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À Mopti, le déploiement contesté des casques bleus de la Minusma

Mopti, précisément dans le plateau dogon, suscite beaucoup de tensions et d’incompréhensions au sein des populations. Pourtant, les objectifs de la résolution 2480, celle qui prolongeait le mandat de la Minusma au Mali, sont très clairs pour le Centre.

 

Depuis le début des tueries de masse dans la région de Mopti, l’absence des forces onusiennes a fait débat un moment. Après la mise en place du PSIRC (Plan de sécurisation intégrée des régions du Centre), la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a déployé des casques bleus dans le Centre pour accompagner le gouvernement malien dans la sécurisation des régions.

Mais le déploiement des forces onusiennes au Centre n’arrive pas à être effectif en raison du fait que sa présence semble rejetée par des populations. En Effet, depuis quelques semaines, il y a une forte montée des mécontentements au sein des populations dans les cercles de Bandiagara, Bankass et Koro à l’encontre des forces de la mission des Nations unies. A la base de ces mécontentements, se trouvent des rumeurs faisant état d’une prétendue implication de la force dans les différentes attaques des localités du plateau dogon.

Dans des enregistrements sonores circulant sur les réseaux sociaux, on peut entendre des personnes accuser les casques bleus d’implication dans la pose de mines sur les routes. La milice Dan Nan Ambassagou a même publié un communiqué, en date du 26 décembre 2019, faisant état du bombardement d’une de ses bases par l’aviation de la Minusma. «Alertés, nos hommes se sont rendus sur les lieux pour récupérer les corps. C’est à ce moment que des avions UN se sont présentés. Ils ont largué 2 obus qui ont touché 3 hommes», peut-on lire dans le communiqué. A la suite de ces informations, des jeunes ont manifesté à Bandiagara et Bankass pour réclamer le départ de la Minusma de ces zones.

Rumeurs
Dans un passé récent, l’ancien porte-parole de Dan Nan Ambassagou, Marcelin Guenguéré, a accusé l’armée malienne d’avoir bombardé plusieurs fois une base servant de site de cantonnement à la milice, en 2018 et en 2019. L’armée malienne n’a jamais reconnu avoir pris pour cible une base de la milice.

Depuis le renforcement de son dispositif militaire, la force onusienne a-t-elle procédé à des frappes sur des cibles au sol ? Nos interlocuteurs au sein de la Minusma, qui ont voulu garder l’anonymat, sont catégoriques : «Nous n’avons fait aucun bombardement dans les zones indiquées. Ce sont de fausses informations pour compliquer notre présence dans ces localités ». Ces rumeurs auraient été propagées par la milice, qui ne serait pas favorable à la présence de la Minusma dans ces localités qu’elles contrôlent, risquant de l’empêcher d’exercer toute l’autorité qu’elle désire.

De plus, les Maliens n’arrivent pas à faire la distinction entre l’opération française Barkhane, qui intervient au Mali pour lutter contre le terrorisme, et la mission onusienne. Très souvent, la Minusma est accusée d’être à la botte de la France.

Or, précisent cet interlocuteur, elle est composée de plusieurs nationalités surtout africaines. « Les deux compagnies qui sont au Centre pour l’instant sont issues de contingents africains. Malgré les 13.000 casques bleus présents au Mali, la Minusma est confrontée à des difficultés financières et à des besoins en ressources humaines », explique Daniel Massamba, chef du bureau de l’information publique à la Minusma.

Problème de communication
Suite à des enregistrements sonores diffusés dans des groupes WhatsApp dans la dernière semaine du mois de décembre 2019, qui accusent les forces onusiennes de complicité avec les poseurs de mines, les forces vives du cercle de Bandiagara, notamment la Coordination des associations et ONG féminine (CAFO), le coordinateur des chefs de quartier et le Conseil local de la jeunesse, ont, dans une déclaration commune en date du 3 janvier 2020, demandé le retrait des casques bleus.

Le président du Conseil local de la jeunesse de Bankass, Mamoudou Guindo, signataire d’une lettre similaire au communiqué de Bandiagara, demande aussi le départ de la Minusma. A la question de savoir s’il a la preuve des accusations proférées contre les casques bleus dans sa lettre, il a répondu par la négative.

Ce refus de la présence de la Minusma peut être liée à de nombreux facteurs. Mais Abba Kassambara, spécialiste des questions de paix et observateur local, pense qu’il y a un déficit de communication sur le mandat de la force que les populations n’arrivent pas à cerner. « La Minusma a fait une erreur stratégique en amenant uniquement des militaires armés avec voitures blindées. Les populations au Centre sont offusqués de voir que les patrouilles n’arrivent pas à stopper les tueries. Il fallait plutôt amener la partie civile de la mission d’abord, prendre des contacts sérieux avec les notabilités et ensuite déployer les militaires. Avec cette stratégie, les populations allaient bien les accueillir», estime M. Kassambara.

Le gouvernement malien a dépêché sur place l’actuel ministre de l’Environnement et de l’Assainissement, Housseyni Amion Guindo, un ressortissant de la localité, pour arrondir les angles. Nous attendons de voir si cette mission aura les effets escomptés. Mais, d’ores et déjà, le président du Conseil local de la jeunesse de Bankass affirme : «Le ministre nous a rencontrés et nous avons décidé de mettre en place un comité de suivi pour voir si la Minusma va faire les choses promises».

Les forces étrangères ne sont pas aussi étrangères que nous le pensons. Elles viennent des pays que nous fréquentons. Notre pays a aussi participé à des opérations de maintien de la paix dans d’autre pays. Les Maliens doivent comprendre qu’en acceptant de fournir des troupes pour cette mission de maintien de la paix, les pays ont dû faire des choix courageux au regard du nombre de casques bleus morts dans notre pays. Est-ce que le Mali peut se passer des services des forces amies avec la recrudescence des attaques ennemies de ces derniers temps ?

Par Yacouba Dramé

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