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ANDRE BOURGEOT, DIRECTEUR DU CNRS : « Ce n’est pas la France qui est responsable… C’est la politique française »

En marge de la conférence débat sur l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger et le retour de la paix au Mali à l’Ecole Supérieure de commerce (ESC-Mali), André Bourgeot, l’anthropologue français et directeur du Centre national de recherche scientifique (CNRS), s’est exprimé sur la montée du sentiment « anti-français » au Mali.

Selon l’expert, la France n’est pas responsable de la situation que traverse le Mali, ni les Français, comme pensent certains Maliens. Mais, explique-t-il, c’est la politique française qui doit être mise en cause. Pour l’anthropologue français, plus les Maliens ont un discours globalisateur, le risque de voir des amis français du Mali, comme les Forces progressistes, se sentir offensés car ils ne sont pas responsables de cette politique.

Pour M. Bourgeot, les discours globalisateurs peuvent faire l’objet de manipulation comme cela s’est passé entre les peulhs et les dogons au Mali. Pour lui, ces discours « globalisateurs » sont des aberrations et ne font qu’entretenir les animosités et créent des conditions de relations conflictuelles interethniques et intercommunautaires. « Il y a des forces politiques qui ont intérêt à cela parce que cela entretient le ‘’KO’’ », dit-il.

Quant à la solution, André Bourgeot propose : « je ne vois pas comment le Mali pourrait sortir de cette crise extrêmement grave sans la création d’un grand mouvement populaire et pacifique combinant des partis politiques, les religieux et la société civile dans toutes les grandes villes du pays. Le pouvoir politique actuel, la communauté internationale et la France seraient obligés de prendre en considération ce grand mouvement parce qu’il crée les conditions de modifications de rapport de force politique ».

Pour l’analyste la Munisma et Barkhane ont été un échec. « Il y a 3 ou 4 ans, les djihadistes étaient tout simplement au Nord, mais aujourd’hui ils sont partout sur le territoire. Pas simplement au Mali, mais aussi au Burkina Faso et bientôt en Côte d’Ivoire », précise-t-il. « C’est un échec de décision prise sur des bases exclusivement sécuritaires et militaires. Ce n’est pas sur ces bases là qu’il faut aller. Il faut changer de stratégie. Cela incombe aux décideurs politiques. S’il n’y a pas de concertation entre pouvoir politique et pouvoir militaire, l’échec continuera », prévient-il.

A propos de la réussite de l’opération « Takuba », André Bourgeot est pessimiste. « Takuba n’est pas un sabre, c’est une glaive des romains. Si une ministre fait la confusion entre glaive et sabre, elle peut faire aussi des confusions ou faire des erreurs politiques. Pour dire que cela ne changera en rien ».

Il estime que c’est le G5 Sahel qui aurait dû intervenir dans le Liptako Gourma. « On assiste finalement à une militarisation mondialisée du Mali avec la venue des militaires de l’Europe du Nord, des Emirats arabes unis, de l’Arabie Saoudite et autres sur son territoire », regrette le chercheur.

Koureichy Cissé

Mali Tribune

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