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Mme Bouare Fily Sissoko a propos du paiement d’une caution de 500 millions F CFA pour sa mise en liberté : “J’ai l’impression que l’on me fait purger une peine par anticipation. Je n’ai rien à me reprocher”

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“La seule maison que je possède est celle que j’habite dont le titre est sous hypothèque auprès d’une banque en garantie du prêt”

“Le présent mémoire a pour objet de porter à votre connaissance que par ordonnance en date du 21 octobre 2022 dont copie jointe, la chambre d’instruction a décidé ma mise en liberté, sous réserve du paiement d’une caution ou la constitution de sûreté de même valeur. J’ai reçu notification de ladite ordonnance, le 25 octobre 2022. Ma défense, en la personne du bâtonnier Me Alhassane Sangaré a relevé appel de cette ordonnance par acte du 26 octobre 2022. Aucune suite ne nous a été notifiée à ce jour. Au regard de la tournure que le dossier est en train de prendre, j’ai décidé de solliciter le concours de votre association”. C’est ce qui ressort du mémoire de l’ancien ministre Bouaré Fily Sissoko adressé au président et les membres de l’Association malienne des procureurs et poursuivants, après plus de 16 mois de détention provisoire à Bollé dans l’affaire dite “l’avion présidentiel” et du “protocole MDAC/Guo Star pour la fourniture de matériels et d’équipements militaires”. Nous publions en intégralité le présent mémoire. 

Monsieur le Président, Mesdames Messieurs les Membres de l’AMPP, je voudrais tout d’abord vous remercier pour le plaidoyer que vous menez pour le respect de nos droits en tant que ministre de la République au moment des faits, depuis mon interpellation le 26 août 2021, en compagnie de feu Soumeylou Boubèye Maïga, ancien Premier ministre, paix à son âme.

Le présent mémoire a pour objet de porter à votre connaissance que par ordonnance en date du 21 octobre 2022 dont copie jointe, la chambre d’instruction a décidé ma mise en liberté, sous réserve du paiement d’une caution ou la constitution de sureté de même valeur. J’ai reçu notification de ladite ordonnance, le 25 octobre 2022. Ma défense, en la personne du bâtonnier Me Alhassane Sangaré a relevé appel de cette ordonnance par acte du 26 octobre 2022. Aucune suite ne nous a été notifiée à ce jour. Au regard de la tournure que le dossier est en train de prendre, j’ai décidé de solliciter le concours de votre association.

Monsieur le président, l’ordonnance de mise en liberté sous caution dont il est question expose : “Attendu que l’instruction du dossier de l’affaire est suffisamment avancée, que la détention de l’inculpée n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité…” et de poursuivre, “Attendu cependant, que pour garantir la représentation de l’inculpée et couvrir les éventuels frais de procédure ainsi que les condamnations pécuniaires, il convient de subordonner sa mise en liberté au dépôt d’une garantie ou la constitution d’une sûreté… “. Caution dont ils ont fixé le montant à 500 millions F CFA, dont 200 millions pour garantie de représentation.

A mon humble avis, demander à un fonctionnaire malien quel que soit son parcours, de constituer cette somme faramineuse, dans une procédure d’instruction conduite suivant le principe de la “présomption d’innocence” et par une chambre qui, en principe, a vocation à “instruire à charge et à décharge”, équivaut tout simplement à le traiter de criminel financier de classe exceptionnelle, sans en apporter les preuves.

En tout état de cause, si la chambre est en mesure de fixer une telle caution, elle devrait logiquement avoir une idée du montant du préjudice que j’aurai causé à l’Etat du Mali, selon elle. Dès lors, je suis en droit de m’interroger sur les raisons qui, à ce stade, s’opposent à l’organisation d’un procès public juste et équitable.

