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Thomas Gassilloud (LaRem) : «La France a besoin de tourner une nouvelle page au Sahel»

À quelques jours de 2021, deux questions se posent pour la France au Sahel. Faut-il réduire les effectifs de Barkhane ? Et faut-il négocier avec les jihadistes ? À l’Assemblée nationale française, le député macroniste Thomas Gassilloud est membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Il répond sans tabous aux questions de Christophe. Boisbouvier.

RFI: Partir ou rester ? Beaucoup s’interrogent sur la stratégie de la France au Sahel. Qu’est-ce que vous attendez de la visite du Premier ministre français à l’état-major de Barkhane, au Tchad, ce 31 décembre ?

Thomas Gassilloud : Ce que j’attends déjà de cette visite, c’est de marquer le soutien de la nation auprès de nos soldats qui sont engagés sur place. Il est extrêmement important que nos soldats sentent que l’ensemble de la nation est derrière eux, puisqu’ils ont des conditions sur place qui sont difficiles. Ce sera l’occasion, également, pour le Premier ministre, de faire un point d’étape sur l’engagement de la France au Sahel, après une année 2020 qui a vu notre armée remporter de nombreux succès tactiques, mais également une année 2020 qui sera l’occasion, prochainement, de s’interroger sur la poursuite de notre engagement sur place.

Et justement, huit ans après l’intervention française au Nord-Mali, est-ce que vous pensez que la France doit rester ou qu’elle doit partir ?

L’action de la France a eu des résultats, puisqu’on a empêché l’installation d’un pseudo Califat islamique sur place. On a permis aux armées locales – qu’elles soient nationales ou du G5 Sahel – de se former, de prendre davantage confiance en elles. Mais aujourd’hui, sans doute, on a besoin de tourner une nouvelle page dans notre engagement sur place, une page où les armées locales seraient mises peut-être davantage en première ligne et où la France serait davantage en soutien.

Alors justement, dans une tribune à Figaro Vox, il y a quelques jours, vous évoquez l’idée d’un nouveau partenariat entre les pays sahéliens et la France…

Effectivement, souvent, le débat se focalise trop, à mon sens, sur : est-ce qu’il faut partir ou est-ce qu’il faut rester ? A mon sens, il faut rester autrement, en continuant d’être sur place. Mais comme je le disais, peut-être moins en première ligne et davantage en soutien des forces locales.

Et vous écrivez que la France pourrait apporter sa garantie d’intervention militaire à la demande des pays sahéliens, « sur un préavis court, sur une menace qui dépasserait la capacité de ces pays, avec du renseignement, des moyens aériens, du commandement ou même des petites unités engagées au sol, aux côtés des forces sahéliennes… » On n’aurait plus, dans ce schéma-là, les 5 000 soldats de Barkhane, comme aujourd’hui ?

Oui, vous savez que la France doit apporter l’ultime recours pour éviter des déstabilisations, quand c’est nécessaire. Mais la priorité, c’est bien de permettre la montée en puissance de ces forces locales, pour justement que la France n’ait pas à intervenir.

Thomas Gassilloud, vous animez un cercle de réflexion, Obliquum que l’on dit proche du chef de l’État. Est-ce qu’Emmanuel Macron entend vos arguments ?

Je ne communique pas sur le cercle dont vous parlez, mais effectivement, le chef de l’État réfléchit beaucoup sur ces questions, écoute beaucoup, mais lui-même est plus à même de pouvoir exprimer ses propres positions.

Vous évoquez une autre question, celle de savoir si on continue de combattre les jihadistes ou si on commence à négocier avec eux. Emmanuel Macron a eu ces mots dans Jeune Afrique : « Avec les terroristes, on ne discute pas, on combat ». Mais le Premier ministre malien a déclaré sur Rfi et France 24 : « Il faut dialoguer avec tous les fils du pays, sans exclusive ».

Effectivement, cette tentative de dialogue des autorités maliennes existe depuis déjà un certain temps. Cette question du dialogue avec les groupes jihadistes, je pense qu’il faut l’aborder avec à la fois beaucoup de prudence et de lucidité. A mon sens, il faut que l’on arrive à distinguer les groupes qui ont un agenda international de ceux qui ont un agenda politique local. Pour être clair avec l’EIGS, qui était désigné comme vraiment l’ennemi, lors du Sommet de Pau, en début d’année, à mon sens il n’y a pas de négociation possible. Il y a vraiment un agenda international et totalitaire qui n’est pas du tout compatible avec une solution politique au Mali.

Pour autant, avec d’autres groupes, comme peut-être avec le GSIM, la question peut se poser. Encore une fois, elle se pose aux autorités maliennes, car certains éléments du GSIM ont un agenda beaucoup plus national. Et effectivement, les autorités maliennes font bien le distinguo entre les Maliens qui prennent les armes et les étrangers qui viennent combattre au Mali pour un agenda international.

Le chef du GSIM, Iyad Ag Ghali, a déclaré il y a neuf mois : « Je ne veux discuter qu’à condition que les Français s’en aillent »…

Quand il aborde une négociation – il est sans doute un fin négociateur –, il l’aborde en posant des conditions, mais peut-être des conditions qui pourraient faire l’objet, justement, d’une discussion pour poser les conditions de la suite.

Et pensez-vous qu’Iyad Ag Ghali, le chef du GSIM, ne doit plus être, du point de vue de la France, un ennemi à abattre ?

La question se pose aux autorités maliennes. La France, compte tenu de l’aide qu’elle apporte, peut fixer de grandes lignes rouges, mais ce qui compte, c’est davantage ce qui fait l’objet de la négociation, plutôt que les personnes avec qui on discute. Donc si certaines discussions peuvent faciliter et accélérer la mise en place d’une solution politique au Mali, à mon sens, la France ne doit pas s’opposer naturellement à de telles options.

Et sur la politique française au Sahel, est-ce que l’on y verra plus clair dans les semaines qui viennent ?

Oui, je pense, puisque, comme vous le savez, des décisions importantes ont été prises à Pau au début de 2020 avec les chefs d’État sahéliens. Ces décisions devront faire l’objet d’une évaluation. D’ailleurs, ce n’est un secret pour personne que cette évaluation est déjà en cours et qu’une possible réduction des effectifs de l’opération Barkhane est à l’étude. Pour autant, ce qui compte, c’est d’avoir une stratégie concertée avec l’ensemble des partenaires internationaux et les pays du G5 Sahel. Cette stratégie pourrait être finalisée lors d’un prochain sommet qui est annoncé mi-février 2021.

En France ?

Non, ce sommet aura probablement lieu au Sahel.

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