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Chronique : L’appel au dialogue pour mettre fin à la crise politique au Mali

L’éthique, la morale et la conscience, servant jadis de boussole, quand la société souffre de maux touchant son fonctionnement normal, sont elles en crise aujourd’hui ? Les chefs coutumiers et religieux de la capitale tentent de faire mentir cette idée, et compte pour cela faire usage d’une arme redoutable: le dialogue. Pouvoir et opposition du Mali accepteront-ils de marcher suivant cette boussole à la lumière des faisceaux lumineux ?

La société malienne a mal et souffre de maux complexes menaçant son système immunitaire. C’est le cas quand l’éducation, la santé, la production sont durement éprouvées par l’insécurité ; quand l’école et la formation des ressources humaines devant relever les défis futurs, sont constamment compromises et dépendent des contingences d’antagonismes entre syndicats et gouvernement ; mais également quand l’absence d’écoute au sommet entre gouvernants et leaders politiques d’opposition atteint le niveau d’un dialogue de sourds ; et quand les tendances politiques continuent de voir, chacune midi à sa porte.

Les ressorts servant jadis à amortir les chocs, semblent désormais cassés, personne n’accordant plus aucun crédit à ce que dit ou promet l’autre. FSD (Front pour la sauvegarde de la démocratie) et Cofop (Collectif des forces patriotiques) n’en croient plus rien dans ce que miroiterait le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, qui ne les a jamais convaincu, et qui plus est soupçonné de vouloir les avoir à l’usure, à coups de gaz lacrymogène, de rangers et de matraques du maintien d’ordre, brisant des côtes à des Maliens dont le seul tort est de manifester leur désaccord avec une gouvernance liberticide.

La marche de l’opposition de ce 8 décembre vise à conjurer l’absence de liberté et l’usage de la force dans les rapports entre gouvernants et gouvernés, à réaffirmer la soif des Maliens de libertés individuelles et collectives, de sécurité, d’unité nationale et de stabilité. La situation économique et sociopolitique actuelle du Mali traduit un grand malaise, un état stationnaire, indiscutablement les effets pernicieux d’une crise postélectorale. En réaction, une perle de manifestations s’installe dans la capitale malienne en cette fin d’année : ce samedi 8 décembre le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) et le Collectif des forces patriotiques (Cofop) battent le pavé, malgré les répressions sauvages du 16 novembre et du 2 juin 2018, faisant plusieurs blessés.

Le Collectif pour la Défense de la République (CDR) marchera à son tour le 10 décembre (journée internationale des droits de l’homme) pour protester contre la logique d’usurpation du pouvoir ; puis la société civile ( Collectif des associations musulmanes du Mali du Dr Mohamed Kimbiri) à son tour va battre le pavé le 15 décembre prochain pour dire non à la trahison de la classe politique, qui s’est arrogée d’un pouvoir, qui normalement appartient au peuple, en faisant voter par les députés un projet de loi de prorogation du mandat des députés.

Quand on observe l’absence de dynamique de dialogue entre le pouvoir – qui doit en créer les conditions idoines – et l’opposition, la répression barbare réservée aux manifestants et aux hommes de medias qui donnent un autre son de cloche, on en déduit forcement une absence d’état de droit. Car la démocratie est synonyme de liberté d’expression, de liberté d’opinion, de liberté d’aller et venir, de droit de manifester pacifiquement… Or aujourd’hui, l’exercice de ces droits expose des personnes à des violences, sévices et brimades. Conséquence, un durcissement des positions, et un risque de radicalisation de part et d’autre du pouvoir et de l’opposition. Les leaders religieux (Shérif Ousmane Madani Haïdara, le Cardinal Jean Zerbo et autres) et les chefs coutumiers de Bamako (Niaré, Touré, Dravé) ont rencontré ce mercredi, 5 décembre 2018, une délégation du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) conduite par l’honorable SoumaïIa Cissé, candidat malheureux aux dernières élections présidentielles.

« Les chefs coutumiers et religieux ont justifié leur démarche par la persistance de la crise politique née de la dernière élection présidentielle. Ils ont souhaité une décrispation et un apaisement de la situation par l’instauration d’un dialogue entre les acteurs politiques maliens », indique un communiqué du FSD. Les leaders du FSD ont dressé l’état des lieux du pays caractérisé par la juxtaposition de quatre crises: sécuritaire, sociale, financière et politique. Ils ont rendu les autorités actuelles responsables des tensions et crispations ainsi que de l’absence de dialogue politique et social dans le pays, avant de « dénoncer les atteintes aux libertés démocratiques fondamentales notamment les arrestations illégales, les détentions arbitraires et les répressions policières des manifestations pacifiques du 2 juin et du 16 novembre 2018 », ajoute le communiqué.

Les chefs coutumiers et les leaders religieux n’auraient pas demandé une annulation de « la marche populaire, légale et constitutionnelle du 8 décembre », encore moins demandé à Soumaïla Cissé et au FSD de reconnaître l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta à l’ issue du « scrutin frauduleux de juillet- août 2018 », indique le communiqué. « Ils ont invité le FSD au dialogue pour mettre fin à la crise politique ». Les leaders du FSD ont redit leur disponibilité pour un dialogue sincère portant sur la légitimité des institutions du pays. Pouvoir et opposition du Mali profiteront-ils de cette offre de dialogue pour se tirer d’affaires ? Entre temps la marche du 8 décembre est maintenue.

Daou

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