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Venezuela: «Jamais les États-Unis n’ont osé faire quelque chose de semblable»

Quatre mois après le début de la crise politique et institutionnelle au Venezuela, trois questions à Michel Mujica, ambassadeur du Venezuela en France.

Le 23 mai prochain, cela fera quatre mois qu’a débuté la crise politique et institutionnelle au Venezuela, lorsque Juan Guaido, alors président de l’Assemblée nationale, s’est autoproclamé président de transition. Depuis, la situation ne semble pas avoir évolué au Venezuela. L’opposition et le régime de Nicolas Maduro continuent de s’invectiver et les autorités semblent avoir lancé contre l’opposition une offensive en retirant l’immunité parlementaire à plus d’une dizaine de députés. Le Venezuela s’enfonce chaque jour un peu plus dans une crise économique sans commune mesure. Une détérioration qui s’est accélérée à cause des sanctions financières adoptées par les États-Unis, comme en témoigne Michel Mujica, l’ambassadeur du Venezuela en France.

RFI : Votre homologue à Rome évoquait la semaine dernière les difficultés financières que rencontrait ces derniers temps sa représentation diplomatique. Qu’en est-il à Paris ?

Michel Mujica : À cause des difficultés imposées par le blocus financier, nous allons entrer dans notre sixième mois sans avoir été payés pour ce qui concerne le personnel diplomatique et le cinquième mois en ce qui concerne les employés locaux. Nous avons des problèmes pour payer les services : l’électricité, l’eau, les lignes téléphoniques. La résidence de l’ambassadeur n’a plus de téléphone fixe et on nous a coupé internet.

C’est une situation dont on espère sortir progressivement, nous cherchons les moyens, mais c’est une situation généralisée pour toutes nos missions diplomatiques dans le monde. Tout cela est dû en grande partie aux sanctions. Parce qu’il y a un blocus financier dans les circuits qui contrôle l’hégémonie du dollar. On nous a envoyé des ressources, mais elles n’arrivent pas, elles sont bloquées.

Ce jeudi, les forces de l’ordre américaines ont délogé des activistes pro-Maduro qui occupaient l’ambassade du Venezuela à Washington pour la remettre au représentant de Juan Guaido, Carlos Vecchio. Quelle est votre réaction ?

C’est la première fois que je vois ça ! Jamais, même dans les moments les plus durs durant la guerre du Vietnam, jamais le gouvernement des États-Unis n’a osé faire quelque chose de semblable avec la représentation diplomatique du Vietnam à New York. C’est une violation, pas seulement de la charte des Nations unies et de l’article 45 de la Convention de Vienne… On n’avait jamais vu des forces de police du pays où se trouve la représentation diplomatique entrer dans l’ambassade et déloger des personnes qui s’y trouvaient et qui disposaient d’une autorisation des autorités vénézuéliennes. Et si on légitime ça, si cela provoque un silence complice des pays de l’Union européenne et aussi des Nations unies, il s’agira alors d’un précédent très dangereux. Pas seulement pour le Venezuela, mais pour n’importe quel pays du monde.

Quand on regarde l’évolution de la situation sur place, tout semble figé. Pourtant en coulisses, les initiatives semblent se multiplier pour tenter de trouver une solution négociée à cette crise. Comment analysez-vous ces initiatives, que ce soit celle de la Norvège, ou celle du Groupe de contact sur le Venezuela dont fait partie l’Union européenne ?

Selon moi, la seule issue qui existe au Venezuela pour résoudre les graves problèmes économiques et sociaux passe nécessairement par des accords politiques. Tous les efforts qui seront réalisés pour mettre en place un dialogue, dans le cadre du respect de notre Constitution et de notre souveraineté, que peuvent réaliser le Groupe de contact, le Mexique ou l’Uruguay et les pays membres du Caricom, sont des initiatives qui sont bienvenues chez nous. Et le rôle de médiateur que peut jouer la France dans un éventuel dialogue me semble être un facteur important. Parce que la France a un poids particulier en matière de politique internationale au sein de l’Union européenne et elle est membre du Conseil de sécurité.

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