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Avortement: où en est l’Amérique latine ?

 Des activistes en faveur de la légalisation de l’avortement en Argentine défilent déguisés en un personnage issu de la nouvelle «The Handmaid’s Tale» de l’auteur canadien Margaret Atwood. EITAN ABRAMOVICH / AFP

C’est officiel, l’Argentine ne deviendra pas le quatrième pays d’Amérique latine à légaliser l’avortement. Les sénateurs ont mis un terme aux espoirs des pro-IVG en rejetant le projet de loi approuvé en juin. En Amérique latine, l’IVG demeure un grand tabou et la plupart des pays restreignent ce droit, voire l’interdisent complètement.

Par Anouch Bezelgues

Après plusieurs semaines d’attente, les sénateurs argentins ont finalement rejeté jeudi 9 août la légalisation de l’avortement, au grand dam des organisations féministes. Une proposition de loi avait pourtant été timidement adoptée en juin dernier par la Chambre des députés.

Le texte visait à introduire un droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu’à la 14e semaine de grossesse. Pour l’instant, la loi n’autorise l’IVG qu’en cas de viol ou si la santé de la mère est en jeu.

Selon les évaluations du ministère de la Santé, il y a chaque année au moins 350 000 avortements clandestins en Argentine. Et les circonstances dans lesquelles ils sont effectués dépendent avant tout du milieu social des patientes, de la clinique privée aux conditions les plus sordides.

Plutôt conservatrice, l’Amérique latine est très restrictive en matière d’avortement, largement considéré comme un tabou. L’Uruguay (depuis 2012), le Guyana (depuis 2006) et Cuba (depuis 1965) sont les seuls pays de la région à autoriser l’avortement sans restriction – ce qui concerne moins de 3% des Latino-Américaines, selon les chiffres du Guttmacher Institute. Tour d’horizon des pratiques en matière d’IVG sur le continent.

►Au Brésil, le débat est ouvert

L’IVG y est autorisée uniquement en cas de risque vital ou de viol. D’après Human Right Watch, environ 250 000 femmes sont admises chaque année à l’hôpital des conséquences d’un avortement illégal. La Cour suprême a toutefois entamé début août des audiences publiques sur son éventuelle légalisation jusqu’à la 12e semaine de grossesse. Il s’agirait d’une révolution puisque, actuellement, les femmes qui avortent sans « raisons valables » risquent jusqu’à trois ans de prison. Le sujet est particulièrement délicat dans le plus grand pays d’Amérique latine, où les Églises évangélistes néo-pentecôtistes étendent leur influence conservatrice.

►Formellement interdit en Amérique centrale

En République dominicaine, au Salvador, en Haïti, au Honduras, au Nicaragua et au Suriname, l’IVG n’est autorisée dans un aucun cas. Ni viol, ni menace pour la santé de la mère, ni foetus invalide. Au Salvador, qui présente notamment l’une des législations anti-avortement les plus strictes au monde, deux cas ont récemment défrayé la chronique. Celui de deux femmes, Maira Figueroa et Teodora Vasquez, qui ont respectivement passé 15 et 10 ans en prison. Leur tort : avoir fait une fausse couche, des avortements spontanés considérés comme délibérés et qualifiés d’homicides aggravés.

►Accès restreint dans la majorité des pays

Au Mexique, on peut avorter seulement en cas de viol ou d’anomalie du foetus. Il en est de même en Colombie, où l’inceste est également un motif d’avortement. En Bolivie, au Pérou et au Costa Rica, l’IVG est uniquement autorisé pour sauver la vie de la mère ou préserver sa condition physique. Lueur d’espoir au Chili, où l’avortement a été partiellement dépénalisé en 2017 après 30 ans d’interdiction formelle. Il est désormais autorisé en cas de viol, de danger pour la mère ou de foetus non-viable. Dans les faits, l’accès à l’IVG demeure difficile et l’opposition reproche au gouvernement de Sebastian Piñera d’avoir rendu plus facile l’objection de conscience pour les médecins.

Ces politiques restrictives, voire l’interdiction formelle d’avorter, poussent les Latino-Américaines à le faire dans des conditions dangereuses. Selon le Guttmacher Institute, 60% des avortements menés entre 2010 et 2014 ont été effectués dans des conditions non conformes aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé.

Chaque année, ce sont 25 millions d’avortements non sécurisés qui sont pratiqués dans le monde entier. La majorité l’ont été dans des pays en développement où l’IVG n’est pas autorisée, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Chronologie et chiffres clés

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