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Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni : Une vie entièrement consacrée aux idéaux patrio¬tiques défendus sans concession aucune

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Jeune collaborateur de feu Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni» dans les années 60, Diatrou Diakité rend ici hommage à celui qui reste dans la mémoire collective comme l’un des plus grands patriotes et dont l’engagement fut à toute épreuve.

Moi, qui ai été entre 1962 et 1964 son plus jeune collaborateur, je ne peux que dire ce que j’ai retenu de ce monument national qu’est Amadou Traoré. Pour sa vie politique, il y a des témoins (vieux et jeunes) mieux qualifiés que moi. Personnellement, j’ai retenu d’Amadou, quatre qualités que sont la solidité de ses convictions idéologiques et politiques ; la consistance de son engagement patriotique à toute épreuve ; son attachement indéfectible à l’indé­pendance du Mali, et sa constance dans la voie qu’il s’est tracée.

On peut même ajouter une cin­quième qualité qui va de pair avec les autres : son souci constant et permanent d’être un relais, un passeur sûr de la pensée des pères fondateurs du Mali moderne indé­pendant, de donner des repères solides aux jeunes générations et de les guider vers l’avant en défendant de façon intransigeante la vérité historique et les figures exemplaires de la construction nationale.

Mon hommage au doyen Amadou Traoré sera un appel aux jeunes maliens afin que triomphent les idéaux patrio­tiques auxquels il a consacré, sans réserve, toute sa vie. Depuis 7 ans, j’ai entendu beaucoup de témoignages, d’en­gagements à poursuivre le com­bat d’Amadou pour le Mali. A tous ceux qui se réclament du Doyen, je rappelle que la part maudite de tout héritage est celle qu’on ne peut prendre sans se trahir. Pour moi les quatre qualités citées ci-dessus constituent l’héritage à prendre.

Les nations saignent, mais ne meurent pas. Le Mali se relèvera. Se relèvera-t-il petit ? Se relève­ra-t-il grand ? Cela dépendra de ce que la jeunesse fera de l’héritage d’Amadou Traoré. Dans ce Mali de 2023 et menacé de partition au nord et d’implo­sion au centre, avec tout ce que cela comporte comme régression dans le domaine du développement, nous sommes tous interpellés par l’histoire, jeunes et vieux.  Notre père Amadou est allé se reposer en attendant que les fleurs de ses arbres donnent des fruits à hauteur des espérances du peuple malien auquel il a tout donné.

Mais ! Mais, si les fleurs que vous êtes, jeunes du Mali, ne donnent pas des fruits à hauteur des attentes, le repos du doyen se transformera en une mort lugubre. Puisse Dieu préserver le Mali et les héritiers de l’intrépide combattant Amadou Traoré d’une telle catastrophe.

Pour que les fleurs donnent des fruits à hauteur des espérances

Sachez que l’histoire ne déroule pas un film donné à priori. C’est avec la substance de ce qui a été vécu que nous devons pétrir par l’effort et l’espérance la substance de ce qui n’a pas encore été vécu. Dans cette dure épreuve de tous les jours, ne vous découragez jamais. Chaque fois que vous tombez, sachez vous relever. Un peuple qui n’accepte pas l’échec ne peut pas être un peuple créateur. La lutte de libération et de développement d’un peuple ne se déroule pas sur une ligne droite.

Ci-dessus, j’ai insisté sur la maîtrise du passé comme préalable. Celui qui ne sait d’où il vient ne peut tracer avec précision le chemin de l’avenir. Les succès des pères fondateurs n’étaient ni spontanés ni miraculeux. C’étaient les résultats de plusieurs années de recherches et de luttes avec le peuple et pour le peuple. Cela nous renvoie directement au concept galvaudé de démocratie. La liberté et la souveraineté sont des préalables à la démocratie ! La démocratie, c’est aller au peuple pour concevoir et réaliser avec lui un devenir collectivement désiré. Les élections que nous présentons aujourd’hui comme cette démocratie ne sont qu’un processus de désignation de celles et ceux qui seront chargés de porter le projet collectif pour une période déterminée.

Jeunes du Mali et d’Afrique, les pères fondateurs ont tracé au prix de leur vie, le chemin de la libération et du développement des peuples d’Afrique. Maintenant à nous de poursuivre en transformant les pistes en autoroutes de la rupture des liens tributaires de quatre siècles d’oppression et d’exploitation. Ce travail historique si gigantesque relève de la synergie des efforts collectifs dans une direction déterminée de commun accord. D’où l’honneur des intellectuels de porter l’étendard du peuple opprimé et exploité. La spontanéité et l’indignation du peuple conduisent à la révolte, mais la révolte est toujours politiquement battue.

