ACTUALITÉSMusique

Fatoumata Diawara : l’artiste malienne porte la voix de ceux qui n’en ont pas

Les femmes et les enfants restent trop souvent ceux et celles que l’on entend pas. Faoumata Diawara se fait leur porte-voix. Du Mali en guerre aux paillettes des Grammy Awards, en passant par les salles de concert du Québec, la chanteuse malienne s’engage pour la paix et l’unité. Rencontre.
Elle est considérée comme l’une des meilleures artistes africaines, avec Angélique Kidjo, Oumou Sangaré ou Myriam Makeba : Fatouma Diawara est actuellement en tournée nord-américaine, de passage au Québec cette semaine, avec des spectacles à Montréal à Québec. La Malienne d’origine, musicienne accomplie, est une artiste engagée qui se fait la voix de ceux qui, justement, n’en ont pas.

Nous, les femmes, on a besoin de savoir que nos enfants ont un avenir, alors comment faire pour trouver un terrain d’entente et régler les conflits ?
Fatouma Diawara

Chanter pour les femmes et les enfants
“Être la voix des sans-voix, c’est une grande responsabilité, explique Fatoumata, donc j’essaie de porter la voix des personnes qui ne sont pas écoutées : les enfants et les femmes, qui sont les premières victimes de la guerre. Nous, les femmes, on a besoin de savoir que nos enfants ont un avenir alors comment faire pour trouver un terrain d’entente et régler les conflits ? En tant que chanteuse, j’ai le droit de crier haut et fort de la part de toutes ces femmes qui sont inquiètes pour l’avenir de leurs enfants“.

Ce message, elle le porte durant son spectacle, présenté à guichets fermés à Montréal, une tournée nord-américaine qui a été un beau succès pour la chanteuse, auréolée de sa nomination et prestation aux légendaires Grammy. Son dernier disque, Fenfo, réalisé par Matthieu Chedid, est sur la liste d’écoute de Barack Obama (quand même…)

Fatoumata Diawara chante lors de la 61ème cérémonie des Grammy Awards le 10 février à Los Angeles.

© Matt Sayles/Invision/AP

Une artiste engagée
Fatoumata est une artiste engagée depuis toujours : en janvier 2013, alors que le nord de son pays est envahi par des hordes de djihadistes, elle réunit dans un studio une quarantaine d’artistes maliens et africains pour chanter en l’honneur d’un Mali uni et en paix. La chanson Mali Ko a symbolisé l’unité d’un pays et la résistance d’un peuple à l’oppression de ces intégristes qui voulaient imposer la charia et faisaient régner la terreur dans la région qu’ils contrôlaient.

Aujourd’hui, Fatoumata s’inquiète toujours pour son pays, surtout sur le plan politique, mais elle se dit  rassurer par la jeune génération, qui ne cède pas aux sirènes de la manipulation et aux amalgames dangereux et qui est porteuse d’avenir pour tout le continent selon elle : “La jeunesse a pris la parole aujourd’hui par rapport à 2012, cela me rassure, c’est cette génération qui va pouvoir faire changer les choses. J’ai vu leurs réactions dans les médias sociaux, notamment après ce massage dans un village peul du nord du pays – massacre qui a fait plus de 130 morts – et  je ne crois pas que je suis obligée de rentrer à Bamako en urgence pour enregistrer une nouvelle chanson pour le Mali comme on l’a fait en 2013“.
Une femme libre, une survivante
Fatoumata Diawara revendique haut et fort le fait qu’elle est une femme libre, mais que cette liberté a été chèrement acquise, car elle s’est battue bec et ongles pour la gagner. Elle se qualifie d’ailleurs de survivante : “Une survivante dans le sens de… j’ai une douleur au fond de moi en mesurant tout le chemin que j’ai suivi, tout ce que j’ai vécu pour en arriver là. Je me suis dit : si toutes les femmes doivent vivre ça, tous les enfants, les jeunes filles de la future génération, des filles qui vont venir après moi doivent vivre ça pour en arriver où j’en suis, le combat n’est pas encore gagné. Alors oui, je suis une survivante, j’ai compris comment être autonome, j’ai pris ma guitare, j’ai bossé dur pour pouvoir m’exprimer avec la guitare et me conduire moi-même, mais comment je peux enseigner à une fille, un enfant pour trouver son chemin de liberté ? Il n’y a pas d’école. Maintenant je me rends compte que les grandes dames comme Angélique Kidjo, Oumou Sangaré, Nina Simone, Ella Fitzgerald, ce sont des survivantes elles aussi“.

Dans son spectacle, Fatoumata reprend d’ailleurs une chanson de Nina Simone, dans une interprétation tout à fait époustouflante. Cette artiste a des airs, d’ailleurs, de la grande Nina, elle en a le côté rebelle, la force de caractère et ce port de reine si exceptionnel. Sur scène, elle dégage un charisme magnétique et déborde d’une énergie contagieuse. Voir un spectacle de Fatoumata Diawara, c’est comme se plonger dans un bain d’énergie pure. On en ressort électrisé et bluffé par la prestance de cette femme, sa beauté, son élégance, son talent.

Si tu ne contrôles pas tout, on t’amène dans des directions où tu n’as pas envie d’aller… Avec les femmes, ça se passe souvent comme ça. 

Fatoumata Diawara

“Aujourd’hui, je peux dire que je suis une femme libre sur scène, parce que je fais ce que je veux, je compose mes chansons, je les écris, je les arrange, je suis impliquée dans ma musique. C’est vrai que je suis exigeante, mais ce sont les coups que j’ai pris qui m’ont obligée à être aussi dure, à vouloir tout contrôler, car, quelque part, si tu ne contrôles pas tout, on t’amène dans des directions où tu n’as pas envie d’aller ; d’ailleurs la plupart du temps, avec les femmes, c’est comme ça que ça se passe, on t’amène dans des directions que tu n’as pas choisies, et après un ou deux albums, tu es perdue parce que tu ne sais plus comment conduire toi-même ton train ou ton avion”.
Artiste, femme, mère
Fatoumata est en pleine possession de ses moyens et du contrôle de sa carrière. Enceinte de 4 mois, elle raconte comment elle est fière de mener de front sa vie d’artiste et sa vie de femme, épouse, mère – elle a déjà un petit garçon de 3 ans qui est en tournée avec elle en ce moment. “Pour moi, la vie est un combat permanent, ce combat ne doit pas s’arrêter, donc j’ai une fierté de savoir que je peux faire des enfants en même temps que je m’occupe de ma carrière artistique. ”

Et Fatoumata chante pour aider les femmes, Africaines et autres, à acquérir cette si précieuse liberté : “Tu peux avoir une très grande voix, tu peux avoir étudié dans la plus grande école de musique, tu sais jouer, tu sais faire tout ce que tu veux, mais si tu n’es pas libre, tu obtiendras difficilement ce que tu veux être, tu ne seras jamais ce que toi, tu veux être. La liberté est un combat permanent, ce n’est jamais acquis“.

Fatoumata la rebelle, Fatoumata la combattante, Fatoumata… l’irrésistible !

TV5

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page
Open

X