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Soudan : Omar el-Béchir prochainement devant la CPI ?

JUSTICE. Même si les autorités et les rebelles du Darfour se sont entendus pour que l’ancien dictateur soit remis à la justice internationale, la question divise.

Par Viviane Forson (avec AFP)

La décision des autorités soudanaises de transférer l’ex-président Omar el-Béchir à la Cour pénale internationale (CPI), qui siège à La Haye pour poursuivre les plus graves crimes internationaux commis depuis 2002 continue d’interroger. En effet, poursuivi depuis 2009 par la justice internationale sur des accusations de crimes contre l’humanité dans le cadre du conflit au Darfour, Omar el-Béchir a toujours déjoué les tentatives d’arrestation tant qu’il était au pouvoir. Et ce, tout en se rendant dans plusieurs pays africains, mais aussi en Syrie et en Russie, faute de coopération entre les États. Mais cette fois, le gouvernement de transition a reçu ce qui semble être un accord de principe après des pourparlers de paix avec les rebelles du Darfour pour présenter tous les acteurs recherchés dans cette guerre meurtrière dont a été le théâtre cette région tourmentée de l’ouest du Soudan. « Ceux qui ont été accusés par la CPI doivent y aller », a affirmé Mohamed al-Taayichi, membre du Conseil souverain soudanais, dans un communiqué. « L’un d’entre eux est el-Béchir et (il y en a) trois autres », a-t-il ensuite précisé lors d’une conférence de presse dans la capitale du Soudan du Sud, Juba.

Relancer un processus au point mort
La décision des autorités de Khartoum permet de relancer une procédure au point mort. Une respiration pour la justice internationale qui a connu de nombreux échecs ces dernières années. Car, il faut rappeler que la procureure de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, avait dû suspendre le dossier il y a deux ans, faute de coopération des pays africains qui ont pourtant ratifié le traité de la juridiction internationale. En revanche, le mandat d’arrêt contre Omar el-Béchir est toujours en vigueur.

Trois anciens proches d’Omar el-Béchir sont aussi poursuivis par la CPI : Ahmed Haroun, ancien secrétaire d’État à l’Intérieur, Abdelrahim Mohammad Hussein, ancien ministre de la Défense et de l’Intérieur, et Ali Kosheib, chef des milices Janjawid. Omar el-Béchir, arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1989 et chassé par la rue en avril dernier, récuse l’ensemble des chefs d’accusation. « Nous sommes tombés d’accord sur le fait que nous supportions totalement la CPI et nous avons convenu que les quatre criminels devaient lui être remis », a encore déclaré Taayichi, sans préciser la date à laquelle serait mise en œuvre la mesure. « Béchir et les autres seront présentés à la CPI. C’est une décision du gouvernement », a confirmé à l’AFP le porte-parole du gouvernement, Fayçal Mohamed Saleh.

Justice et réconciliation
Cette annonce du Conseil souverain soudanais s’inscrit dans une démarche plus globale de réconciliation nationale, après qu’une délégation du gouvernement a rencontré des groupes rebelles à Juba. Il faut dire que ces populations sont toujours en prise avec les conséquences de la guerre civile qui a marqué le Darfour depuis 2003. Elle a fait au moins 300 000 morts dans cette région de l’ouest du Soudan et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU. Tout a commencé par un soulèvement d’insurgés de minorités ethniques contre le régime de Khartoum alors aux mains de la majorité arabe. Ils ont été au cœur des discussions, a affirmé Mohamed al-Taayichi. Celles-ci ont abouti à un accord pour la mise en place de plusieurs mécanismes de pacification de la région, dont une cour spéciale pour enquêter sur les crimes commis au Darfour, d’après la même source.

« Nous ne pouvons rendre justice aux victimes sans prendre en compte leur souffrance, c’est une vérité à laquelle on ne peut échapper », a encore appuyé Mohamed al-Taayichi. « Nous avons très bien avancé, surtout sur la question de la justice et de la réconciliation », a déclaré de son côté devant la presse Nimir Mohamed Abdurahman, des groupes rebelles du Darfour. « Nous avons convenu avec le gouvernement de transition à Khartoum de mettre en place un gouvernement qui respectera la justice et (sanctionnera) tous ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité », a-t-il ajouté.

Cette décision montrera « la volonté politique » du gouvernement « de mettre fin à la crise au Darfour et dans d’autres régions. Nous croyons aussi qu’un accord de paix global est nécessaire et nous ne pouvons y aboutir sans collaborer totalement avec la justice de transition », a renchéri Ahmed Hassen Mohamed, porte-parole du Conseil souverain. Mais rien ne semble trancher pour l’instant. Le sujet continue de diviser le pays, puisqu’il y a quelques mois, en novembre dernier, le numéro 1 de l’exécutif, le général Abdel Fattah al-Burhan, leader du conseil souverain avait affirmé qu’il n’y aura pas d’extradition. Surtout que le Soudan n’a aucune obligation envers la Cour internationale, puisque Khartoum n’a pas signé les accords de Rome.

Quelques jours seulement avant d’être destitué le 11 avril par l’armée sous la pression de la rue, Omar el-Béchir haranguait encore la foule, en tenue safari et faisant tournoyer sa canne au-dessus de sa tête coiffée d’un turban. À ce moment-là, le mouvement de contestation commence à se faire entendre, mais lui pense encore pouvoir le mater. En décembre dernier, il avait été finalement condamné par un tribunal soudanais à une peine de deux ans en institution pénitentiaire pour « corruption ».

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