ACTUALITÉSAfrique

Églises et mosquées fermées : la foi des Africains mise à rude épreuve

Alors que les cérémonies de plus de 100 personnes ont été interdites un peu partout sur le continent, difficile pour les leaders religieux de jouer le jeu.

Les images tournent en boucle sur les réseaux sociaux depuis ce matin. On y voit la police zimbabwéenne matraquer aveuglément des fidèles d’une église qui a décidé d’ouvrir ses portes pour la célébration dominicale malgré l’interdiction des autorités. Comme cette vidéo signalée par un internaute l’illustre, les actes de dénonciations pleuvent sur la toile depuis que plusieurs pays ont décidé d’interdire les rassemblements de plus de cinquante personnes et surtout de fermer les lieux de cultes quel qu’il soit.

« Je constate avec désolation ce midi (dimanche 22 mars, ndlr) que l’église des Assemblées de Dieu et l’église du Christianisme Céleste dans mon quartier ont bel et bien fait culte, et les gens y sont toujours d’ailleurs, malgré l’interdiction du gouvernement. Cela devrait être rigoureusement puni » raconte ce Béninois sur Twitter. La réponse du gouvernement du Bénin ne s’est pas fait attendre, il a mis à disposition des citoyens un numéro spécial le 116 pour signaler gratuitement les cas d’infractions à la fermeture des lieux de cultes sur l’ensemble du territoire.

Lire aussi Professeur Girard : « La prévention du Covid-19 n’est pas insurmontable »

À Lagos, la police s’en mêle
Dans la capitale toute proche de Lagos, c’est un combat titanesque qui a commencé pour les autorités de l’un des pays les plus peuplés d’Afrique qui enregistrait ce lundi 27 cas de coronavrius pour un décès. Alors que les rassemblements religieux, chrétiens ou musulmans, attirent souvent des dizaines de milliers de personnes. “Rentrez chez vous, le coronavirus n’est pas une blague !” C’est donc à coup de messages braillés dans des mégaphones que la police de Lagos, ville tentaculaire de 20 millions d’habitants tentait comme elle le pouvait dimanche d’empêcher les fidèles de se rendre dans les églises, d’habitude bondées au Nigeria. Une partie de la bataille de l’Afrique pour empêcher le virus de s’installer pourrait être menée dans ses églises. En effet, elle compte le plus grand nombre de chrétiens au monde, soit 631 millions de personnes en 2018 et 45 % de la population du continent, selon le Centre pour l’étude du christianisme mondial basé à Edimbourg. Aux côtés de ces données sur l’église catholique il existe de multiples églises pentecôtistes et évangélistes dont beaucoup promettent des miracles aux gens en difficulté. Des centaines de milliers de catholiques les rejoignent.

« Toute église disant à ses membres de venir au service aujourd’hui ne se soucie clairement pas de la sécurité de ses gens. C’est égoïste que lors d’une pandémie comme celle-ci et connaissant très bien l’état du secteur de la santé au Nigeria, vous jouez avec votre vie et la vie des autres » s’emporte Ebele. Illustration dans l’Etat d’Ogun, situé à environ 30 km de Lagos, où des bus entiers ont acheminé des fidèles par milliers jusqu’à l’une des plus grandes églises pentecôtistes du Nigeria, Living Faith World Outreach Ministries, avec une capacité de 50.000 places relate l’AFP Nigeria. « Nos marchés sont ouverts donc il n’y a aucun moyen de freiner cela, seul Dieu peut sauver l’Afrique de cette pandémie », tonnait à l’intérieur le révérend-pasteur David Oyedepo, applaudi par un auditoire en transes. Assurant que le remède serait trouvé d’ici une semaine, il a demandé aux chrétiens de ne pas « se laisser distraire » d’ici là : « Les fléaux ne peuvent pas nous arrêter. Le coronavirus ne peut pas arrêter les enfants de Dieu ».

