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En Afrique, les espoirs déçus du « cash-to-goods »

Promu par une escouade de start-up, le concept, basé sur l’envoi au pays de bons d’achat affectés à l’acquisition d’un bien comme un frigo, une télévision ou d’un service précis, n’a pas trouvé son marché.

Elles promettaient de bousculer le marché des transferts de fonds vers l’Afrique, dominé par les mastodontes Western Union et MoneyGram. Une escouade de start-up est montée au créneau ces dernières années, en brandissant un nouveau concept : le « cash-to-goods ». Autrement dit, l’envoi de bons d’achat affectés à l’acquisition d’un bien comme un réfrigérateur, une télévision ou d’un service précis.

Afrimarket, la plus connue en France, mais aussi Yenni, Moods ou Mergims disposaient de bons arguments pour tenter de se faire une place sur un marché florissant. Le montant des transferts de fonds vers l’Afrique subsaharienne ne cesse de progresser, au point d’atteindre en 2018 le chiffre record de 46 milliards de dollars (41,5 milliards d’euros), selon la Banque mondiale. Or les diasporas africaines, à l’origine de cette manne financière, sont souvent taraudées par la même interrogation : l’argent expédié aux proches restés sur le continent est-il vraiment dépensé à bon escient ?

Le « cash-to-goods » est censé offrir un meilleur contrôle des usages. Les fonds, envoyés par le biais d’une application mobile, sont convertis en coupons permettant de se fournir en biens de consommation ou en services (santé, scolarité…) au sein d’un réseau de distributeurs partenaires. A aucun moment, les bénéficiaires ne sont supposés manipuler d’argent liquide. Autre engagement des jeunes pousses : proposer des transactions à coût réduit alors que la mainmise des leaders du transfert en Afrique les pousse à prélever des commissions plus élevées que dans n’importe quelle autre région du monde.

L’accès à Internet reste très faible dans nombre de pays
Las. Aucune expérience ayant vu le jour dans ce secteur n’a duré. En septembre, Afrimarket a été placée en liquidation judiciaire, après six années d’existence. Basée à Paris et focalisée sur l’Afrique francophone, la société avait d’ailleurs changé de profil au fil des ans. Elle s’était peu à peu repositionnée comme un acteur du e-commerce, faute de modèle économique viable dans le « cash-to-goods »…

Pourquoi cet échec ? « L’idée de départ pouvait sembler séduisante, mais le consommateur final – celui qui reçoit les fonds – apprécie rarement ce côté dirigiste qui l’infantilise », analyse Julien Maldonato, associé du cabinet de conseil Deloitte. Selon ce spécialiste de l’innovation financière, la création de plates-formes à grande échelle visant à faire travailler ensemble toute une série d’acteurs est, en outre, un processus laborieux et coûteux. Autre frein majeur : le manque de maturité numérique du continent, où l’accès à Internet demeure très faible dans un grand nombre de pays.

Le défi consiste aussi à susciter la confiance des diasporas. Habituées à confier leur argent à des opérateurs connus, elles hésitent à s’en remettre à une nouvelle application dépourvue d’un véritable réseau d’agences physiques

Ainsi le bénéficiaire n’est pas forcément équipé pour recevoir des bons d’achat en ligne. Le défi consiste aussi à susciter la confiance des diasporas. Habituées à confier leur argent à des opérateurs connus, elles hésitent à s’en remettre à une nouvelle application dépourvue d’un véritable réseau d’agences physiques.

Enfin, les frais de transfert vers l’Afrique subsaharienne ont commencé – lentement – à baisser. Le tarif moyen d’une transaction atteignait un peu plus de 9 % en 2018 contre 12 % en 2012. « Il devient plus difficile pour un nouvel acteur de jouer là sa différence, estime M. Maldonato. Tout laisse penser que les moyens traditionnels sont là pour durer encore un certain temps. »

Le monde

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