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«Tout est faux!» La visite mouvementée de la vice-Première ministre chinoise à Wuhan

Un employé désinfecte une église de Wuhan, dans le Hubei, le 6 mars 2020. STR / AFP
Texte par :
Stéphane Lagarde
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Alors que la Chine rencontre une décrue des contaminations, le déplacement d’un responsable du gouvernement central à Wuhan, la capitale du Hubei, a tourné au fiasco jeudi 5 mars. Sur le passage des officiels dans un complexe d’habitations, les résidents sont sortis sur leurs balcons pour crier « tout est faux », comportement très osé dans le pays.

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De notre correspondant à Pékin,

D’abord un cri lancé par une fenêtre : « Jia de » (« C’est faux ! », en mandarin), puis des dizaines d’autres en échos. « Quàndou shi jia de » (« faux, tout est faux »), reprennent les balcons, obligeant les visages masqués dans les allées en contrebas à lever la tête.

Ce qui est rare dans cette scène, ce n’est pas tant que les habitants de cette résidence du district de Qingshan, à Wuhan, n’aient plus rien à perdre. Après 45 jours de confinement et des dizaines de milliers de proches, d’amis, de voisins contaminés et des membres de la famille tués par le nouveau coronavirus, la capitale du Hubei a eu l’impression d’avoir été sacrifiée pour préserver les autres provinces.

Yaxue Cao

@YaxueCao
Today vice prime minister Sun Chunlan #孙春兰 visited Wuhan Qingshan Kaiyuan residential community. It’s meant to be a PR show. Residents were not allowed to come out, but things went out of control. They started shouting, “Fake! Everything is fake!” #假的 #全都是假的

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16:01 – 5 mars 2020
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Vice-première ministre chahutée, sans censure

La parole s’est libérée sur les réseaux sociaux depuis la mort du docteur Li Wenliang. Ce jeune ophtalmologue a été parmi les premiers à alerter sur l’épidémie avant d’être bâillonné par les autorités. Contaminé par ses patients, son décès a provoqué une immense émotion et un déluge de critiques parmi la population.

La colère est ici transmise directement aux officiels, et en l’occurrence à Sun Chunlan. La vice-première ministre est venue visiter jeudi 5 mars le travail des comités de quartiers et l’approvisionnement des résidents en vivres et en bien de première nécessité.

Ce qui est rare, ce n’est pas que la colère explose au passage du cortège officiel, mais le fait qu’elle ait pu circuler sans être immédiatement censurée.

L’agence de presse d’État Xinhua indique que Sun Chunlan a profité de son passage à Wuhan pour exiger une « enquête approfondie » de manière à résoudre les problèmes soulevés par les habitants. Et même le Quotidien du Peuple a publié les images de la vice-première ministre chahutée sur son compte Twitter… mais en affirmant qu’un seul résident avait crié « tout est faux ». Cela avant de supprimer sa publication, en anglais.

Comités de quartier

Dans leur réécriture des évènements, les médias d’État aiment montrer des représentants du gouvernement central à l’écoute et corrigeant les erreurs commises localement. En l’occurrence ici, celles des tout-puissants comités de quartier qui ont eu tous les pouvoirs pour mettre en application les consignes de quarantaine destinées à faire barrage à l’épidémie.

C’est d’ailleurs sous cet angle que Tao Ran a rapporté l’incident sur son compte WeChat : « Certains résidents de la communauté Cuiyuan du district de Qingshan ont crié par leur fenêtre alors qu’un groupe du gouvernement central effectuait son inspection, rapporte ce compte officiel. Cette scène est fondamentalement vraie et critique le travail d’approvisionnement (…) qui n’est pas en place. (…) La vice-première ministre a immédiatement demandé aux dirigeants provinciaux et municipaux de bien comprendre la situation (…) et résoudre les problèmes en temps opportun, sans céder au formalisme bureaucratique. »

Les pouvoirs critiqués ici sont perçus comme ayant commis des abus de pouvoir par une partie des 11 millions d’habitants de Wuhan, eux marqués psychologiquement par cette très longue période d’isolement.

L’épicentre de l’épidémie ne devrait plus voir aucun cas d’infection d’ici à la fin mars, prévoit vendredi 6 mars le très officiel Global Times. Cela pourrait laisser envisager une visite à Wuhan du numéro un chinois Xi Jinping en avril. Si cette visite avait lieu, nul doute qu’elle serait davantage encadrée.

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