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Venezuela : des forces spéciales de la police sèment la terreur dans les quartiers populaires

Des membres de la Force d’action spéciale de la police nationale vénézuélienne (FAES) arrêtent des personnes lors d’une patrouille de nuit, à Barquisimeto, au Venezuela, le 20 septembre 2019. REUTERS/Ivan Alvarado
Par :
Benjamin Delille
Au Venezuela, nouvel échec pour Juan Guaidó : l’opposant avait promis d’emmener, ce mardi 10 mars, ses partisans jusqu’à l’Assemblée nationale dont l’accès lui est interdit depuis début janvier. Mais la police, déployée en nombre, a dispersé le cortège à coups de gaz lacrymogène avant même qu’il ne se mette en marche. Nouveau coup dur d’autant que la manifestation n’a pas attiré grand monde. En plus de la lassitude, beaucoup de Vénézuéliens disent ne plus vouloir manifester à cause de la répression.

Dans les quartiers populaires, certaines troupes d’élite de la police vénézuélienne sèment la terreur sous prétexte de la lutte contre la délinquance. Une fondation de mère de victimes tente comme elle peut d’obtenir une réponse auprès de la justice, sans succès.

Aracelis a perdu son fils en 2013, tué chez elle par le CICPC, la police judiciaire. Sept ans plus tard, la fondatrice d’Orfavideh, qui réunit des centaines de mères comme elle, ne sait toujours pas pourquoi son fils est mort : « Je continue de lutter pour mon dossier malgré 14 reports. Dans les tribunaux, je n’ai jamais eu l’occasion d’aller jusqu’au procès. Mais je continue pour aider les victimes. »

Comme elle, elles sont 630 au sein de la fondation à donner de la voix pour obtenir justice. Elles dénoncent l’impunité du CICPC et des FAES, les Forces d’action spéciales. Ce sont eux qui ont tué le fils de Jennifer, détruisant ainsi sa famille : « Dans chaque famille, cela crée des orphelins. Mon fils a laissé un enfant et je n’ai pas de quoi aider la maman, car je ne peux pas travailler. Soit je m’occupe du dossier de mon fils, soit je travaille. »

► À lire aussi : Venezuela: les FAES, un instrument de répression politique

Les cibles sont toujours les mêmes : des jeunes de quartier populaire, la peau foncée, avec un casier judiciaire ou supposés délinquants. La méthode l’est aussi, selon Marino Alvarado, avocat de Provea, organisation de défenses des droits de l’homme : « Ils sortent la famille de la maison pour assassiner la cible à l’intérieur. Ils posent une arme à côté du corps qu’ils prennent en photo, et ils tirent sur les murs pour simuler l’affrontement. »

Selon le gouvernement, plus de 5 000 personnes ont été tuées par la police en 2018 pour « résistance à l’autorité ». Selon l’avocat, la majorité sont des exécutions extrajudiciaires : « Si l’on se base sur les derniers chiffres publiés par le gouvernement lors de la réforme policière en 2006, environ 95% des morts pour résistance à l’autorité sont en fait des exécutions. D’ailleurs, il y a détail curieux : les délinquants sont toujours tués, et il n’y jamais un seul blessé parmi les policiers. »

Selon les mères d’Orfavideh, les patrouilles de police préfèrent tirer à vue plutôt que d’appréhender, quitte à tuer des innocents au motif de la lutte contre la délinquance. Selon Jennifer, ils font régner un climat de terreur dans les quartiers populaires : « Quand les gens voient une patrouille, que ce soit les FAES ou n’importe qui, les gens sont terrorisés, ils s’enfuient. Avant, on avait peur des délinquants, désormais on a peur des fonctionnaires de l’État. Ils tuent sans sommation, n’importe qui, dans l’impunité totale. »

Lors de sa visite en juin 2019, la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, s’est entretenue avec ces victimes. Elle a demandé la dissolution immédiate des Forces d’action spéciales. Le gouvernement a répondu en multipliant les ressources logistiques pour les FAES.

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