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Reem Al Hashimy, ministre d’état Emiratie de la coopération internationale, dans Jeune Afrique : “Il faut aborder l’Afrique dans un esprit de partenariat et de respect. Voir comment nous pouvons créer ensemble des cadres gagnants”

Meguetan Infos

“Nous considérons le continent comme une opportunité de partenariats plus profonds et de relations réciproques plus significatives”

A la tête d’Expo City Dubai, le site qui abritera la Cop-28 en décembre prochain, la ministre d’Etat émiratie de la Coopération internationale est déterminée à développer les échanges entre les Emirats arabes unis et le continent. En décembre prochain se tiendra à Dubaï la prochaine conférence de l’ONU sur le climat, la Cop-28. Présidée par Sultan Al Jaber, ministre émirati de l’Industrie, cette grand-messe, qui dressera le bilan de la mise en œuvre de l’accord de Paris, se tiendra à Expo City Dubai. Ce site, où s’est déroulée l’Exposition universelle 2020, a été depuis reconverti, dans un esprit de développement durable, en ville verte. Avec à sa tête la très “ecolo-friendly” ministre émiratie chargée de la Coopération internationale, Reem Al Hashimy. A 46 ans, cette diplômée de Harvard, qui a désormais aussi le titre de PDG de l’Autorité de l’Expo City Dubai, est convaincue que les Emirats arabes unis ont beaucoup à offrir au monde en général et à l’Afrique en particulier, notamment sur la question de savoir comment relever le défi climatique tout en créant de la prospérité. Rencontre avec une femme politique déterminée, qui ne lésine pas sur les moyens pour atteindre ses objectifs.

Jeune Afrique : La Cop-28, prévue aux Emirats du 30 novembre au 12 décembre 2023, se tiendra sur le site d’Expo City Dubai. Pourquoi ce choix ?

Reem Al Hashimy : Le message principal de cette Cop-28 est l’émergence d’une conscience verte et climatique. Or c’est précisément avec cette approche que nous avons conçu la ville d’Expo City Dubai. Cela fait donc sens qu’elle abrite la Cop-28.

Par ailleurs, il y a l’aspect logistique, qui est beaucoup plus facile à gérer ici puisqu’il n’y a rien à construire pour accueillir l’événement. Tout est déjà là : les pavillons et les lieux des négociations, et le site est desservi par le métro.

Cette Cop se tiendra sur le site de l’Exposition universelle 2020, dont vous étiez la directrice générale. Que vous a appris l’organisation de cet événement dans une période rendue difficile par le Covid ?

Je suis incroyablement fière de ce que nous avons pu réaliser ensemble en tant qu’équipe de l’Expo, mais aussi en tant que pays organisateur.

Nous avons réuni 192 nations sur une seule plateforme à un moment critique de la pandémie. Et nous avons pu attirer 24,1 millions de visiteurs sur notre site, en plus des 16 000 délégués gouvernementaux de 192 États qui sont venus pour représenter leur pays, mais aussi pour apprendre les uns des autres et collaborer les uns avec les autres. Nous avions également une plateforme numérique qui a permis à 250 millions de personnes de visiter l’Expo de manière virtuelle. C’était une première pour une Expo universelle, et cela a joué un rôle important, à une période où tout le monde ne pouvait pas voyager. Et cela a été une réussite.

Durant cette exposition, vous avez particulièrement mis en avant les pays africains et le nécessaire renforcement de la coopération entre les différents pays. Quel message vouliez-vous faire passer ?

Toutes les nations, y compris les nations africaines, avaient leur propre pavillon sur le site de l’Expo 2020. C’est quelque chose dont nous sommes très fiers, car généralement, lors des expositions universelles, beaucoup de pays, faute de moyens, ne disposent pas d’un pavillon indépendant pour montrer au monde leurs propres Histoire et contenus.

Mais à notre Expo, nous avons pu le faire. C’était important car il s’agissait de faire pièce aux stéréotypes sur les Emirats comme sur les autres pays. Les visiteurs ont pu explorer, apprendre, comprendre, et se connecter sur le plan intellectuel, mais aussi sur le plan émotionnel, avec ce qu’ils voyaient et j’en suis très fière. Tous les pavillons étaient magnifiques. Je les ai tous aimés.