Touba, au Sénégal au centre des critiques
Autre leader religieux à avoir défié le gouvernement, l’émir de Daura, dans le nord majoritairement musulman du Nigeria, a même organisé une « prière spéciale contre le coronavirus » samedi, rassemblant quelque 5.000 personnes dans son palais, selon les médias locaux. Des scènes similaires se sont déroulées au Maroc ou encore au Sénégal, où le débat fair rage depuis que le président Macky Sall a interdit les rassemblements depuis le 14 mars. Si le gouverneur de Dakar a fermé jeudi les mosquées dans la région, des prières collectives y ont été organisées vendredi dans plusieurs zones. La grande prière du vendredi a aussi eu lieu en présence d’une foule à Touba, ville sainte des mourides, une des quatre influentes confréries musulmanes du pays. En effet, aucune institution n’a autant de légitimité au Sénégal que les confréries. Et ce n’est pas le secrétaire général de la présidence sénégalaise, l’ex-Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne qui dira le contraire. L’homme de confiance du chef de l’État se retrouve au coeur de la polémique depuis qu’il a été vu assistant à la prière à Touba aux côtés du chef des mourides Serigne Mountapha Mbacké. Il faut aussi souligner que la situation d’interdit ou non était beaucoup plus confuse en dehors de la capitale. Deux sources à la présidence ont décliné tout commentaire sur la présence de l’ancien Premier ministre Dionne.

Lire aussi Maroc : quand le coronavirus ferme les mosquées

« Et puis allez en enfer ! »
Au Kenya c’est à bout de nerf que les autorités ont répondu à ceux qui bravaient l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes. Bien-sûr à l’entrée, le désinfectant pour les mains a remplacé l’eau bénite vous répondra le père David Kamumue, qui a tout de même célébré devant 300 personnes, c’est loin des 5000 fidèles habituels de l’église catholique de la Basilique de la Sainte Famille de Nairobi. Réponse du gouvernement : « une enquête rapide dans la ville, notamment dans la capitale Harare montre beaucoup d’activité religieuse regroupant plus de 100 personnes » a déclaré le porte-parole du gouvernement Nick Mangwana sur Twitter. « Soyons responsables ou nous mourrons tous. Et puis allez en enfer » s’est-il carrément emporté.

Une défiance qui tranche avec la situation dans la capitale de la République démocratique du Congo, autre pays très religieux et densément peuplé. La grande majorité des lieux de culte sont en revanche restés fermés dimanche matin, à la suite de l’interdiction faite par le chef de l’Etat Félix Tshisekedi. Le pays de 80 à 90 millions d’habitants dont une grande majorité de chrétiens, a jusque-là, enregistré un total de 30 patients infectés, avec deux décès dont un nouveau annoncé dimanche. Plusieurs médias confessionnels ont retransmis les cultes en direct à la radio ou sur Internet. Dès jeudi, les responsables confessionnels avaient invité les fidèles “à considérer la nouvelle épidémie aussi dangereuse que celle d’Ebola”, en les invitant “à suivre scrupuleusement les mesures prescrites par le gouvernement”.

La RDC, bien plus disciplinée
Même les églises évangéliques dites du réveil ont dû pour la plupart mettre en sommeil leur très lucrative activité, qui va de pair avec le prélèvement de la dîme et des offrandes. Mais non sans avoir laissé à leur fidèle des directives, notamment sur les moyens modernes du mobile money pour effectuer leur versement. La grande église évangélique Philadelphie de Kinshasa a posté sur YouTube son culte dominical, avec cette conclusion : “Bien aimés, nous vous rappelons que les donations peuvent être faites par les canaux électroniques habituels”, via des comptes bancaires, des paiements par téléphonie mobile, ou “notre application mobile.” À Cotonou on ne lâche pas les fidèles, c’est via Whatsapp que les directives sont données : « pour permettre aux fidèles de continuer d’honorer leurs engagements en matières de dimes et offrandes, le Comité exécutif de l’Eglise AD/TB sur proposition du Comité finance informe que des numéros de comptes « Orange Money » leur seront communiqués à partir du lundi 23 mars 2020. » Ces cas mis à part de nombreuses églises et mosquées avaient déjà pris leur dispoition pour annuler ou reporter des manifestations de la communauté catholique qui sont « de nature à drainer beaucoup de monde ».

Par Le Point Afrique

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page
Open

X