Au demeurant, la tenue d’un tel procès constituerait la réponse appropriée, à la lancinante et légitime quête de vérité de nos concitoyens concernant les dossiers dits de “l’avion présidentiel” et du “protocole MDAC/Guo Star pour la fourniture de matériels et d’équipements militaires” intervenus en 2014, au moment où le pays ne disposait pas encore de Loi de programmation militaire. Je tiens à souligner cet aspect budgétaire puisqu’il m’a été donné de constater à travers ses déclarations à un media de la place, que le procureur du Pôle économique qui en son temps a décidé de nous inculper considère ces transactions comme faisant partie des 1200 milliards F CFA de la Loi de programmation militaire adoptée en 2015. Je trouve cet état de fait particulièrement regrettable puisqu’il retire ces dossiers de leur contexte budgétaire et comptable.

Pour ma part, mes déclarations de biens régulièrement déposées et enregistrées à la Cour suprême de 2000 à 2015, comme le reflète le tableau récapitulatif joint en annexe au présent, attestent éloquemment de mon rapport à l’argent et au bien public d’une façon générale, au regard des fonctions prestigieuses que j’ai eu la chance d’occuper dans ce pays, par la grâce de Dieu, le Tout Miséricordieux.

A cet égard, je tiens à souligner que la seule maison que je possède est celle que j’habite et dont la construction remonte à 1997, comme en atteste ma première déclaration de biens en 2000. Maison dont le titre est sous hypothèque auprès d’une Banque de la place en garantie du prêt que j’ai contracté en 2015 pour la réalisation d’un projet de ferme. Je mets quiconque au défi de prouver le contraire.

Dans tous les cas, entre cadres de la haute administration malienne nous nous connaissons. C’est tout cela qui justifie ma quête constante de vérité dans cette procédure, de 2014 à nos jours comme en attestent mes lettres aux différents ministres de la Justice de 2015 à 2020 et au président de la République de l’époque. Vous voudrez bien trouver en annexe au présent, copies de mes déclarations de biens et des lettres susvisées. Vous comprendrez que je n’ai pas un sou à constituer comme caution et je ne laisserai personne le faire pour moi, pour la simple et bonne raison que je n’ai rien à me reprocher.

Monsieur le président, je tiens également à porter à votre attention, que le seul et unique procès-verbal d’audition me concernant sur ces dossiers, avant le début de la procédure d’instruction, remonte à 2015. Il fait suite à la demande d’ouverture d’enquête en date du 22 mai 2015 que j’ai adressée au ministre de la Justice de l’époque. Lettre enregistrée au courrier confidentiel dudit ministère sous le n°0170 du 26 mai 2015 et cela malgré le “privilège de juridiction” dont j’étais en droit de bénéficier. Je n’ai en aucun moment été convoquée ni entendue par le procureur qui m’a inculpée. C’est pour toutes ces raisons que je trouve le traitement qui m’est aujourd’hui infligé, outrageant et dégradant.

Monsieur le Président, pensez-vous que le statut de magistrat relevant de la plus haute juridiction de la République, autorise le président et les membres de la chambre d’instruction à m’infliger un tel traitement ? Pour tout vous dire, j’ai tout simplement l’impression que l’on me fait purger une peine par anticipation qui, à ce jour équivaut à une journée de prison pour chaque journée passée à la tête du ministère de l’Economie et des Finances et ça continue. C’est tout simplement hallucinant.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres de l’AMPP, voici en substance les questions qui me taraudent l’esprit et que j’ai décidé de partager avec vous, après plus de 16 mois de détention provisoire, en vue de requérir formellement votre implication et à travers vous celle de l’Association internationale des procureurs poursuivants dont l’objectif 1er est de “promouvoir des poursuites pénales efficaces, équitables, impartiales”, afin que mes droits en tant que justiciable soient sauvegardés.

En tout état de cause je garderai toujours, une foi inébranlable en l’indépendance et en l’impartialité de l’institution judicaire de mon pays, aussi longtemps qu’elle comportera en son sein des magistrats de votre trempe”.

Bamako, ce jour jeudi 5 janvier 2023

Ancien ministre de l’Economie et des Finances

Aujourd’hui-Mali

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