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Domaine de l’aéroport international Modibo Kéïta-Sénou : Les occupations illicites bientôt démolies

Le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat et son homologue chargé des Transports, ont pris des dispositions pour libérer le domaine aéroportuaire de toutes les occupations illicites. C’est dans le cadre de l’application de ces dispositions que le Président directeur général des ” Aéroports du Mali ” et des responsables des mairies des communes V, VI, des Directions régionales de l’Urbanisme, de l’Assainissement et de l’Environnement, la Compagnie des Transports aériens de Gendarmerie (CTA), accompagnés de chefs de services des Aéroports du Mali, ont effectué le jeudi 15 novembre 2018 une visite de terrain des zones occupées marquée par l’arrêt des chantiers non autorisés, l’interpellation d’une entreprise chargée de travaux, la saisie de matériels de travail et le marquage des constructions non autorisées en vue de leurs démolitions prochaines.

Le domaine de l’aéroport international Président Modibo Kéita-Sénou fait l’objet d’occupation illégale. D’une superficie de 7 149 hectares matérialisée par des bornes, cette parcelle aéroportuaire est dispersée sur Gouana, Kouralé, Sirakoro, Faladiè, Niamakoro. Et ces zones classées suivant Décret n° 99-252/P-RM du 15 septembre 1999 sont confiées exclusivement aux ministères des Domaines et à l’Aviation civile par Arrêté interministériel n° 08-0999/MET-MLAFU du 18 avril 2008. Malgré le caractère imprescriptible, inaliénable et insaisissable conféré par la loi, cela n’a pas empêché les spéculateurs fonciers de morceler les parcelles de ces zones pour les vendre illégalement à des particuliers qui sont en train d’y ériger des constructions. Cette occupation illicite, aux dires du ministre des Transports et celui de l’Habitat et de l’Urbanisme, compromet la sécurité de la navigation aérienne et constitue un risque pour les occupants eux-mêmes. Lors de la visite de terrain, le constat est alarmant et indescriptible. Les 7 149 hectares matérialisés par des bornes sont illégalement occupés et construits par des particuliers. Dans la zone aéroportuaire vers Sirakoro Meguetan, des maisons dont de grands immeubles, ont poussé rapidement comme des champignons. Et le hic, tous ces occupants détiennent des autorisations dûment signées par le maire du district de Bamako, Adama Sangaré.

Le Directeur régional de l’Urbanisme, Mady Kossa Kéïta, les maires adjoints des communes V et VI, notamment Mme Katilé Hadiaratou Sène et Baba Sanou, qui étaient de la visite, étaient étonnés de l’exhibition de ces autorisations. La situation est pire dans la zone de trouée à Sénou (espace de montée et de descente des avions). Dans cette zone, selon les responsables de l’aéroport, une opératrice économique du nom de Saran Traoré a fait un investissement de plus 80 millions Fcfa. Au tronçon Lycée Brico-Gouana, les constructions fleurissent. Toutes ces installations sont marquées avec des croix X indiquant qu’elles doivent être démolies. Des convocations ont été dressées pour les propriétaires des lieux. Et Mady Kossa Kéïta de confier que malgré les sommations avec 219 convocations et 120 P.V. transmis aux procureurs, les occupants des lieux, dont des magistrats et des opérateurs économiques, et d’autres personnalités de la République, continuent de travailler sur leurs chantiers, faisant fi des injonctions à eux adressées.

Occupations illicites des zones aéroportuaires : la mairie du District de Bamako indexée

Mme Katilé Hadiaratou Sène a laissé entendre que la mairie de la commune V n’est au courant de rien par rapport à ces occupations illicites de la zone aéroportuaire. “Nous n’avons aucun plan qui prouve que la mairie de la commune V a attribué ces domaines à des particuliers. En tant que 2e adjointe du maire chargée des questions domaniales, je ne sais absolument rien de l’occupation de ces zones. Parce que, pour nous, ces zones sont classées. Et nous n’avons aucun document qui prouve qu’elles sont déclassées pour que nous puissions entreprendre quoi que ce soit sur ces parcelles”, a-t-elle confié à la presse.

