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Macron au défi du marché chinois

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Envoyé spécial à Shanghaï,

Le président démarre aujourd’hui à Shanghai sa seconde visite en Chine en jouant la carte européenne pour tenter de déverrouiller le marché chinois, mais se heurte à l’indifférence croissante de la seconde économie mondiale à l’égard du Vieux Continent.

Emmanuel Macron offre un présent de choix à Xi Jinping, dès son arrivée à Shanghaï, ce lundi 4 novembre. Sa présence au dîner de gala inaugurant en grande pompe la foire internationale aux importations (CIIE) vient légitimer un projet phare du président chinois, engagé dans un bras de fer stratégique avec Donald Trump. Le président français prononcera un discours dans la foulée du dirigeant le plus autoritaire depuis Mao, mardi, à l’ouverture de la seconde édition de ce rendez-vous qui vise à projeter l’image d’une Chine ouverte sur le monde.

Un joli tour de passe-passe, selon les critiques, qui dénoncent une «foire Potemkine» de la part du régime communiste, dont les champions nationaux sont largement subventionnés, faussant la concurrence mondiale, comme l’accusent les États-Unis et l’Union européenne. «C’est du show plutôt que de la substance», juge Jeorg Wuttke, président de la Chambre de Commerce de l’UE en Chine (EUCCC), dont l’organisation dénonce les entraves nombreuses auxquelles font face les entreprises françaises et européennes sur le marché chinois.

La Chine inflige bien à la France son déficit commercial bilatéral le plus lourd, s’élevant à 29,2 milliards d’euros en 2018. Et malgré une légère réduction sur les premiers mois de l’année, la tendance ne semble pas prête à s’inverser. Mais l’Élysée a décidé «de prendre au mot» le président chinois, en venant à Shanghai, en quête de contreparties commerciales. «Puisque cette foire vise à affirmer l’ouverture de la Chine, eh bien démontrons-le par des accès au marché dans le domaine agroalimentaire, par des avancées sur les deux accords prioritaires UE-Chine», affirme un conseiller élyséen.

Bruxelles négocie de longue date une protection des indications géographiques (IGP), qui permettrait aux champagne, roquefort, Cognac et autres délices français d’être protégés des contrefaçons sur un marché de consommation en forte croissance. Si la croissance du PIB chinois ralentit, les classes moyennes s’élargissent pour atteindre 400 millions de personnes, dépassant la taille du marché américain, offrant de nouveaux débouchés prometteurs aux produits de qualité. À condition d’avoir accès à un marché bardé de régulations, où la concurrence locale s’aiguise, et le consommateur devient plus exigeant, et patriotique.

L’accord sur les IGP est en vue, et pourrait faire partie de la moisson du président français en Chine, durant une visite au pas de charge de 72 heures, jugée «courte», par les officiels chinois. Les chances de «grands contrats» sont maigres, les ventes d’Airbus ayant déjà été annoncées au printemps lors de la visite de Xi en France. Dans le nucléaire, la vente d’une usine de retraitement est loin d’être finalisée après des années de discussions. «Nous progressons, mais la négociation se poursuit sur les prix», explique Zhu Jing, vice-directeur des affaires européennes au ministère des Affaires étrangères, à Pékin, la semaine dernière. Paris espère néanmoins récolter des contrats dans les secteurs nucléaire, aéronautique et tout particulièrement sur l’agriculture. Après l’accord sur le bœuf, la France veut accroître l’accès au marché des viandes françaises, notamment le porc, alors que la Chine est frappée par une foudroyante épidémie de fièvre porcine africaine.

Emmanuel Macron, lors de sa visite à Rouen, le 30 octobre 2019.© POOL/REUTERS Emmanuel Macron, lors de sa visite à Rouen, le 30 octobre 2019. Macron joue la carte européenneEmmanuel Macron joue une nouvelle fois la carte européenne à Shanghaï, où il écoutera les doléances de l’EUCCC, ce lundi, aux côtés de la ministre allemande de l’Éducation, Anja Karliczek, et du commissaire à l’Agriculture, Phil Hogan. Au printemps, il avait convié Angela Merkel et Jean-Claude Juncker à l’Élysée pour accueillir Xi Jinping, affichant un front uni européen face aux ambitions chinoises. Alors que Pékin et Washington négocient une trêve commerciale, le président français poussera Xi à conclure avec le Vieux Continent un ambitieux accord sur les investissements dès 2020. Une gageure tant les négociations avancent à pas de tortue depuis sept ans. «Il n’y a aucun engagement des Chinois. Ils sont absorbés par leurs négociations avec les États-Unis et n’ont pas de temps pour l’Europe», déplore Wuttke. «Les États-Unis posent les bonnes questions mais n’apportent pas les bonnes réponses», affirme-t-on à l’Élysée, plaidant pour un «dialogue franc», plutôt que l’affrontement ouvert, avec le mastodonte asiatique, au nom de la défense du multilatéralisme. Trump a obtenu l’attention des chinois «en tapant sur la table», rappelle Wuttke, également patron de BASF en Chine, qui déplore des Européens trop timorés.

Lundi, la presse chinoise offrait une couverture mezzo voce de l’arrivée de Macron, pourtant considéré comme le dirigeant moteur d’une Europe affaiblie par le Brexit, et la sortie de scène proche d’Angela Merkel. Une discrétion qui révèle la considération désormais limitée des dirigeants chinois à l’égard d’un Vieux Continent incapable de se muer en puissance planétaire sur le front technologique et politique. «Ils ne considèrent pas l’Europe comme une menace sérieuse», résume Ding Yifan, du Centre de Recherche sur le Développement, un think-tank gouvernemental à Pékin. Un rapport de force que le président tente d’inverser, en rassemblant les forces d’une Europe, dont la Chine a su jouer avec art des divisions depuis de longues années.

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