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Au Mali, la relève monte au front

Loin de plier et d’abandonner le combat face à ceux qui voudraient leur interdire de jouer une musique jugée impie, les jeunes artistes du nord du Mali suivent le chemin tracé par leurs aînés. Ils font entendre leurs voix et leurs guitares afin de défendre leur culture. La compilation Rough Guide to Mali Blues, fidèle à l’esprit de la série des Rough Guide, met en lumière quelques-uns des éléments les plus prometteurs de cette génération.

Son ombre plane encore sur la musique malienne : treize ans après sa disparition, Ali Farka Touré fait figure d’artiste totémique pour de nombreux chanteurs et musiciens originaires du Sahara, ce manteau désertique qui recouvre plus de la moitié de ce vaste pays. Avec son blues africain, celui qui a remporté trois Grammy Awards et que Martin Scorsese a filmé dans From Mali To Mississippi n’est pas seulement une référence musicale ni une fierté patrimoniale, il incarne aussi l’attachement à sa terre, en l’occurrence celle de Niafunké située à une quinzaine d’heures de route à l’est de Bamako, et plus généralement une forme de résistance culturelle.

À l’ombre de la guerre

C’est précisément sur ce terrain que toute une génération d’artistes s’exprime, l’inspiration aiguisée par le contexte géopolitique qui prévaut sur place depuis 2012 et a bouleversé la donne : les offensives des groupes jihadistes ont fait basculer le Mali dans un climat de guerre, mettant en péril l’unité nationale. Ce traumatisme est au cœur de Rough Guide to Mali Blues, nouveau volet de la série bien connue des Rough Guide qui a servi à faire connaitre de nombreuses musiques depuis plus d’un quart de siècle.

Le rôle de pilier ou de caution, indispensable à ce type de compilation, a été confié à deux artistes de premier plan : Samba Touré, formé à l’école d’Ali Farka et ambassadeur de ce style musical dans le monde entier, et le groupe féminin Tartit dont la seule existence malgré les multiples exils force le respect au regard de la conjoncture.

La sélection de quinze titres est ensuite structurée en deux parties. D’abord, les groupes et chanteurs repérés et déjà représentés au cours des dernières années sur certains disques comme Lost in Mali, à l’image de la formation Alkibar Jr dont les membres ont gravité autour d’Afel Bocoum et Vieux Farka Touré. Viennent ensuite tous ceux qui n’avaient encore jamais fait parler d’eux sur un projet bénéficiant d’un rayonnement international.

Un disque riche en découvertes

Là réside la principale valeur ajoutée de Rough Guide to Mali Blues : dénicher ceux qui, demain, prendront peut-être le relais de leurs ainés. Joueur de ngoni habitué aux cérémonies traditionnelles et issu de la région de Douentza, Abba Gala s’illustre dans un registre épuré sinon griotique, tout comme Moussa Sarré, tandis que la jeune Bally du Dezer (sic) reprend à sa façon le flambeau de Khaira Arby, avec laquelle elle avait enregistré un duo trois ans avant la mort de cette doyenne de la musique du nord du pays.

Autre nouveau venu, Tahaninte (à ne pas confondre avec Kader Tarhanin, coqueluche de la musique touareg depuis quelques années) a été formé à Bamako par Seydou Dicko. Le fils d’Ibrahim Hamma Dicko, chanteur de Gao qui s’était fait remarquer sur la scène internationale dans les années 1990, a été rejoint dans cette aventure par le batteur du quatuor Songhoy Blues, dont l’énergie a séduit de nombreux festivals rock en Occident.

L’horizon pourrait aussi se dégager prochainement pour l’Espoir de Niafunké, un nom “à l’ancienne” qui rappelle l’époque des biennales culturelles organisées au Mali après l’indépendance. Installé dans la capitale où sa renommée s’est bâtie au fil des soirées qu’il anime dans de multiples lieux, ce jeune groupe s’apprête à sortir son premier album. “La vision du peuple est notre message”, peut-on lire sur son site Internet. Une devise qui se traduit sur Rough Guide to Mali Blues par un morceau au titre sans équivoque : La paix au nord du Mali. Pour que les guitares fassent taire les kalachnikovs.

RFI

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