la rencontredu Porte-parole de la synergie syndicale de l’éducation, Ousmane Almoudou, à la Maison de l’enseignant à Bamako. Nous vous invitons à lire la première partie de l’interview qu’il a accordée sur cette problématique.

 

Sahel Tribune :Depuis le lundi, l’UNTM a entamé une grève dequatre jours pour exiger surtout l’harmonisation des grilles salariales des travailleurs du pays.Quelle lecture faites-vous de cette grève de la centrale syndicale ?

Ousmane Almoudou :Je pense quel’UNTM n’a pas digéré le fait que, depuis 2018,les syndicats de l’éducation aient obtenu leur statut personnel. Un statut accompagné, faut-il le rappeler, d’une grille largement en dessus de celle du statut général. Ce qui l’a poussée, le 2 mai 2018,àdéposer un tas de doléances. Ces doléances ont conduit au dépôt d’un préavis de grève. L’objectif de ce préavis était d’élever la grille du statut général à 1100 en 2019 et 1200 en 2021.

Cette augmentation intervenant sur le statut général revenait à une augmentation sur la grille des enseignants au regard de l’article 39 du statut du personnel enseignant. Mais ce n’a pas été le cas. Ce qui a donné lieu à des mouvements de grève à travers lesquels nous avons eu gain de cause. Aujourd’hui, la nouvelle revendication de l’UNTM est d’harmoniser les grilles. Chose qui est de leur droit. Ce qu’il faut éviter, c’est d’harmoniser tout en remettant en cause les acquis d’un autre syndicat comme les nôtres.

De nos sources, nous avons appris qu’il y a lieu une rencontre entre vous et le gouvernement sur la question. Si oui, pouvez-vous nous informer sur la lecture de la centrale syndicale au sujet de l’harmonisation ?

Oui, je confirme. Le jeudi 6 mai 2021, nous avons eu une rencontre avec le gouvernement sortant. Selon la lecture qui lui a été imposé par l’UNTM, l’indice plafond des enseignants est à 1382. Le souhait de l’UNTM est de relever la grille du statut général pour l’amener au niveau du statut des enseignants. Les autres grilles qui sont inférieures au statut des enseignants seront aussi relevées et ramenées au niveau de ce statut. C’est cela leur lecture de l’harmonisation des grilles.

Pourtant, il y a d’autres statuts qui ont une grille supérieure au statut des enseignants. La question qui se pose à ce stade : pourquoine pas ramener tout le monde à ce niveau supérieur ?

A ce sujet, que dit concrètement votre article 39 ?

L’article 39indique qu’à chaque fois qu’il y a une augmentation de 5 FCFA sur le statut général, les enseignants doivent en bénéficier également. Donc, si le gouvernement effectue une augmentation sur le statut général, qui va quitter de 1200 pour aller à 1382, cela nous fera une augmentation de 15,17 %.

Si vous avez eu aujourd’hui l’occasion d’être en face du secrétaire général de l’UNTM, qu’allez-vous réellement lui dire ?

Je ne sais pas si cette occasion va se présenter. Mais nous, syndicats de l’éducation, légalistes que nous sommes, nous nous battrons pour que la loi soit appliquée. On n’hésitera pas à le dire également : harmoniser les grilles est impossible. Cela relève de l’utopie.

Chaque fonction a une spécificité. Le besoin pour les enseignants d’avoir un statut afin d’avoir une certaine autonomie, un certain nombre d’avantages qui les mettra à l’abri des besoins pour qu’ils se consacrent uniquement à l’enseignement a été toujours exprimé par les enseignants du Mali. Mais l’objectif de l’UNTM, à notre lecture de la situation, est de remettre en cause ce statut du personnel enseignant.

Propos recueillis par

Fousseni Togola et

Bakary Fomba

 

Ousmane Almoudou (2) : « Si le gouvernement accepte l’harmonisation des grilles », l’année scolaire devrait connaître une perturbation

Ousmane Almoudou est l’actuel porte-parole de la synergie des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016. Dans cette deuxième partie de l’interview qu’il a accordée à Sahel Tribune, l’enseignant syndicaliste explique qu’aucune incompréhension ne doit exister entre leur synergie et l’l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). Pour lui, si le gouvernement accepte l’harmonisation de la grille salariale demandée par l’UNTM, c’est qu’il met de facto le statut du personnel enseignant en cause. Ce qui pourrait donner lieu à des perturbations de l’année scolaire. Il nous revient également surles montants communiqués par l’ex-Premier ministre, Boubou Cissé, au sujet du salaire des enseignants.