J’ai l’impression qu’ils faisaient tous en quelque sorte partie de moi parce que je les ai vus grandir petit à petit, mois après mois, tout au long de la préparation de l’Expo.

La plus grande partie du site où s’est tenue Expo 2020 Dubai a été transformée pour abriter Expo City Dubai, inaugurée en octobre dernier et dont vous êtes aujourd’hui la directrice. Quelle est la vocation de ce nouvel espace, gigantesque ?

80 % de ce que nous avons construit est resté. Nous n’avons pas changé le site. Simplement, nous sommes passés d’un événement à une ville. Une ville à la fois verte, construite selon les standards de durabilité les plus élevés, et high-tech parce qu’elle a été conçue en pensant à l’avenir. Expo City Dubai, qui est très bien desservie puisqu’elle dispose d’un métro qui conduit vers le centre de Dubaï, a pour but d’attirer les entreprises  tournées vers l’avenir en termes de technologie et de durabilité.

Par ailleurs, les 45 000 m2 du site, qui a été le théâtre durant l’Expo 2020 de nombreux divertissements et shows, continuent d’être actifs comme lieu de spectacles. Et pourront abriter de grands événements internationaux, tels que la Cop-28, qui aura lieu fin novembre.

Quel type de visiteurs ciblez-vous en priorité ? Les touristes ? Le monde des affaires ?
Reem Al Hashimy et Kolon Sidibe
Nous ciblons globalement le monde des affaires, et le monde politique pour les conférences, etc. Mais nous avons au sein d’Expo City certains spots qui sont très attrayants pour les touristes, et que nous maintenons.

Mais au-delà de la notion de cible, ce qui compte à nos yeux, c’est qu’Expo City Dubai soit une ville centrée sur l’humain, avec une approche totalement inclusive. Il ne s’agit pas d’en faire un endroit froid, uniquement axé sur le business et les rencontres institutionnelles. Nous voulons que ce soit un lieu vivant, où tout le monde a sa place, que ce soient les étudiants, qui continuent à être très présents sur les lieux, les familles, qui peuvent venir se promener dans les nombreux espaces verts ou assister à des spectacles, ou les artistes, qui viennent travailler sur place et dont on peut voir certaines réalisations, comme des sculptures. Même les animaux sont les bienvenus, car une certaine harmonie avec la nature nous semble essentielle : 54 chiens sont ainsi enregistrés, et il y a également beaucoup de papillons et d’oiseaux.

Je ne dirai pas que c’est un lieu écologique, mais respectueux de l’environnement et de la planète. Nous faisons d’ailleurs très attention à certains comportements, comme la gestion de notre consommation d’eau. Il n’y a pas de plastique ici, nous sommes attentifs au matériel que nous utilisons. Par exemple, les vitrages de nos fenêtres sont destinés à isoler et à réduire la déperdition thermique.

En somme, nous voulons qu’Expo City Dubai soit une ville qui séduise les gens, dans laquelle ils ont envie d’investir, mais aussi de vivre, parce que nous avons également introduit un volet immobilier résidentiel.

En quoi Expo City Dubai constitue-t-elle une opportunité pour les Africains ?

Si des entreprises africaines viennent s’implanter ici, ce que nous souhaitons fortement, elles verront par elles-mêmes que c’est un lieu accueillant, qui célèbre la culture africaine dans sa diversité. Sur place, à Expo City Dubai, vous pourrez voir par exemple que l’art du continent est mis en avant, avec la présence d’œuvres de sculpteurs africains, ainsi que la gastronomie africaine.

Vous êtes aussi ministre de la Coopération internationale. Quelle est votre vision du développement de l’Afrique ? Quel rôle peuvent y jouer les Emirats ?

