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Vaccination : Pourquoi la recherche française a-t-elle pris du retard ?

20 minutes.fr

EPIDEMIE En un mois, les deux fleurons de la recherche vaccinale ont abandonné ou retardé leur projet principal de vaccin contre le virus

Illustration de la recherche d’un vaccin contre le Covid. — SOPA Images
  • Lundi, l’Institut Pasteur a annoncé l’arrêt du développement de son principal projet de vaccin contre le Covid-19.
  • Avant cela, Sanofi avait averti début décembre que son vaccin développé avec le britannique GSK avait pris du retard et ne serait prêt que fin 2021.
  • Ces deux annonces marquent un nouveau revers pour la recherche. Pourquoi la France a-t-elle pris autant de retard ?

Pour un vaccin made in France, il faudra patienter encore un peu. Après le géant pharmaceutique Sanofi en décembre, c’est au tour de l’Institut Pasteur de stopper le développement de son principal projet de vaccin contre le coronavirus, a-t-il annoncé lundi dans un communiqué de presse. Sanofi, de son côté, a annoncé, ce mardi, qu’il allait aider Pfizer-BioNTech à conditionner son vaccin.

Du côté des laboratoires étrangers pourtant, l’offre est de plus en plus importante. Pfizer, Moderna, AstraZeneca, Spoutnik V… A chaque semaine, son nouveau vaccin sur le marché. Pourquoi la France a-t-elle pris autant de retard ? Sanofi et Pasteur continuent-ils leurs recherches ? 20 Minutes fait le point.

Sur quoi travaillaient Sanofi et Pasteur ?

Le laboratoire Sanofi a été le premier à stopper le développement de son vaccin, sur lequel il travaillait avec le britannique GSK. Ce projet repose sur la technologie à base de protéine recombinante que Sanofi a employée pour produire un de ces vaccins contre la grippe saisonnière et sur un adjuvant développé par GSK. De son côté, l’Institut Pasteur travaillait sur un vaccin utilisant comme base celui contre la rougeole, qu’il avait adapté, en collaboration avec le géant américain Merck.

« La technologie utilisée par l’Institut Pasteur est développée depuis longtemps, on l’a déjà fait pour le vaccin contre la dengue. Pour Sanofi, c’est une approche moins innovante, plus classique, comme ce qu’on fait pour le vaccin contre la grippe », détaille Olivier Terrier, chercheur du CNRS au Centre international de recherche en infectiologie. « L’idée de partir de quelque chose qu’on connaît bien pouvait être une stratégie pertinente. Il y a une part de hasard, de risque dans la recherche », a souligné auprès de l’AFP Nathalie Coutinet, chercheuse à l’Université Sorbonne Paris Nord.

Pourquoi ont-ils abandonné leurs projets ?

Dans son communiqué publié lundi, l’Institut Pasteur a justifié sa décision de mettre fin à son projet, expliquant que « les réponses immunitaires induites se sont avérées inférieures à celles observées chez les personnes guéries d’une infection naturelle ainsi qu’à celles observées avec les vaccins autorisés » contre le coronavirus.

Même son de cloche chez Sanofi. Le géant pharmaceutique a indiqué que la réponse immunitaire des adultes de 18 à 49 ans avec son vaccin est « comparable à celle des patients qui se sont rétablis d’une infection Covid-19 », mais cette réponse est « insuffisante » chez les adultes plus âgés, avait déclaré le laboratoire dans un communiqué publié mi-décembre. « Il ne s’agit pas d’essais d’efficacité, mais bien d’immunogénicité, soit la puissance immunisante du vaccin », éclaire Cécil Czerkinsky, directeur de recherche de l’Inserm et vaccinologiste.

Pourquoi les deux laboratoires n’ont-ils pas opté pour l’ARN messager ?