Sahel tribune : Quel est le véritable problème entre vous et l’UNTM ?

Nous sommes tous des syndicats et nous sommes censés défendre les intérêts matériels et moraux de nos travailleurs.Aucune incompréhension ne devrait exister entre nous. Cependant, nous comprenons que l’UNTM veut s’imposer comme la seule alternative à avoir le droit de vie et de mort sur les travailleurs du Mali. Nous ne pouvons pas accepter cela.

Depuis le 15 octobre 2016, nous avons souhaité prendre notre destin en main. Cette volonté nous a permis d’avoir un statut : l’application de l’article 39 et faire en sorte qu’il soit appliqué en toutes circonstances.

S’il y a une méfiance entre nous, c’est parce que l’UNTM veut imposer sa volonté aux autres travailleurs. L’année dernière, les écoles ont été fermées pendant 5 ou 6 mois par la faute de l’UNTM en complicité avec Boubou Cissé. Ils ont mis de côté les textes de la république pour faire agir leur sentiment.

Alors doit-on craindre une perturbation de l’année scolaire en cours ?

Évidemment ! Si le gouvernement accepte l’harmonisation des grilles, c’est qu’il accepte de facto de remettre en cause le statut des enseignants. Les syndicats se lèveront et ça coûtera ce que ce doit coûter à l’école malienne. Nous nous battrons jusqu’à l’application de notre statut. On ne discute pas sur cette application, on ne le négocie pas.

On va d’ailleurs d’ores et déjà réfléchir aux premières mesures préventives à prendre pendant que nous sommes encore en classe en attendant de voir plus clair dans cette situation.

Comment sommes-nous arrivés au statut du personnel enseignant ?

On tend de plus en plus vers un bac UEMOA. On nous demande alors d’avoir les mêmes compétences que nos collègues de cette zone, de donner les mêmes résultats qu’eux. Alors, pourquoi ne pas nous mettre dans les mêmes conditions qu’eux aussi ? Voilà la raison pour laquelle, lors des négociations ayant conduit à ce statut, nous avons demandé à ce que nos salaires soient alignés à ceux de nos collègues de l’UEMOA. C’est ainsi que le gouvernement a décidé de nous l’accorder.

Si on veut remettre cet acquis en cause, les syndicats de l’éducation ne seront pas d’accord. Ils se battront pour le préserver. Toutefois, que tout soit clair, nous n’avons pas de compte personnel à régler avec quiconque.

Pour une meilleure gestion de cette crise, quel message envoyez-vous aux autorités de la Transition ?

En principe, nous sommes dans un pays démocratique, un pays régi par des lois. Les autorités doivent juste appliquer la loi. Aujourd’hui, il n’y a aucune loi au Mali qui impose d’amener tous les travailleurs sur la même grille. Mais il y a des lois qui donnent des avantages à des corps pour leur spécificité. Tout ce que l’État doit faire, c’est d’appliquer les lois de la république.

Concernant le salaire des enseignants, l’ancien Premier ministre, Boubou Cissé, avait annoncé en son temps des montants que vous recevriez. Vous avez aussitôt démenti cela. Où en sommes-nous avec cette affaire aujourd’hui ?

À un moment donné, une association avait porté plainte. Mais nous ne savons pas quelle est la suite judiciaire qui a été donnée à cette plainte. Mais nous, syndicats de l’éducation, n’avons pas porté plainte parce que nous estimions que c’était une fuite en avant. C’était une manière pour lui d’opposer les enseignants à la population. Nous avons compris cela comme un processus d’intoxication. Toutefois, certains collègues estiment que si Boubou a communiqué ces chiffres alors qu’il était à la fois Premier ministre et ministre de l’Économie et des Finances, c’est que cette somme communiquée serait ce qui doit revenir aux enseignants, mais qui serait détournée quelque part.

Il serait donc mieux aujourd’hui de se pencher sur cette situation. Si c’est de l’argent public destiné aux enseignants qui est détourné, il faudrait qu’il soit récupéré et reversé au trésor public. Nous comptons dès maintenant relancer l’association qui avait porté plainte pour savoir où elle en est avec cette affaire.

Propos recueillis par

Fousseni Togola et

Bakary Fomba

Source: Sahel Tribune

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