Ma conviction, c’est que personne ne comprend mieux l’Afrique que les Africains. Ce qui signifie que nous devons faire montre de plus de compréhension et d’écoute. Non seulement par rapport aux défis auxquels le continent est confronté, mais aussi aux opportunités qu’il offre, en tenant toujours compte de la voix des citoyens africains. Au lieu d’aller vers eux avec des solutions toutes faites, je pense qu’il faut aborder l’Afrique dans un esprit de partenariat et de respect. Voir comment nous pouvons créer ensemble des cadres gagnants.

Il faut sortir de ce schéma où les Émirats sont identifiés comme des donateurs directs, et les Africains comme des destinataires. Cela n’est plus pertinent en 2023. Nous considérons le continent comme une opportunité de partenariats plus profonds et de relations réciproques plus significatives.

Les liens des Emirats arabes unis avec les pays africains, notamment ceux de la Corne de l’Afrique, sont historiques et anciens. Aujourd’hui, comment se traduit concrètement cet intérêt pour l’Afrique ?

Nous avons mené une série de projets dans des pays comme le Kenya, l’Éthiopie ou même le Rwanda, mais aussi en Afrique de l’Ouest, au Sénégal. Nous avons des liens assez forts là-bas. Dans le cas du Kenya, nous avons plusieurs programmes, notamment dans la formation des femmes entrepreneures pour travailler avec elles sur les compétences qu’elles ont besoin de développer pour mener à bien leurs projets. L’idée est de faire partie d’une chaîne de valeur au lieu d’être un intervenant immédiat, comme quand on octroie une bourse.

L’Université Sorbonne-Abu-Dhabi accueille aussi des étudiants venus d’Afrique. Un jeune du continent africain, au lieu d’aller étudier à Paris, où l’adaptation peut parfois être délicate d’un point de vue culturel ou climatique, peut venir à la Sorbonne-Abu-Dhabi et bénéficier du même haut niveau d’enseignement et du même diplôme qu’en France. Aujourd’hui, l’université compte à peu près 10 % d’étudiants africains, venus soit par eux-mêmes, soit par le biais de bourses de coopération entre les Émirats et leurs pays respectifs. Notre objectif est que ce chiffre augmente de manière significative car nous sommes convaincus que la diversité est un élément clé dans l’excellence d’un établissement et dans la formation des élites de demain. Il est difficile d’apprendre et de grandir si vous avez affaire durant toute votre vie et votre parcours à un groupe très limité de personnes, qui ont toutes des expériences similaires.

Les Emirats ont toujours prôné la tolérance. Pensez-vous qu’ils puissent jouer un rôle dans la lutte contre l’islam politique et la promotion d’un islam modéré sur le continent africain, notamment au Sahel ?

Nous avons beaucoup fait aux Émirats pour lutter contre l’extrémisme et contre la radicalisation, qui constituent une menace mortelle. Pas seulement pour les Émirats, mais aussi pour le progrès en général de l’humanité. C’est pourquoi nous œuvrons à la mise en place de programmes et de centres de lutte contre ce fléau.

Mais nous sommes également convaincus que la meilleure façon de transmettre la tolérance, c’est de donner l’exemple. Quand on voit les musulmans et les chrétiens prier et célébrer ensemble leurs jours saints, le message qui passe c’est “je ne suis pas moins musulman et vous n’êtes pas moins chrétien parce que je reconnais votre foi et vous reconnaissez la mienne”. Le vivre ensemble en harmonie, on peut en parler, mais ça reste théorique.

En revanche, c’est beaucoup plus marquant quand vous le vivez au quotidien, et que vous vous rendez compte qu’il n’y a pas de conflit entre les membres de différentes confessions. L’essentiel, c’est, même s’ils ne se comprennent pas toujours, que le respect soit là, que chacun admette le caractère sacré des croyances religieuses des uns et des autres. Ici, aux Émirats, vous avez un exemple vivant de 200 nationalités qui cohabitent en paix et en harmonie, célèbrent leur religion et traditions religieuses, qu’il s’agisse du mercredi des Cendres, de Pâques ou du ramadan. Si ça marche ici, pourquoi ça ne marcherait pas ailleurs ?

Réalisé par Fadwa Islah

Les Titres sont de la Rédaction

Aujourd’hui-Mali

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