Baba Sanou, l’adjoint du maire de la Commune VI dira que la mairie de la Commune VI est une entité du district de Bamako. Il a certifié que les 45 conseillers à la mairie de la Commune VI n’ont jamais délivré une autorisation d’attribution de terrain à qui que ce soit pour occuper la zone aéroportuaire. Il s’est dit surpris de constater les occupations du domaine aéroportuaire. “Les documents exhibés par les occupants des lieux ne proviennent pas de la mairie de la commune VI qui est différente de la mairie du District. Nous avons constaté des documents de la mairie du District. Normalement, ces documents doivent être accompagnés de plans approuvés et des décisions d’attribution par l’Etat. A notre niveau en Commune VI, nous avons constaté que le fond des dossiers est vide. Les dossiers ne contiennent pas de plans approuvés. Et nous n’avons pas été informés de l’attribution des terrains par le District”, a affirmé Baba Sanou, adjoint au maire de la Commune VI.

Comme solution, l’adjoint au maire estime que chaque entité doit assumer sa responsabilité pour connaître les occupants des lieux. “La solution est entre nous, autorités. Nous devons faire la part des choses et situer les responsabilités. A la mairie de la commune VI, nous travaillons avec des services techniques qui ne sont pas impliqués dans l’attribution du domaine aéroportuaire. Ce qui veut dire que les documents d’attribution des zones aéroportuaires détenus par les occupants ne proviennent de la mairie de la commune VI. Nous allons approcher la mairie du District pour faire la part des choses afin de mettre fin à ces attributions illégales”, a-t-il proposé.

Les dangers liés à l’occupation des zones aéroportuaires

En situant les contextes de la visite des zones illégalement occupées par des particuliers, Cheick Oumar Tall, le directeur administratif des Aéroports du Mali, a expliqué que le caractère international du transport aérien fait que l’aviation civile est soumise à des normes et pratiques recommandées et approuvées par tous les Etats.

“Et ces normes et pratiques régissent les domaines aéroportuaires en tenant compte des évolutions à basses attitudes des aéronefs lors des manœuvres d’approches, d’atterrissages, de décollages. Et cela dans les conditions météorologiques limites et des pannes de moteurs d’avions. Il y a aussi des servitudes radios électriques aériennes qui sont dispersées sur des kilomètres, notamment dans les zones de Gouana, Kouralé, Sirakoro, Faladiè, Niamakoro. Et tout ça pour guider les avions.

Dans ces zones, il y a la nuisance acoustique et l’émission des gaz de moteurs appelés délestage ou déversement du carburant avion. Un calcul est fait pour délimiter le domaine aéroportuaire qui fait l’objet de classement suivant le Décret n° 99-252/P-RM du 15 septembre 1999. Ce classement fait que le domaine aéroportuaire est inaliénable, imprescriptible et insaisissable. Et tout cela, pour sécuriser la navigation aérienne”, a expliqué Cheick Oumar Tall.

Il a regretté le fait que malgré son classement, le domaine aéroportuaire fait l’objet d’agressions et d’occupations illicites. “Le domaine aéroportuaire fait 7 149 hectares et délimité par des bornes. Ce qui veut dire qu’aucune autorité n’est habilitée à délivrer une autorisation d’occupation sur le domaine aéroportuaire. Malheureusement, nous constations des occupations de tous ordres : des chantiers, des maisons, des points de vente de carburant, des garages, des parcs à bétail. Et le domaine aéroportuaire sert même de dépôt de transit final à ciel ouvert de déchets solides et liquides. Ce qui est aussi un des facteurs favorisant des risques animaliers. Pour toutes ces raisons, la Direction des Aéroports du Mali, de concert avec tous les acteurs aériens et tous les acteurs impliqués, a décidé de prendre le problème à bras le corps pour mettre un terme à ces occupations illicites”, a-t-il dit, pour mieux préciser le contexte de la visite de terrain.

