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Sahel : “Regarder la situation en face” avec “une ONU réformée”

À Dakar, le 1er ministre français ainsi les présidents sénégalais et mauritanien ont proposé une évolution de paradigme pour éradiquer la menace djihadiste.

Par Le Point Afrique

Après le Forum de Paris sur la paix, celui de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. Au cœur des préoccupations des chefs d’Etat et de gouvernement présents : la question de savoir comment contenir et éradiquer le terrorisme islamique à la fois en Europe mais aussi en Afrique et notamment au Sahel où l’Etat islamique, Al-Qaïda et leurs satellites tentent de s’implanter en déstabilisant les pays de la zone. Fort de cette conviction, le Premier ministre français Edouard Philippe a exhorté ce lundi à ne “laisser aucune chance, aucune prise” aux groupes djihadistes dans le Sahel, et a demandé l’implication de tous les Etats d’Afrique de l’Ouest, lors de son discours prononcé à l’ouverture du Forum au Centre international Abdou Diouf à Diamnadio, près de Dakar. près de Dakar.

Edouard Philippe monte au créneau
“Une chose est sûre », a-t-il dit. « Les groupes djihadistes profiteront, dès qu’ils le pourront, de nos faiblesses, de nos manques de coordination ou de nos insuffisances en termes de moyens, d’engagements ou de formation ». Et de poursuivre : « Nous ne devons leur laisser aucune chance, aucune prise » appelant à « regarder la situation en face, dans sa nuance et parfois, dans sa vérité plus cruelle ». Pour illustrer sa parole, il a indiqué substance que « dans certains territoires, les forces anti-djihadistes étaient parvenus sinon à éradiquer, du moins à contenir, voire à faire reculer la menace djihadiste mais dans d’autres territoires en revanche, cette menace s’est développée, prospérant « sur un terreau de tensions préexistantes » et tirant profit « de la corruption et des trafics ».

Les présidents El Ghazouani et Sall aussi…

De leurs côtés, faisant écho aux déclarations, constats et craintes du premier ministre français, les présidents mauritanien et sénégalais Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et Macky Sall ont mis le doigt sur les contradictions et failles de la communauté internationale et notamment de l’ONU. En cela, ils so t allés dans le même sens que les présidents Mahamadou Issoufou du Niger et Idriss Deby du Tchad dans leurs déclarations lors du Débat africain sur Radio France Internationale le 13 novembre dernier. Ceux-ci avaient fustigé les blocages au niveau de l’ONU qui empêchaient de renforcer le mandat des forces envoyées sur le terrain pour contenir les groupes djihadistes notamment dans le Sahel, au Mali notamment. Pour le président sénégalais, « entre les forces maliennes et étrangères, pas moins de 30.000 hommes (se trouvent) sur un terrain qui sont pris en otage par une bande d’individus ». Et de s’interroger : « Y a un problème. Pourquoi nous ne sommes pas capables de régler ce problème ?”. Poursuivant, il a indiqué qu’ »il ne s’agit pas de faire le procès de l’ONU ». « L’ONU, c’est génial, a-t-il dit mais il faut qu’elle accepte de se réformer et de réformer ses procédures (…) Il faut un mandat robuste au Mali”, a-t-il expliqué lançant un appel direct à la Chine et la Russie pour qu’elles permettent que soit décerné par le Conseil de sécurité de l’ONU à la Minusma un mandat plus fort qui lui permette de ne plus être seulement une force de maintien de la paix mais une force agissante capable de faire plus que se défendre en cas d’attaque. Pour rappel, alors que le Sénégal participe à la Minusma, la Mauritanie, elle, fait partie de la force conjointe du G5 Sahel, avec le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad. Ces deux statuts différents mais complémentaires les conduit d’ailleurs à s’alarmer de la propagation, dans la sous-région, des agissements djihadistes depuis 2012 à partir du nord du Mali.

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Le président Ghazouani de Mauritanie au Forum de Dakar le 17 novembre 2019.
© DR

Dans la même dynamique que le président sénégalais, son homologue mauritanien a indiqué que « l’Onu doit se réformer (…) dans sa politique de maintien de la paix, qui n’est pas en adéquation avec les enjeux sécuritaires au Sahel ». “Des forces régionales mobiles, plus légères, et connaissant mieux le terrain doivent être davantage privilégiées, plutôt qu’une force lourde et statique”, a-t-il poursuivi. “L’Onu doit ainsi donner un mandat plus robuste et un financement plus pérenne aux forces sous-régionales telles que la force conjointe du G5 Sahel qui n’a hélas pas reçu jusqu’ici l’appui logistique et financier promis ».

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« Combattre le terrorisme au Sahel est à la fois un devoir de solidarité et un impératif de sécurité collective », a renchéri le président sénégalais. “En Afrique et hors du continent, nous sommes tous menacés, nous avons tous intérêt au maintien de la paix », a-t-ajouté avant de metre en garde : « Autrement les forces terroristes, vaincues ailleurs, en Irak ou en Syrie, vont trouver dans les zones de vulnérabilité en Afrique des sanctuaires où ils vont prospérer, se réorganiser ».

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… dans un contexte compliqué
Il faut dire que la situation e contexte sécuritaire s’est dégradé ces derniers mois au Sahel et interroge l’efficacité des armées nationales, mais aussi des forces étrangères, parmi lesquelles l’opération anti-djihadiste française Barkhane, qui mobilise 4.500 militaires, sur une étendue vaste comme l’Europe. Début novembre, une embuscade contre le convoi d’une société minière canadienne dans l’est du Burkina Faso a fait 38 morts. Un soldat français de l’opération Barkhane a aussi été tué par un engin explosif au nord-est du Mali, au lendemain de l’assaut dans la même région contre un camp militaire malien qui a fait 49 morts.

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La semaine passée, le président français Emmanuel Macron a annoncé des décisions imminentes pour améliorer la lutte antijihadiste dans la région, après avoir reçu les présidents du Tchad, du Niger et du Mali. Il espère s’appuyer sur la force conjointe du G5 Sahel, qui compte 5.000 militaires de Mauritanie, du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, et pourrait à terme suppléer Barkhane. Plus généralement, la France souhaite l’implication des tous les Etats de l’Afrique de l’Ouest, à l’image du Sénégal, dans le cadre du pacte de stabilité et de sécurité annoncé lors du G7 de Biarritz en août. “Même si ces Etats ne sont pas confrontés de manière directe à l’extension de la menace terroriste, ils détiennent une partie de la solution pour la combattre”, a souligné lundi Edouard Philippe. Et de conclure : « Nous devons donc les y inviter, dans un esprit d’engagements réciproques entre les pays de la région et les partenaires internationaux ».

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