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Résultats définitifs du second tour des législatives : -.Les dessous d’un hold-up électoral .La Cour constitutionnelle s’enfonce dans le discrédit

La Cour constitutionnelle est-elle devenue une juridiction de réalisation des vœux du parti présidentiel à chaque joute électorale? Lors de la proclamation des résultats définitifs du second tour des élections législatives du 19 avril 2020, la Cour présidée par Manassa Danioko a encore volé à la rescousse du RPM en pleine disgrâce électorale.

Pour ce faire, les 9 sages de la Cour constitutionnelle n’ont pas hésité à aller en contradiction flagrante avec les résultats donnés par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation en procédant à l’annulation progressive des voix exprimées par les Maliens. Quel jeu politique se cache-t-il derrière ce hold-up électoral fomenté au plus haut sommet de l’Etat et entériné par la Cour constitutionnelle ? Avec 70 députés obtenus en 2013, le parti présidentiel, le RPM a beaucoup souffert lors des élections législatives de mars et avril 2020 pour obtenir 43 députés si l’on tient aux résultats provisoire donnés par le ministère de l’Administration territoriale. Mais la souffrance électorale du parti présidentiel a été vite adoucie par l’arrêt de proclamation des résultats définitifs de la Cour constitutionnelle sur le second tour des élections. En effet, les neuf sages ont bombardé le parti de 8 députés de plus en procédant à une annulation massive des voix exprimées par les électeurs maliens. Ainsi la Cour prend à contre-pied le ministère de l’Administration territoriale dans ses résultats et provoque un séisme électoral comme en 2013.

En effet, suite aux nombreuses requêtes d’annulation des voix de plusieurs bureaux et centres de vote introduites par les candidats des tisserands à la Cour constitutionnelle, des milliers de voix de l’alliance Yéléma –Prvm-Fasoko en commune I, de l’URD-LDC en commune VI et de l’Adema-URD et ADP-Maliba en commune V, ont été purement et simplement annulées. Même scenario dans les circonscriptions de Kati avec la décente au enfer de l’alliance Asma-CFP-UM-RDA-ADJ Honronyaton-Prvm Fasoko et de Sikasso avec l’alliance l’Adema-Asma- ADP-Maliba-FCD, où de nombreuses voix des listes adverses du parti présidentiel et ses alliés ont été annulées par la Cour. Un verdict que beaucoup d’observateurs politiques contestent et qualifient de « hold-up électoral » de la part de la Cour constitutionnelle. Et des appels à manifestation pour dénoncer l’attitude des 9 sages sont lancés un peu partout dans les circonscriptions qui ont été victimes de ces annulations massives de voix.

La Cour s’enfonce dans le discrédit !

Frappée de discrédit depuis 2018 à la suite de l’élection présidentielle, la Cour constitutionnelle continue d’exceller dans la médiocrité dans la mission de juge électoral. Hier comme aujourd’hui, elle apparaît aux yeux du citoyen malien comme l’institution la plus discréditée et la moins républicaine de tous les temps.

Depuis la dernière tentative de révision constitutionnelle et même avant, la Cour constitutionnelle n’a cessé de faire preuve de sa soumission totale à IBK et à son parti en foulant au sol le principe de la séparation des pouvoirs. La proclamation des résultats définitifs du second tour des législatives vient, une fois de plus, de démontrer aux Maliens qu’ils ne peuvent plus s’attendre à une prise de conscience démocratique de la part de cette institution qui fait aujourd’hui honte à toute la République.

Après chaque élection législative, c’est le même scénario. Comment peut-on faire confiance à des autorités qui piétinent les lois de la République, qui s’arroge des députés extra électoraux, à chaque élection ?

Pourquoi ce hold-up arrange le RPM ?

A l’issue des deux tours des élections législatives, le parti présidentiel arrive en tête avec au moins 51 députés. Mais il n’a pas la majorité des 147 sièges de députés et doit composer avec ses alliés notamment du parti Adéma-Pasj, qui arrive en seconde position avec 24 députés. Le jeu en vaut la chandelle. Car, face à l’incertitude politique et sécuritaire, le régime déjà mal en point se doit de conduire les destinés du Mali pour trois ans encore au compte du deuxième mandat du Président IBK. Du coup, IBK ne peut nullement se permettre de perdre le contrôle du parlement.

