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Déplacés, réfugiés, confinés, le calvaire des habitants du centre du Mali

Traumatisés par les conflits armés qui ensanglantent le pays depuis près d’une décennie, les populations du centre du Mali ont trouvé refuge dans des camps proches de Bamako. Mais l’arrivée du coronavirus fait planer de nouveaux dangers…

Après de nombreuses controverses, la France et les pays du G5-Sahel (Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso, Mali) ont décidé de renforcer leur coopération militaire face à la recrudescence des attaques jihadistes. Un renfort de 600 soldats français a rejoint l’opération Barkhane. Mais depuis mars 2020, les attaques jihadistes, les violences intercommunautaires, le banditisme, les heurts entre milices armées se sont accentués dans le centre du pays. Devenue l’épicentre des conflits depuis le début de 2020, la région de Mopti a enregistré à elle seule plus de 15 000 personnes déplacées. Les antagonismes entre les ethnies ont réveillé de vieilles querelles entre éleveurs et agriculteurs sur d’anciens litiges fonciers ou l’appropriation de terres fertiles. Suite à l’aggravation du conflit intercommunautaire, notamment entre Peuls, Dogons et Bambaras, les populations ont fui vers l’Ouest et trouvé refuge à Faladié et Niamana, deux camps pour déplacés à la périphérie de Bamako.

Ces réfugiés, qui vivent déjà un véritable calvaire entre insalubrité des camps, pauvreté, traumatisme dû à la perte de leurs proches et de leurs terres, doivent faire face à un nouveau danger depuis l’annonce du premier cas de coronavirus enregistré à Bamako, le 25 mars 2020.

Le Sahel ne compte qu’un médecin pour 10 000 habitants et le Mali ne possède que trois respirateurs pour tout le pays selon l’ONG Oxfam.

12 photos de Michele Cattani réalisées dans le camp de Faladié en avril 2020, illustrent ce propos.

Normalement Faladié “est une zone non-constructible en raison de sa proximité avec l’aéroport de Bamako occupée occasionnellement par des éleveurs de passage au marché au bétail”, précise le site Afribone. Mais quand les réfugiés arrivent au camp de Faladié, au premier abord ils pensent voir une décharge. “Ici, la fumée qui s’échappe des ordures s’invite directement dans les abris faits de plastique, de vieux sacs et tissus récupérés sur les tas d’ordures. N’ayant pas d’autres solutions, c’est sur ces tas d’ordures qu’ils font aussi leurs besoins naturels”, explique le site malien Benbere. Les personnes déplacées sont obligées de brûler les déchets, mais il est très difficile d’éteindre un feu en ces lieux, il couve toujours quelque part. Il arrive que des tentes s’embrasent et la fumée est toxique.

Pour fuir les violences de Mopti, au centre du Mali, beaucoup de femmes ont trouvé refuge à Faladié. “Parmi elles, certaines sont enceintes en état avancé et ont dû faire le trajet Koro-Bamako dans des conditions extrêmement difficiles.” L’une d’elles raconte : “L’équation était simple, soit on part, soit on meurt. Je n’ai plus de nouvelles de mon mari et de mon premier enfant, je ne sais pas s’ils sont vivants ou pas. Je suis venu avec mes trois (autres) enfants.” Une autre femme, qui vit maintenant dans une case en paille, déclare : “Je viens de Koundogo. Nous avons fui la guerre, mon enfant et moi. Mon mari est resté là-bas. Ce sont les Peuls et les chasseurs dogons qui s’affrontent. J’ai vu énormément de tueries et de dégâts matériels.” “Il y a des traumatismes, la phobie, c’est-à-dire la peur des autres. De nombreuses femmes ont dû consulter…”, explique un médecin.

Dans le camp, les enfants n’échappent pas aux difficultés rencontrées par leurs familles. Certains sont désespérés. Dans le reportage “Journée de l’enfant africain”, que Mali.net leur a consacré le 16 juin 2019, le site raconte : “A Koulongo, au cours d’une récente attaque d’un groupe de terroristes, un gamin a reçu une balle en plomb dans un pied. Une autre balle a traversé sa main. Il a vécu cet enfer juché sur le dos de sa grand-mère qui tentait d’échapper à la tuerie. La vieille, fauchée par une balle, est décédée. L’enfant est aujourd’hui traumatisé. Le plomb qui demeure toujours dans son pied fait planer (…) un risque de gangrène.”

Le site raconte aussi le traumatisme d’une enfant de 12 ans qui “loge avec ses parents dans des conditions incommodes. Installée à quelques enjambées de la décharge, une partie de sa tente a été envahie par la pluie, les vivres ont été endommagés. La seule doléance de la fillette est d’avoir un abri décent. Elle et sa famille ont fui leur village à la suite d’un conflit intercommunautaire. Cette fillette peule se méfie des étrangers. Elle explique en murmurant le calvaire qu’elle a vécu : “Des hommes armés ont attaqué un village voisin. Quand nous avons appris la terrible nouvelle, nous avons fui avant l’arrivée des terroristes dans notre localité.”

Selon le superviseur du camp, le site regroupe plus de 500 enfants déplacés. Ceux-ci sont confrontés à un problème de prise en charge médicale. Quand ils tombent malades, le superviseur du camp cherche de l’argent à droite et à gauche pour les conduire à l’hôpital. S’il n’y arrive pas, il a recours à un médecin qui vient les soigner en acceptant d’être remboursé plus tard. Quelques bonnes volontés interviennent pour soulager leurs peines. Dans ce camp, beaucoup d’enfants sont déscolarisés. Le superviseur lance un appel à la solidarité. “Nous avons aménagé un endroit pour commencer à encadrer certains d’entre eux, afin qu’ils retournent sur les bancs (de l’école) l’année prochaine. (…) Mais aucun enfant ne possède d’acte de naissance. Nous avons besoin d’aide pour que les personnes déplacées, et particulièrement les enfants, puissent jouir de leurs droits”, déclare-t-il. … suite de l’article sur Autre presse

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