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Alice Nkom : « C’est à nous, Africains, d’avoir des responsables capables de parler d’égal à égal avec la France, la Chine ou la Russie »

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Alice Nkom est avocate. Agée de 77 ans, elle fut la première femme à exercer cette profession au Cameroun en 1969. Spécialiste de la défense des personnes LGBT, elle a fondé en 2003 l’Association de défense des homosexuels du Cameroun (Adefho) alors que le droit criminalise les relations sexuelles entre personnes de même sexe.

Présentation de notre série De Dakar à Djibouti, radioscopie de la relation Afrique-France
Au Cameroun, les affaires de viols « correctifs », parfois publics, de lynchage de personnes homosexuelles ou transgenres défraient régulièrement la chronique dans une quasi-impunité. Les dossiers qu’Alice Nkom a défendus lui ont valu plusieurs menaces de mort. Malgré cela, l’avocate continue de vivre à Douala.
Elle vient d’être nommée membre du Forum permanent des personnes d’ascendance africaine par le bureau des droits de l’homme des Nations unies. La mission de cette commission, créée en août 2021 dans le sillage du meurtre de George Floyd aux Etats-Unis par un agent de police un an plus tôt, est de lutter contre les discriminations dont font l’objet les personnes noires et métisses partout dans le monde et d’aboutir « à la mise au point d’un instrument juridiquement contraignant ».

Quelle est votre relation personnelle avec la France ?
Alice Nkom Je suis née en 1945 dans un Cameroun encore colonisé et mon père m’a toujours fait le récit de ce pays occupé d’avant ma naissance. Malgré cette histoire tragique, la responsabilité des Français et tout le travail qui reste à faire pour solder ce passé, la France représente toujours pour moi le monde libre, les valeurs des droits humains, de démocratie, de progrès. Une bataille qui n’est jamais achevée, pas même chez vous.

Comment définiriez-vous la relation qu’entretiennent les deux pays ?
C’est une relation riche, complexe, aux intérêts bien compris et parfois secrets. Que dire du silence de Paris en 2018 après la septième réélection de Paul Biya dans une énième parodie de démocratie ? Et de celui sur le Congo-Brazzaville et la mainmise de Denis Sassou-NGuesso, au pouvoir depuis vingt-cinq ans ? Que le chef de l’Etat français se déplace au Tchad pour les funérailles d’Idriss Déby et adouber la succession de son fils Mahamat [en avril 2021] n’est pas acceptable.
« Bien sûr la France a une politique africaine, mais M. Macron est capable d’affronter la contradiction portée par les Africains de sa génération et de renouveler cette relation »
Ceci dit, Emmanuel Macron, né après les indépendances des années 1960, ne se sent pas comptable des crimes commis avant sa naissance. C’est un contrat nouveau qu’il a proposé au continent dès son accession au pouvoir en 2017, particulièrement aux pays que la France avait colonisés. Il a eu la volonté politique d’ouvrir l’énorme chantier de la mémoire en Algérie, au Rwanda et ici, lors de sa visite d’Etat en juillet. Il a promis publiquement d’ouvrir les archives « en totalité » aux historiens français et camerounais. Qu’ils le prennent au mot !
Bien sûr la France a une politique africaine, mais je vois en M. Macron quelqu’un capable d’affronter la contradiction portée par les Africains de sa génération et de renouveler cette relation.

Comment a été accueillie la visite d’Emmanuel Macron alors que le sentiment antifrançais s’étend en Afrique ?
Ici, cela ne va pas aussi loin qu’au Mali par exemple. Ce sentiment se cristallise essentiellement sur le symbole du franc CFA. Et le président Macron, bien que contraint par les règles diplomatiques, a su mettre en avant des personnalités telles que Yannick Noah par exemple, mais pas seulement. Il est allé à la rencontre des jeunes et ne s’est pas contenté de rester à la présidence camerounaise. Rentrer en France juste après avoir visité le village Noah et sans repasser par Yaoundé est un vrai signal envoyé à la jeunesse camerounaise.
Organiser un sommet Afrique-France à Montpellier en octobre 2021 sans les chefs d’Etat africains était aussi un geste fort.

Justement, que pensent les jeunes de la France face à une Chine et une Russie dont l’influence va croissant ?
Tous les jeunes Camerounais que je rencontre, sans exception, me demandent comment avoir un visa pour la France, ou l’Occident en général, jamais pour la Russie. Pourtant, ils sont très sensibles à la propagande russe. Mais ce soudain coup de foudre est très louche. La Russie tente de se faire passer pour vertueuse et les francophobes mènent ici de véritables campagnes d’intoxication.
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