La sensibilisation comme méthodologie d’approche de libération des lieux

Comme méthodologie d’approche pour libérer les zones occupées illégalement, Cheick Oumar Tall a dit que la Direction des Aéroports du Mali ne ménagera aucun effort pour la sensibilisation des occupants des lieux pour leur faire comprendre que leurs vies sont en danger. Il fait savoir que l’Aéroport du Mali vient d’avoir un certificat d’aérodrome qui fait qu’il est dans le concert des aéroports les plus sûrs. “Nous devons entretenir le label d’aérodrome. Mais les occupations des domaines aéroportuaires constituant un danger pour l’aviation civile, le Mali n’est pas à l’abri de la perte de ce certificat. Et quand nous perdons ce certificat, il n’y aura pas de vol sur l’Aéroport Bamako Sénou ou les avions vont venir à leur risque et périr”, a-t-il averti. Outre cette sensibilisation, il a invité chaque concerné à prendre des dispositions pour faire libérer les lieux dans les règles de l’art. Il a appelé au patriotisme des occupants pour libérer le domaine aéroportuaire avant que le Mali ne perde l’Aéroport de Sénou qui est le patrimoine de tous les Maliens. “L’Aéroport vient de terminer la construction d’un nouveau terminal et à quel prix. Des occupants ont été entièrement dédommagés pour libérer le domaine aéroportuaire. Pour cela, l’Etat a déboursé des milliards pour préserver le domaine. Donc, j’en appelle au patriotisme de tous les Maliens. Puisque n’importe quel acte et investissement posé sur le domaine risque d’être perdu, ce qui est sûr et certain. Je ne souhaite pas, que Dieu nous en garde, si un accident devait se passer, il se passerait sur les occupants illicites des zones aéroportuaires. Il y a aussi des risques sanitaires, notamment le déversement de carburant avion. Quand un avion est en danger, il est délesté du carburant. Et cela se fait sur les zones occupées. Donc, il y a un risque sanitaire réel qui est là avec les occupations illicites. Il y a aussi les nuisances acoustiques. Quand un avion décolle ou descend, il produit des vibrations qui nuisent à la santé des occupants, surtout ceux des espaces de trouée. Les interférences sont aussi un autre danger pour les occupants des zones aéroportuaires. Donc, le danger peut partir du sol à travers une personne physique qui peut se cacher quelque part dans la zone pour poser des actes illicites. Les zones de trouée (zone de décollage et de descente des aéronefs) ne doivent pas faire l’objet d’occupation. Donc, je demande aux Maliens de tout faire pour préserver l’aéroport que nous avons “, a-t-il expliqué.

Les occupants des zones sur pied de guerre

Approché, Tidiane Sow, le président de l’Association des propriétaires de terrain de Faladié-Est extension concernant la zone de l’Onap jusqu’à Sirakoro, a confié que leur terrain a été donné à son père en 1964 par le président Modibo Kéïta quand il était en 9e année. A la retraite aujourd’hui, il dit avoir tous les papiers du terrain sauf le titre foncier qu’il n’a pas pu avoir car les autorités lui avaient dit d’attendre. Entre temps, a-t-il expliqué, “la Mairie du District nous a délivré des notifications et des permis d’occuper que nous avons payés au niveau des impôts à plusieurs millions. Il y a plus de 3 000 lots dans ma circonscription. Et chaque propriétaire a payé 300 000 Fcfa par lot. Les gendarmes envoyés par l’Aéroport venaient chaque fois nous agresser. Nous les avons traduits devant les tribunaux. Nous avons gagné les procès et nous détenons les grosses données par les autorités judiciaires. Et le Cadastre est venu recenser les maisons construites pour nous donner des numéros. Nous sommes dans nos droits, coutumiers et étatiques. Malgré tous ces documents, les gendarmes continuaient à nous agresser. J’ai tout fait pour calmer mes adhérents pour qu’on n’aille pas à l’affrontement. J’ai signalé la situation au ministère de la Sécurité. Et Adama Sangaré a déposé nos papiers auprès du Premier ministre qui doit les signer pour que nous puissions avoir la paix. C’est dans cette attente que nous avons reçu la délégation de l’aéroport qui est en visite de terrain”.

Après avoir déclaré qu’ils ne savent plus sur quel saint se vouer, il a averti que les occupants des lieux sont sur pied de guerre et qu’ils sont prêts à se battre pour préserver leurs biens. “Nous ne laisserons pas l’aéroport détruire nos installations. Et nous ne resterons pas les bras croisés devant la destruction de nos maisons”, a-t-il prévenu.

La visite de terrain était guidée par Mohamed Moustapha Diallo, (chef de service gestion de la qualité à la Direction des Adm et président de la Commission de surveillance du domaine aéroportuaire), représentant le Président directeur général de l’Aéroport du Mali. Siaka DOUMBIA

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