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À la fois alliés et ennemis, la relation ambivalente de Moscou et Ankara

Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan lors du sommet sur la Libye à Berlin le 19 janvier 2020. Sputnik/Aleksey Nikolskyi/Kremlin via REUTERS
Texte par :
RFI
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Le président turc a haussé le ton mercredi en affirmant qu’Ankara frapperait le régime syrien « partout » en cas de nouvelle attaque contre ses forces, et adressé une rare critique à l’égard de la Russie, l’accusant de « massacres ». Ankara ne respecte pas les accords russo-turcs pour un cessez-le-feu en Syrie et ne fait rien pour « neutraliser les terroristes » dans la région rebelle d’Idleb a répliqué Moscou. Cette escalade verbale n’est en tout cas pas la première entre les deux pays.

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Après les déclarations très dures du président Recep Tayyip Erdogan ce mercredi, le Kremlin a répondu en reprochant à la Turquie de ne pas avoir « neutralisé » les groupes rebelles et jihadistes qui opèrent dans la province. Cet échange musclé intervient alors que la situation est de plus en plus volatile dans le nord-ouest de la Syrie, où 14 soldats turcs ont été tués en une semaine par des bombardements des forces de Bachar el-Assad, soutenues par Moscou.

Mais la Russie ne souhaite pas pour autant aller jusqu’au point de rupture avec la Turquie, et espère parvenir à une solution négociée car ces cinq dernières années les relations entre Moscou et Ankara sont connu des hauts et des bas spectaculaires. Il y a d’abord eu la crise diplomatique en 2015. Ankara avait détruit un avion russe à la frontière turco-syrienne. « Un coup de poignard dans le dos » avait à l’époque déclaré Vladimir Poutine. En représailles, le Kremlin avait pris des sanctions économiques contre la Turquie.

Rapprochement après le putsch manqué

Il y a ensuite eu un rapprochement en 2016 à la suite du putsch raté contre Erdogan. « Cet avion abattu a été l’occasion d’une crise diplomatique extrêmement grave entre les deux pays, analyse Florent Parmentier, enseignant à Sciences Po et chercheur associé à HEC. Et ce qui a permis finalement de sortir de cette crise, c’est véritablement le putsch manqué contre Recep Tayyip Erdogan du 15 juillet 2016, qui a été l’occasion pour le président turc de regarder un peu qui l’avait plus ou moins averti et qui ne l’avait pas fait. Erdogan a pu, à ce moment-là, voir que la plupart des signaux qui lui avaient été envoyés… étaient venus de Russie. Donc c’est à partir de ce moment-là que les tensions ont largement baissé entre les deux pays et entre les deux leaders ».

Déçu par la réaction européenne, le président turc s’est tourné vers la Russie. Une coopération militaire s’est instaurée avec la livraison de missiles russes dans ce pays membre de l’Otan.

Une coopération énergétique aussi car la Russie participe à la construction de la première centrale nucléaire de Turquie, et en janvier dernier les deux chefs d’État ont inauguré le gazoduc TurkStream qui est destiné à alimenter la Turquie et le sud de l’Europe en gaz russe par la mer Noire tout en contournant l’Ukraine.

Syrie et Libye, les deux dossiers qui fâchent

Sur les deux dossiers qui opposent les deux pays : la Syrie et la Libye, les deux diplomaties n’ont cessé d’échanger. La Turquie et la Russie sont avec l’Iran les parrains du processus d’Astana qui réunit des représentants du gouvernement syrien et ceux de l’opposition. Un processus justement mis à mal par le sort d’Idleb.

« On peut dire que, ce qui se passe actuellement à Idleb teste un petit peu les limites de la coopération russo-turque, pour ne pas que cela dérape sur des tensions beaucoup plus vives. Donc oui, Idleb est véritablement dans un « stress test » pour la relation russo-turque, affirme Igor Delanoé, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe de Moscou. Maintenant, ni l’un ni l’autre, ne souhaite revenir à un niveau de relations aussi dégradées que cela a été le cas, par exemple, fin 2015 et pendant une partie de 2016, après que la Turquie ait détruit un chasseur russe. C’est, à mon avis, encore une période que, ni l’un, ni l’autre, ne veulent revivre et qui agit un petit peu comme un garde-fou vis-à-vis de leurs postures sur ce dossier ».

Signe qu’Ankara souhaite sur la crise d’Idleb maintenir le dialogue avec Moscou, le chef de la diplomatie turque a annoncé l’envoi dans les prochains jours d’une délégation en Russie.

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