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Conséquences de la guéguerre entre deux directeurs centraux du ministère de l’économie et des finances : Des centaines de mandats de paiement rejetés par le Trésor

Nous avions écrit dans nos précédents numéros que la Direction nationale du Contrôle financier a instruit ses délégations auprès des différents départements ministériels de ne plus accepter de contrats pour les dépenses en dessous de 5 millions de Fcfa pour l’année 2020, contrairement à ce qui a donc été toujours fait. Sa note explicative, demandée par son ministre de tutelle, n’a pas contribué à trancher la question parce que, jusque-là, Dr Boubou Cissé n’a pas réagi. Et son silence est destructeur car cette incompréhension entre le Contrôle financier et le Trésor public est en train de pénaliser les prestataires et fournisseurs de l’Etat.

 

Selon le directeur du Contrôle financier, pour l’exercice 2020 en cours, le bon de commande ou le bon de travail, la facture proforma, constitueront désormais les pièces justificatives pour les dépenses en dessous de 5 millions de Fcfa, en lieu et place d’un contrat simplifié qui était d’usage au sein de l’Administration publique lors des exercices antérieurs. Ce qui a provoqué un véritable tollé dans les administrations publiques et surtout au niveau du Trésor où la résistance contre les mesures du Contrôle financier est de mise.

Rappelons que dans sa note explicative, le directeur du Contrôle financier snobait le Trésor en ces termes : “La volonté de la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique de traiter les dépenses dont le montant est inférieur à cinq millions (5 000 000) Fcfa suivant un contrat (marché) n’est pas un fait nouveau, mais elle viole les dispositions de l’arrêté susmentionné même si elle offre au Trésor public des droits d’enregistrement indument perçus”.

Pour ne rien arranger, et face à l’entêtement du Contrôle financier à maintenir sa mesure unilatérale, le directeur national du Trésor et de la Comptabilité publique (Dntcp) a tout simplement instruit ses services, par lettre circulaire en date du 28 février 2020, de ne pas procéder à la prise en charge des dépenses concernées par les mesures du Contrôle financier. En d’autres termes, il a demandé à ses services de ne pas donner suite aux dossiers montés selon les directives du Contrôle financier.

D’ailleurs, dans ladite correspondance, le directeur de la Dntcp, Sidi Almoctar Oumar dit clairement: “Il m’est revenu que certains mandats de paiements relatifs aux travaux, fournitures, services courants et prestations intellectuelles, dont le montant est inférieur à cinq millions de Fcfa, mais supérieur au plafond du montant des pièces justificatives admises en régie d’avances, vous parviennent en l’absence de contrat simplifié.

Je vous instruis de ne pas procéder à la prise en charge des dépenses concernées sur la base de simples factures.

Toute prise en charge de cette catégorie de dépense doit se conformer aux dispositions appliquées pendant les exercices antérieurs.

J’attache du prix à l’exécution correcte des termes de la présente”.

Contrairement donc à son homologue du Contrôle financier, le directeur du Trésor ne parle pas de violation de texte. Mais il se base sur les dispositions appliquées pendant les exercices antérieurs pour argumenter sa correspondance. C’est-à-dire que, dans le temps, toute dépense inférieure à 5 millions de nos francs, était obligatoirement accompagnée d’un contrat spécial pour être exécuté au niveau du Trésor public.

C’est dire que deux conceptions opposées sont en train de s’affronter et quoiqu’il en soit, cette guerre à distance entre deux directeurs d’un même département ministériel fait des victimes, à commencer par l’Administration publique qui est bloquée depuis l’ouverture des crédits budgétaires. Toutes les activités entrant dans le cadre du fonctionnement même des services publics sont bloquées à cause des mesures du Contrôle financier. Sans tenir compte des prestataires qui payent cash l’humeur de deux cadres de l’Etat. Selon nos investigations au niveau de la Paierie générale du Trésor, le patron des lieux est resté ferme sur sa position et c’est ainsi que des centaines de mandats de paiement ont été rejetés, faute de contrats simplifiés.

Aujourd’hui, ce qui est incompréhensible et préjudiciable, c’est le silence du ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé. A la lumière de la note explicative qu’il a demandée au directeur du Contrôle financier, il n’a pris aucune décision pour approuver ou désapprouver. Alors que la mesure préconisée par le Contrôle financier entraine d’ailleurs un manque à gagner pour l’Etat, en ce sens que pour chaque contrat simplifié, le Trésor public encaisse 3% hors taxes de la valeur dudit contrat comme frais d’enregistrement. Ne pas faire perdre à l’Etat des recettes budgétaires est donc le souci majeur du directeur national du Trésor et de la Comptabilité publique.

Aujourd’hui, face à la guerre d’humeur entre deux cadres importants de son département, Dr Boubou Cissé ne peut continuer à s’emmurer derrière un silence dévastateur. Son intervention permettra d’apporter certainement des réponses à des questions qui sont sur toutes les lèvres des fonctionnaires impliqués dans la gestion des fonds publics, notamment : sans contrat quelles seront les obligations du prestataire et de l’Etat ? Comment définir les voies de recours en cas de défaillance d’une des parties ? Mieux après tant d’années, quelle est aujourd’hui l’opportunité de cette mesure à main levée ? L’arbitrage du Ministre est donc vivement attendu ! Non seulement pour trancher une affaire qui continue de paralyser l’Administration, mais aussi pour démontrer qu’il a une autorité sur ses services techniques. A défaut, il se livre à ceux qui pensent qu’il doit céder le département de l’Economie et des Finances à un autre ministre.

Kassoum THERA

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