Les deux technologies choisies par l’institut Pasteur et le laboratoire Sanofi sont différentes de l’ARN messager, la solution utilisée par les vaccins de Pfizer-BioNTech et Moderna, déjà approuvés en Europe. « Moderna et BioNtech ont fait ce choix-là (de l’ARN messager) aussi car c’était la seule technologie qu’ils avaient. Nous, on avait plusieurs options. On a choisi une option qu’on maîtrisait », a justifié Olivier Bogillot, patron France de Sanofi, ce mercredi sur RTL. « Si tout le monde avait opté pour l’ARN messager et que ça n’avait pas marché, on aurait dit que c’était stupide », a poursuivi Nathalie Coutinet.

« Ces laboratoires devaient aller vite et ont utilisé leur savoir-faire. Ce sont des technologies qu’ils maîtrisent pour fabriquer leurs vaccins. Sanofi et GSK sont plutôt en retard sur cette technologie de l’ARN Messager par rapport à ses concurrents », complète Cécil Czerkinsky. Mais Sanofi n’a pas complètement mis de côté cette technologie. Le laboratoire français développe un vaccin qui utilise l’ARN messager, avec la biotech américaine Translate Bio, dont les travaux n’ont pas encore abouti, contrairement à ceux de ses concurrentes.

La recherche française manque-t-elle de moyens ?

Traditionnellement, développer un nouveau vaccin prend du temps et de l’argent. Selon les spécialistes, il faut en effet compter environ un milliard d’euros et dix ans en moyenne. Dans le cas du coronavirus, des financements exceptionnels et des partenariats public-privé ont vu le jour.

« Jusqu’à récemment, on manquait de moyens. Des fonds ont été débloqués pour la recherche sur le virus, mais ça reste ponctuel », déplore Cécil Czerkinsky, qui estime qu’il faut davantage de partenariats pour accélérer la recherche : « L’Institut Pasteur ne fait que de la recherche, pas de développement. Sanofi a des partenariats, mais pas forcément avec des entreprises françaises. » Deux des premiers vaccins, qui présentent des taux d’efficacité supérieurs à 90 %, sont issus de BioNTech et Moderna, des petites entreprises spécialisées dans le développement de traitements innovants qui se sont associées à de grands groupes.

Autre problème pour le vaccinologiste, la recherche vaccinale française est sous-développée : « En France, on a l’Institut Pasteur, l’Institut pasteur de Lille et Sanofi, c’est tout. C’est plutôt désertique pour le pays de Pasteur. » « On a les bras, on a la volonté, on a du savoir-faire. Il faudrait capitaliser là-dessus, simplifier tout ce qui est tampon et signature. Il faut être vraiment plus réactif, il faut encourager les partenariats. Ce n’est pas un échec, mais c’est un retard de la recherche française », estime Cécil Czerkinsky.

Quels sont les projets encore à l’étude ?

Malgré les résultats décevants des essais cliniques de son vaccin, Sanofi continue ses travaux. Initialement annoncé pour l’été 2021, le vaccin devrait « arriver d’ici à la fin de l’année », a affirmé Olivier Bogillot. Si Sanofi n’a pas encore trouvé de vaccin, il a choisi de produire celui d’un de ses concurrents, Pfizer-BioNTech, pour augmenter la chaîne de production de vaccins déjà existants. A partir de l’été 2021, le laboratoire français « prendra en charge les dernières étapes de la fabrication pour fournir plus de 125 millions de doses de vaccin Covid-19 pour l’Union européenne », a annoncé le groupe.

De son côté, l’Institut Pasteur poursuit ses travaux sur deux autres projets de vaccin contre le Covid, à un stade toutefois préliminaire. « Le premier, administrable par voie nasale, est développé avec la société de biotechnologie TheraVectys, issue de l’Institut Pasteur et spécialisée dans la mise au point de vaccins. Le second est un candidat vaccin à ADN », a-t-il indiqué dans un communiqué. Ces deux projets « sont aujourd’hui en phase préclinique », c’est-à-dire qu’aucun essai n’a encore été mené sur des humains.

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