Cette contrainte politique se justifie par plusieurs raisons. Il s’agit dans un premier temps de conduire à termes le projet de révision constitutionnelle qui est une exigence de l’accord d’Alger. Visiblement, le président IBK ne semble pas digérer son échec humiliant face à la Plateforme Antè A Bana et il s’entêtera de nouveau dans une nouvelle aventure de tripatouillage constitutionnel pour répondre aux caprices de la CMA et de la Communauté internationale dans le cadre la mise en œuvre de cet accord.

A cela, il faut ajouter d’autres projets de réformes politiques, sociales et économiques qui ne peuvent s’opérer sans une majorité parlementaire.

Au-delà, IBK sait bien qu’il est un président de la République affaibli par son incapacité d’apporter une réponse claire à la crise sécuritaire et conscient qu’il ne peut nullement se permettre de vivre une adversité politique au sein du parlement. Autre problème, à trois ans de la fin de son mandat, IBK ne dispose aucune garantie qu’il terminera son second mandat avec le soutien de ses alliés traditionnels comme l’Adema et l’Asma-CFP. Au moment où cette incertitude politique plane et se renforce en plongeant déjà les uns et les dans les calculs pour 2023 dont certains tentent de se positionner en fonction de la direction du vent, le locataire de Koulouba est plus que jamais contraint de se faire entourer d’une majorité parlementaire. Mais, le président IBK et les partis alliés au RPM ne sont pas les seuls à être dans ces calculs politiciens. Le RPM veille aussi sur ses intérêts de l’après IBK.

En effet, la fin du second mandat d’IBK est un signe annonciateur de la fin de l’hégémonie politique du RPM. Mais comment compter parmi les forces politiques après 2023 ? C’est l’épineuse question qui préoccupe les esprits des barons de ce parti qui n’avait obtenu qu’un seul député à Bamako avant le coup de pouce de la Cour constitutionnelle.

Malgré la crise qui secoue le RPM dans certaines circonscriptions électorales comme en Commune V, Tréta et ses camarades veulent maintenir leur position de première force politique pour accompagner le successeur d’IBK en 2023 qui va cohabiter avec les parlementaires de la sixième législature durant deux ans.

Bataille de positionnement entre les alliés

La bataille pour 2023 a, en effet, déjà commencé. En témoigne la démission du premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga et la motion de censure des députés du parti majoritaire et de l’opposition contre le cinquième premier ministre d’IBK.

Ce dernier était devenu une vraie menace pour le parti au pouvoir.

Etant l’architecte principal de la victoire du candidat IBK pour son second mandat, le président du parti Asma-CFP se croyait essentiel au système mis en place. Dans cette dynamique, il met en branle sa machine politique pour aspirer les députés et autres élus de ses alliés politiques, surtout de son allié principal, le RPM qui sentira par la suite une manœuvre de déstabilisation. Pour éviter toutes surprises, le parti au pouvoir ne rate aucune occasion pour écraser un allié encombrant. Ainsi avec plus d’une vingtaine de députés lors la législature sortante, l’Asma se retrouve avec 4 députés dans celle qui va bientôt faire son entrée. Dans ce combat de positionnement, le célèbre prisonnier candidat, Bakary Togola et le président sortant de la Commission des lois de la 5ème législature, Zoumana N’tji Doumbia, tous cadres du RPM ont été lâchés par le régime au profit d’un conseiller spécial du président de la République et du parti Adema. Il s’agit de Mamadou Blaise Sangaré.

Bakary Togola, Zoumana N’tji Doumbia ne constituent pas une force politique comparativement à l’Adema et la CDS du rouquin de Bougouni. Le scenario de Bougouni pouvait se reproduire en Commune IV. Malheureusement pour le candidat de la liste UDD-Psda, Hamady Sangaré. Ce proche du régime avait en face un poids lourd de la politique malienne. Il s’agit de l’ancien premier, Moussa Mara, un véritable allié du pouvoir même s’il tente souvent de noyer le poison dans l’eau.

Dans ce calcul de positionnement pour un parfait contrôle de l’institution parlementaire, le ouf de soulagement du président de la République et du RPM vient, sans nul doute, de Kolondièba où la Cour constitutionnelle confirme la victoire de Sidiki N’fa Konaté.

Cette défaite historique d’Oumar Mariko dans son fief électoral ôte une épine du pied du régime. Puisque ni IBK ni ses ministres n’auront plus en face d’eux l’incontrôlable député qui se révolte contre la mauvaise gouvernance et la France, la deuxième patrie d’IBK.

Nouhoum DICKO

Source: Le Prétoire

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