«De jacquerie en jacquerie, nous sommes allés à la révolution», a écrit le président Mao Zedong. Mais pour passer de la révolte à la révolution, il a fallu l’apport indispensable des intellectuels pour concevoir programmes et projets multiformes de la lutte de classe. La pratique sans théorie est aveugle. Et toute théorie sans pratique est vide. Chaque fois que la liaison entre les élites (intellectuelles, économiques, militaires…) et les masses populaires est établie, les conditions de la transformation sociale révolutionnaire sont réunies.

Je dis bien les conditions, mais les moyens restent à réunir. Le moyen principal de lutte de classe est le parti politique en tant que creuset de mobilisation, de formation, mais aussi et surtout de direction des luttes implacables contre l’adversaire de classe.

Nkrumah invitait les militants de son parti à suivre le conseil des chinois : «Vas au peuple/Vis dans son sein/Apprends de lui/Aimes-le/Sers-le/Prépares avec lui/Commences par ce qu’il sait/Construis sur ce qu’il a» ! Telle doit être la conduite démocratique du patriote révolutionnaire. C’est dans ce creuset, et seulement dans ce creuset, qu’on peut harmoniser, améliorer vision, objectifs, et conduire de façon efficiente de la lutte multiforme contre le sous-développement.

Cohérence de la théorie et fécondité de la Praxis sont les critères de vérité de la lutte révolutionnaire. Une telle synergie ne peut être gérée que dans un cadre organisé, d’où la problématique du Parti de type nouveau dans une période de changement d’époque à l’échelle planétaire.

Comment porter la charge de l’héritage des pères fondateurs ?

Fidélité à la Vision des Pères fondateurs, d’un peuple débout sur le sentier du progrès culturel, social et économique. Il faut faire un retour aux sources et non en arrière, c’est-à-dire maîtriser le passé, s’en inspirer pour construire le futur en fonction des enjeux et défis actuels. Il est aussi nécessaire de revisiter et repenser le projet des Pères fondateurs à la lumière des réalités du terrain. Tout comme il est indispensable de rompre avec les pratiques en cours depuis 1968 et qui jurent avec les valeurs et objectifs de révolution sociale que portaient les pères fondateurs

Pour reprendre le flambeau des  Pères fondateurs, nous devons également réaliser le triple réarmement culturel, politique et économique. Ainsi, 55 ans après le coup d’Etat du 19 novembre 1968, et 7 ans après la disparition du fidèle compagnon du président Modibo Kéita, tout est à faire ou à refaire. Et tel est le défi que nous avons à relever. Pour le relever, nous devons savoir et pouvoir reconstruire notre patrie, en rompant avec les pratiques de mauvaise gouvernance qui plombent les efforts de développement du pays. Cette mission est d’autant plus difficile quand on sait que la culture et les pratiques du passé guettent et peuvent revenir si nous manquons de vigilance. Enfin et surtout, il faut œuvrer patiemment et méthodiquement à l’intégration des peuples africains et non à la perpétuation des syndicats de Chefs d’Etats comme la Cédéao.

Amadou a été l’un des maillons forts de l’équipe du président Modibo Kéita avec sa vision, ses valeurs et missions patriotiques. L’impérialisme et affidés ont eu raison de leurs corps (emprisonnement). Ils ont eu raison de leurs âmes (ceux qui sont morts en prison comme Modibo Kéita), mais leurs adversaires nationaux et étrangers n’ont pu avoir raison de leur esprit, je veux dire des valeurs et des missions dont ils étaient porteurs.

C’est là le mérite exceptionnel d’Amadou Djicoroni qui a eu le temps (87 ans de vie) et le courage de maintenir allumer la flamme patriotique par ses écrits, sa lutte au sein de l’US-RDA reconstituée, mais aussi et surtout en formant la nouvelle génération qui est aujourd’hui en première ligne des luttes patriotiques. A vous jeunes du Mali, je souhaite bonne chance en sachant que, du courage, vous en avez à revendre. Vous êtes l’espoir de ce vaillant peuple malien qui peut plier, mais ne rompt jamais.

Diatrou Diakité

Consultant Indépendant

Le Matin

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