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Entretien avec Daouda Teketé, l’auteur de l’ouvrage « recueil de proverbes africains » : « Ce livre est un projet qui a cheminé dans ma tête pendant près de 50 ans »

Déjà auteur de plusieurs ouvrages consacrés notamment à la recherche, l’écrivain malien, Daouda Tékété, vient de mettre sur le marché du livre un nouvel ouvrage intitulé « Recueil de proverbes africains », paru chez Innov Editions. Comme son nom l’indique, ce livre d’environ 400 pages est un florilège de plus de 5000 proverbes issus de différents pays d’Afrique, présentés par ethnie et par thème. Des proverbes de la Diaspora aussi y sont, notamment ceux de la Guadeloupe, la Martinique, le Haïti, la Guyane, entre autres. Afin d’en savoir plus sur cet ouvrage, nous sommes allés à la rencontre de l’auteur. Entretien !

 

 Aujourd’hui-Mali : Bonjour, peut-on savoir comment vous est venue l’idée de la réalisation de cet ouvrage ?

Daouda Tékété : Cet ouvrage est la consécration d’un rêve ancré dans ma mémoire depuis ma tendre enfance. Je me rappelle, lorsque j’étais encore enfant, entre 5 et 6 ans, avant d’aller à l’école, j’ai accompagné ma mère qui a rendu visite à ses parents dans le village de Geutema qui est une bourgade de peulhs située à 9 kilomètres au sud de Nioro du Sahel. Là-bas, chaque soir, ma grande mère nous réunissait et nous racontait des contes. Un jour, elle a conclu un conte du jour par deux proverbes qui me sont restés en mémoire. Le premier proverbe était : « La vache qui aime son petit le lèche même quand il a grandi » et le second, « la vache bouscule son veau mais ne le hait pas ». Ces deux proverbes me sont restés à l’esprit et depuis ce jour, je fais extrêmement attention au langage de ma grande mère qui utilisait beaucoup de proverbes dans les conversations quotidiennes. Même à l’école, les contes qu’on nous racontait, il en ressortait des proverbes et depuis je me suis dit que quand je serai grand, je ferai un livre de proverbes africains. Ce livre est un projet qui a cheminé dans ma tête pendant près de 50 ans.

 Pourquoi ce florilège de proverbes des pays africains ?

C’est parce que j’ai voulu montrer qu’il y a des affirmations qui sont souvent, à mon sens, inexactes. Ces affirmations font croire que les cultures africaines sont différentes. Pour moi, le fondement de la spiritualité africaine se ressent dans toutes les cultures africaines, sans exception. Et le proverbe est l’un des moyens et non des moindres qui montrent que les cultures africaines ont un fond commun et cela, on le sent à travers les proverbes. Que l’on parle de Bantou, Soninké, Peulh ou Ethiopien, nous constatons qu’il y a dans chacune de ces langues des proverbes qui ont des sens identiques. Donc cela veut dire que le fondement spirituel des Africains est le même et il n’y a pas de différences. C’est pour montrer que certes il y a quelques différences entre les cultures africaines, mais elles ont un seul et même fondement.

 Compiler tous ces proverbes dans un même document ne doit pas être un travail aisé. Comment vous avez réussi cet exploit ?

Déjà, comme je l’ai dit tantôt, c’est un projet que j’avais depuis ma tendre enfance. Alors après mes études secondaires au Mali, j’ai été poursuivre mes études à l’extérieur, notamment en Europe où j’ai passé 10 ans. Et pendant ce temps, j’ai rencontré des Africains et dans les échanges, je constatais que des fois, ils disaient quelques proverbes que je croyais être exclusivement maliens. C’est ainsi que de questionnements en questionnements, j’ai pu me rendre compte que les différentes ethnies de l’Afrique ont des proverbes certes quelques fois différents, mais qui se ressemblent beaucoup à travers leurs caractéristiques similaires. C’est pourquoi, à chaque fois que j’entendais un proverbe à la bouche d’un Africain, je lui demandais son ethnie et notais son proverbe.  Chose que j’ai faite pendant de longues années. Voilà comment j’ai pu réaliser ce document.

 A la lecture du recueil, nous remarquons qu’il y a des proverbes transcrits dans certaines langues avant d’être traduits en français, pourquoi ces exceptions ?

C’est pour permettre aux gens qui ne savent pas lire en français de pouvoir le lire s’ils sont alphabétisés dans leurs langues respectives. Cependant, je n’ai pas eu l’occasion de le faire avec toutes langues qui sont citées dans cet ouvrage. Si j’avais les proverbes de chaque ethnie dans sa langue, je les aurais mis dans le livre. Cela allait rendre plus accessible à tous les lecteurs le contenu de ce livre car avant d’être francophones ou anglophones, nous sommes africains.

 C’est quoi un proverbe, selon vous ?

Pour sortir de l’approche académique, je dirais que le proverbe est une forme d’expression da la sagesse africaine. Une forme d’expression concise, mais qui en dit beaucoup sur la profondeur de la pensée africaine. Alors, c’est pourquoi je dis que le proverbe n’est ni plus ni moins une forme parfois percutante de l’expression de la sagesse africaine.

 Vous êtes aujourd’hui à votre quatrième ouvrage. Avez-vous d’autres projets d’écriture ?

Oui ! Je suis actuellement sur mon cinquième livre, sur lequel je suis d’ailleurs très avancé. Un livre provisoirement intitulé : « La face cachée de l’Afrique, pourquoi et comment ? ». Dans ce livre, je montre avec des preuves scientifiques à l’appui et des recherches qu’il n’y a pas de culture au niveau mondial qui ne soit érigée sur la base de l’héritage africain. Toutes les cultures du monde, sans exception, se sont fondées sur l’héritage africain, mais malheureusement cela a toujours été caché. A travers ce livre, j’apporte avec des preuves palpables que toutes connaissances du monde sont issues de l’Afrique. Et le livre sera publié cette année, si Dieu le veut bien.

 Quel sera votre dernier mot ?

En dernier, je dirais aux Africains, sans exception, que l’on ait été à l’école om l’on a hérité du système colonial ou qu’on soit orienté essentiellement vers la recherche en connaissances de nos langues nationales et nos cultures, il faudrait absolument que les Africains reviennent à eux-mêmes et que nous cherchions à mieux nous connaitre. Toutes les cultures du monde, sans exception, sont unanimes à reconnaitre que la meilleure des connaissances est la connaissance de soi-même. Aussi longtemps que les Africains vont s’ignorer, leur développement n’arrivera jamais.

Réalisé par Youssouf KONE 

 Aujourd’hui-Mali

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