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Mali: La politique, une activité vicieuse !

Au Mali, nous constatons que l’activité politique a perdu ses vertus pour ne conserver seulement que ses vices.

L’image de la politique et des acteurs politiques auprès des citoyens ordinaires s’est progressivement détériorée au fil des années jusqu’à ce qu’elle a atteint des proportions très inquiétantes pour la construction d’un avenir meilleur pour ce pays. En effet, selon la vision de la plupart des Maliens, la politique est associée à toutes sortes de vices: le mensonge, la démagogie, la tricherie, la trahison, la couardise, les coups bas, la course à l’argent facile, etc. Il faut reconnaître que ce sont les comportements déviants des acteurs politiques eux-mêmes qui ont contribué à créer et à renforcer cette image négative de la politique chez les citoyens ordinaires. Cette image est d’autant plus tenace qu’elle se construit sur des convictions qui sont ancrées dans la conscience collective des Maliens.

Citons-en quelques-unes :

Première conviction: en politique, on ne parle pas le langage de la vérité, on dit plutôt ce que les gens veulent entendre. Il semble que les acteurs politiques maliens ont bien assimilé l’adage selon lequel les promesses politiciennes n’engagent que ceux y croient. C’est surtout pendant les campagnes électorales que les politiciens s’adonnent à leur jeu favori. Une bizarrerie de ces campagnes, c’est que les promesses de campagnes se ressemblent, quel que soit le poste électif à pourvoir. Celles ou ceux qui ambitionnent d’être président de la République, député à l’Assemblée nationale, ou conseiller communal jurent tous de promouvoir l’autosuffisance alimentaire, de construire des routes, des écoles, des centres de santé, des bornes fontaines, de donner du travail aux jeunes, de garantir la sécurité des populations, d’améliorer leur cadre de vie environnemental, etc.
Deuxième conviction : on ne fait pas la politique pour défendre un idéal ; on y entre car c’est le chemin le plus court et le plus facile qui mène à la réussite socioéconomique et à la notoriété. Aussi, l’absence d’idéal de la part des acteurs politiques, d’une part, et l’absence de conviction de la part des électeurs, d’autre part, ont ravalé les campagnes électorales au niveau de vulgaires marchandages où les seconds échangent leurs votes contre l’argent, les cadeaux et autres gratifications généreusement distribués par les premiers. Beaucoup de Maliens ont été choqués par l’étalage d’argent et de cadeaux occasionnés par les dernières campagnes électorales et ont dû s’interroger sur la provenance de telles fortunes dans un pays considéré comme l’un des plus pauvres du monde. Aux yeux des candidats aux différents postes électifs, ces dépenses sont des investissements à risques, certes, mais largement rentables en cas de victoire. Pour le vainqueur, le retour l’investissement prend des formes multiples : amélioration substantielle des conditions de vie, considération sociale accrue, relative impunité, distribution de faveurs et récompenses aux proches, drainage des ressources publiques vers la localité ou la région d’origine pour financer des projets de développement, etc.
Troisième conviction : en politique, on n’a pas d’amis ; on a plutôt des alliés du moment qu’on peut abandonner sans état d’âme, au gré des circonstances. C’est l’une des raisons qui expliquent les nombreux déchirements au sein des partis politiques ou des alliances de partis politiques et la transhumance politique des élus.
Bref, en politique, il n’y a pas d’éthique et la fin justifie amplement les moyens utilisés. Ainsi, aux yeux des Maliens, l’activité politique a perdu progressivement ses vertus pour ne conserver que ses vices. Le citoyen ordinaire distribue volontiers l’étiquette de « politicien » ou « politikimogo » à toute personne qui semble avoir tourné le dos aux préceptes moraux et aux valeurs en cours dans la société.

L’image négative que les Maliens se font de la politique rappelle une boutade de l’ancien président américain Jimmy Carter qui décrit la politique comme le deuxième plus vieux métier du monde ayant des points communs avec le premier (la prostitution). Cette image négative rejoint aussi en certains endroits la pensée politique développée par l’humaniste italien, Niccolo Machiavel, dans son ouvrage de notoriété mondiale “Le Prince” : « Ce que l’on considère, c’est le résultat. Que le Prince songe donc à conserver sa vie et son État ; s’il y réussit, tous les moyens qu’il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde. Il faut être grand simulateur et grand dissimulateur ».

Sambou Sissoko

Source: Le Démocrate

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