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Lettre à grand-père

Cher grand-père, je vous envoie cette treizième lettre toute aussi remplie de tache de larme et de sang que les précédentes. Triste réalité malienne !!!

On comptait nos morts par nombre d’hommes armés, pleurait si c’était nos forces armées et se réjouissait si c’était du camp de l’ennemi, mais aujourd’hui le bilan est tout autre. On compte par nombre de villages et la gravité par le nombre de nourrissons, de femmes enceintes, d’enfants et de vieilles personnes massacrés à coup de machette ou à bout portant.

On se demandait qui a été tué aujourd’hui ? Mais maintenant, c’est quel village a été attaqué ? Cher grand-père pour tout vous dire, le Mali vit une phase terrible de son histoire.

Cher grand-père, est ce le petit conflit entre éleveur (Peulh) et cultivateur (Dogon) qui nous a menés jusqu’ici, à ce conflit sans qualificatif et sans but ? On se demande, qu’est-ce qui se passe ? Pour quoi ce conflit ? Pour quel intérêt ? Qui chicane quoi ? On veut nous faire oublier quoi ? Est ce le Nord ou l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation ? Doit-on s’amuser à entretenir une braise chez soi ? Cher grand-père, en 2012 c’est ce qu’on a minimisé qui a nous amenés sur ce terrain. Où nous mènera ce qu’on minimise aujourd’hui ? Dieu seul sait ?

Cher grand-père, j’aimerai bien t’informer d’une bonne nouvelle la prochaine fois mais pour cela, il faut une réelle volonté de l’Etat. Il faut que l’Etat s’assume et assume ses responsabilités. Il ne s’agit pas de le faire seulement par la voie des armes mais aussi politique. Il faut que l’Etat redéploye ses hommes imprégnés des droits humains et humanitaires pour résorber ce conflit et faire moins de frustrés. Cher grand-père, au Mali aujourd’hui on est à une phase djihadiste radicale, le chemin qu’on suit nous mènera sans doute à un véritable terrorisme. Car ce mal prend ses racines dans l’injustice et ses démembrements.

Cher grand-père, pour ne pas me donner plus de droit à la parole de ne pas dire ici des choses que je ne dois pas dire, je me tais. Aujourd’hui, on est dans un monde où les documents confidentiels sont plus relayés que les communiqués de presse. Je ne fais pas rire, loin de moi, j’ai des larmes aux yeux et du sang qui coule de mon cœur, je mets juste en garde.

A propos de la prière pour la paix, grand-père, elle ne se fait pas en public ni face aux cameras. Le Soi déteste la camera. Cela est une affaire de l’égo. La vraie prière se fait seule au moment où tout le monde dort ou dans les églises et les mosquées.

Conseillez-la, cher grand-père, tous les vendredis, tous les dimanches en groupe dans les églises et les mosquées. Pas de prière nationale, pas de camera, pas de micro. Le Soi entend dans le silence. Il voit les traces d’une fourmi noire, enfermée dans une chambre noire, marchant sur une pierre noire et entend ses pas.

Qu’Allah ramène la paix dans les cœurs et que je puisse te dire, la prochaine fois, Dieu merci, aujourd’hui, le Malien en tant que, Minianka, Somono, Sarakolé, Sénofo, Bobo, Soraï, Touareg, Arabe, Peulh, Dogon, même Thibault Petit dit Djata Keïta et tous ceux qui vivent au Mali, puissent dire enfin, “aujourd’hui, nous n’avons qu’un seul ennemi, celui de la Paix au Mali“ !. Vivement l’armée malienne. A mardi prochain ! Inch’Allah !

Lettre de Koureichy

Source: Mali Tribune

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