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L’Ecrivain Amadou Ganour N’Diaye déclarait quelques jours avant sa mort : « La résolution de la crise malienne est une question de vie ou de mort pour Assimi Goïta »

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Amadou Ganour N’Diaye, Ecrivain, dont le dernier ouvrage, un essai, s’intitule “Un autre monde est possible”, résidant au MALI, depuis 20 ans, se prononce sur la crise de notre pays. Il parle, ici, en tant que témoin du vécu de cette grande nation malienne qui le fascine tant. Amadou était un Visionnaire. Il a fasciné les agents de la SOPROMAC Immobilière dont il était le directeur des ressources humaines. Chaque Agent le pleure, rappelé à Dieu, foi en Dieu, musulman pratiquant et convaincu… Lire l’interview « macabre » réalisée par Issiaka Sidibé.

Le Matinal : Le MALI vit, aujourd’hui, une crise multidimensionnelle, quelle analyse en faites- vous ?

Amadou Ganour N’Diaye : La crise malienne actuelle est une étape qui est nécessaire dans le cadre d’un mouvement historique. Les crises sont inhérentes à l’existence et à la vie des États qui en tirent des leçons pour pouvoir s’améliorer. Une crise, de 50 ou 100 ans, n’est rien car la vision d’un État se projette sur des siècles durant. Cette crise ne doit pas faire peur aux Maliens ou créer une situation d’affolement. Elle va passer, elle est montée de tout bord. Mais, à y analyser en profondeur, on se rend compte que c’est l’ordre naturel des choses. C’est des situations de panique et de déstabilisation qui ont été savamment orchestrées.

Le Matinal : Et quelles sont ces situations ?

Nous sommes face à un pays qui a représenté un grand récif, un bloc, un « Tata » comme on disait, une forteresse d’une grande civilisation, il y a des millénaires, au moment où la puissance mondiale était détenue par les Portugais. Et l’Empire du MALI avait des Ambassadeurs au niveau du Portugal, une grande civilisation qui a toujours eu contact avec les Berbères, les Arabes, les populations blanches. Mais cela a toujours été heurté à une grande civilisation, une autre civilisation et une autre vision du monde de vivre en commun, où il y avait le bien-être. Au moment où l’Europe était dans le Moyen-âge, il y avait déjà une grande civilisation. Tout le monde connaît l’ère de Kankou Moussa qui a fait chuter l’or pendant très longtemps lors de son voyage à la Mecque. Donc, le MALI a réussi à créer le bonheur jusqu’à l’arrivée de la civilisation à l’origine de la zizanie à travers l’ensemble du Sahel. Cette civilisation, allant jusqu’en Guinée et en Gambie, a été déstabilisée à cause d’une situation basée sur la rapine et le vol. Quand on regarde en toute objectivité, on se rend compte, par-delà, le proxénétisme religieux et les théories de civilisation, que c’est l’idéologie du pouvoir, de s’accaparer de vos biens. Aujourd’hui, les objets volés sont en train d’être remis au Togo au moment où ils s’enrichissent de nos biens, de nos ressources, de nos richesses naturelles. Ils ont la prétention de dire que nous ne faisons pas partie de l’histoire. Actuellement, nous nous rendons compte qu’il y a la revanche parce qu’il existe une génération qui refuse une telle idée. Quelle est cette génération à l’origine de ce refus ? Les jeunes, qui n’ont pas de complexe par rapport aux occidentaux, qui ont été formés à l’école et qui sont ancrés dans leurs valeurs de civilisation. Ils se sont rendu compte que leurs aînés ont commis des erreurs. Ils ont été formés à l’école des Blancs et ont intégré leurs valeurs. Ces jeunes ont décidé de les écarter sans coup férir, sans tuer, sans verser de sang. Ils ont voulu mettre en place une forme de développement. Tous ceux qui étaient corruption, malversations, antivaleurs, par rapport à nos civilisations nègres sont écartés. Les jeunes ont décidé de mettre en place une organisation basée sur le dialogue national, le consensus, la souveraineté populaire. Ils ne sont pas traumatisés par le fétichisme des dates. Ils prendront le temps nécessaire pour réfléchir, dégager une ligne générale pour le peuple malien en attendant que toutes les conditions soient réunies pour organiser les élections sur toute l’étendue du territoire. C’est cette valeur qui est en train d’être remise en cause par des hommes pressés qui veulent organiser des pseudos-élections pour juste Bamako et ses environs et choisir des hommes qui seront mal nommés.

Le Matinal : Donc, il faut pour Assimi aujourd’hui une gestion géostratégique et géo-pacifique de la crise malienne ?

J’ai beaucoup d’admiration pour le président Goita. Il a pris de la hauteur et n’a pas eu le temps pour répondre aux injures et mépris affichés de la part de Macron qui va même au-delà du langage diplomatique, à la limite, en utilisant des propos vulgaires. Ce qui n’a jamais été le cas de l’actuel dirigeant du MALI qui a pris le parti de se taire et de travailler. Lui sait que c’est une question de vie ou de mort pour sa Nation. Il n’a pas le temps de le répondre. Au contraire, il a pris goût de travailler en évitant de se distraire dans le cadre de cette orientation. De quoi s’agit-il ? Laisser la CEDEAO ou le syndicat des chefs d’État faire de pseudos condamnations. Pour des gens qui n’ont pas de compte à l’extérieur, les condamner, bloquer leur compte, les empêcher à voyager (ils se déplacent pas), c’est tout simplement du saupoudrage. Ceux-là ont décidé de se taire et de travailler. Il faut un consensus global pour l’apaisement des cœurs et des esprits, apanage du développement. Il ne faut pas se précipiter. Un proverbe chinois dit que : ” Celui qui se précipite ne laisse pas de trace”. Il faut éviter des élections bâclées dont les séquelles demeureront 50 ans après. Le concept de démocratie est une vision que l’Occident nous impose. La démocratie  – n’oublions pas – est une invention des homosexuels grecs pour qui c’était un système de développement. Mais, nous fonctionnons en Afrique sur la base de la méritocratie, un système de choix individualisé où on choisit un homme en raison de ses valeurs parce qu’on le connaît, qu’on a vécu avec lui, et ainsi de suite. C’est un système de développement typiquement africain qu’on va mettre en place. On peut même l’intégrer dans les assises nationales pour fonder nos valeurs qui s’articulent autour de l’homme, de la parole donnée, du refus de la corruption, du postulat selon lequel l’homme préfère la mort plutôt que la honte… Tout cela a été remis en cause par le concept de démocratie qui a montré ses limites. Donc, on est au crépuscule de la démocratie avec l’idéologie libérale, socialiste, marxiste ou néolibérale… Il ne faut pas nous distraire par ces concepts passe-partout. Il faut un système de développement propre à l’Afrique sans complexe.

Le Matinal : Le Mali peut-il faire face aux menaces de la CEDEAO et au néocolonialisme français ?

Ces menaces me font rire. C’est de la poudre aux yeux dans la mesure où les populations vont continuer à commercer entre elles. Il faut avoir de la force et de la patience de continuer. Ces crises sont ponctuelles. Il faut savoir choisir ses partenaires…

Le Matinal : Nous sommes dans la mondialisation et le MALI est un pays continental n’ayant pas de ressources propres pour son auto développement …

Le libéralisme et la mondialisation sont en train d’imploser. C’est le début de leur fin. C’est la pluralité qui est de mise. On n’est plus dans un monde unipolaire. L’Afrique représente l’avenir. Il y a un nouvel ordre mondial.

Le Matinal : La ruée actuelle vers l’Afrique ne ressemble-t-elle pas à la recolonisation ou à une forme d’exploitation forcée ?

C’est la fin des ressources pétrolières ou énergétiques. On s’oriente vers l’économie verte, l’écologie. C’est une énergie alternative. Face à cette situation, l’Afrique a un rôle à jouer. Pour le cas du MALI, pourquoi Chinois et Turcs sont orientés vers ce pays ? On est dans une position de force avec la possibilité de choisir ses partenaires qui vont nous respecter. Mais pas de nous dire la manière dont nous devons diriger nos pays. Cela est tellement ancré dans la pensée occidentale qu’il est très difficile de l’enlever. C’est sur cette base qu’il faut aller vers une rupture. Et toute rupture entraîne provisoirement des conséquences. Il y a d’autres partenaires qui vont nous respecter notamment les Russes et les Chinois. Si la France revient, non pas avec des attitudes à la Macron, elle sera acceptée. L’Afrique n’est une zone stratégique de personne, mais pour elle-même.

On ne peut pas brader nos atouts. Les Français doivent reprendre l’histoire et se dire que la colonisation est finie. Nous vivons le crépuscule du néolibéralisme et la fin de la mondialisation. Il y a, aujourd’hui, une autre vision du monde. Assimi est sur la bonne lancée. Qu’il ne se laisse pas menacer par des injures des vieux qui ont fini leur temps, des personnes qui se considèrent comme des porte-voix et des gouverneurs des provinces de la France. Et montrer qu’il n’a aucun complexe et n’a de leçons à recevoir de qui que ce soit. Les élites réelles sont dans l’armée. En entendant, des porte-étendards de la colonisation et ceux qui ont posé des actes incompatibles avec notre civilisation croupiront dans les prisons pour avoir introduit la gabegie dans notre pays.

Le Matinal : Un mot sur le COVID ?

Les premiers sons de cloche laissaient entrevoir une hécatombe en Afrique. Et les Africains devraient tomber comme des mouches dans leurs capitales. Encore, l’histoire les a fait mentir. Au moment où nous sommes empêtrés à la première vague, l’Europe en est à sa cinquième. C’est l’occasion de rappeler aux Européens la théorie évolutionniste de Darwin qui les intéresse et qui les proclame race coriace, supérieure, résistante à l’évolution et race sélectionnée. Alors que c’est une civilisation vieillissante en train d’être ravagée par le COVID. Les Africains ont développé une sorte d’immunité dont ils n’osent pas parler. Et nous semblons être la race porteuse de la sélection naturelle. La vague de décès fait mal en tant qu’être humain. Mais, nous avons réussi, avec nos moyens, à juguler le COVID qui a tué moins que le paludisme. Leur vision condescendante se retourne malheureusement contre eux. Nous n’avons pas peur du COVID. Nous allons continuer à développer des moyens face à des maladies encore plus graves que le SIDA et le paludisme. Ces maladies, propres à l’Afrique, ne nous ont pas décimés. Ils n’ont qu’à trouver des moyens de le vaincre au lieu de chercher à élire nos présidents.

Interview réalisée par Issiaka SIDIBE

Le Matinal

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