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Entre Nous : Un passage en force inacceptable

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Depuis le 29 novembre 2022, le Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM) et le Syndicat Libre de la Magistrature (SYLIMA) observent une grève d’une durée de 5 jours ouvrables. Une cessation de travail qui intervient après la non satisfaction de leurs doléances relatives à l’abandon de tout processus d’adoption du projet de loi portant modification de la loi 2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle ; la relecture de la loi n°02-054 portant statut de la magistrature  et ; l’adoption des projets de décret  portant plan de carrière des magistrats et celui fixant le classement des juridictions.

Cette grève paralyse les juridictions. Pas d’audience ! Pas de remise en liberté ! Pas de mandat de dépôt ! Pas de délivrance de certificat de nationalité et de casier judiciaire ! La rentrée judiciaire prévue ce jeudi sera boycottée par les deux syndicats et ce, pour la deuxième fois depuis 2012. En 2018, le SAM et le SYLIMA avaient boycotté la rentrée judiciaire en guise de protestation contre l’avis favorable du Président de l’institution de l’époque, Nouhoun Tapily, à la requête du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga de réquisitionner les magistrats.

L’échec des négociations prouve à suffisance que le gouvernement de la Transition est prêt à réussir son passage en force, inacceptable. La volonté du gouvernement de la Transition d’accorder des privilèges supplémentaires à un groupe de magistrats siégeant à la Cour suprême amène à se poser des questions. Pourquoi le projet de loi portant modification de la loi 2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle a sauté le circuit normal d’adoption ? Quelle est la motivation ayant poussé le même gouvernement à abandonner cette réforme controversée, l’année dernière ? Pourquoi accorder un bonus aux cadres qui doivent partir à la retraite ? Existe-t-il un lien entre cette réforme et  les actions judiciaires menées par la haute institution visant certaines personnalités à l’image de Mme Bouaré Fily Sissoko ou encore l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maiga, décédé en mars dernier ?

Le Président de la Référence syndicale des magistrats et de l’association des Procureurs et poursuivants du Mali, Mohamed Cherif Koné a fait de graves révélations sur cette présumée connexion entre l’exécutif et une partie de la Cour suprême. Jusqu’à ce jour, ces propos n’ont pas fait l’objet de démenti, bien que le magistrat limogé de son poste d’avocat général à la Cour suprême fasse l’objet d’une procédure disciplinaire. Une procédure suspendue.

Le bras de fer entre le gouvernement et les syndicats de magistrats dont les justiciables sont la principale victime touche à la préservation de l’épine dorsale d’une justice impartiale et équitable au service des justiciables. En l’absence de toute base constitutionnelle comme les autres institutions, à l’exception du gouvernement, la réforme proposée va faire des magistrats de la Cour suprême des girouettes entre les tenants du pouvoir exécutif. Ce qui peut paraître comme un grand danger pour la stabilité des institutions dans une démocratie minée par l’affaiblissement des contre-pouvoirs. Il faut donc soutenir l’abandon de ce texte et engager des débats profonds afin de doter le corps de la magistrature d’un véritable plan de carrière qui mettra les magistrats à l’abri des pouvoirs politiques, lesquels sont toujours tentés de mettre sous sa coupole les juges pour piétiner les principes élémentaires de l’état de droit.

Comme aime à le dire le Président de la Commission nationale des Droits de l’homme, nul n’est à l’abri des violations des droits de l’homme. Ceux ou celles qui s’adonnent à des violations ou s’en réjouissent aujourd’hui peuvent être les victimes de demain, de la même manière que les victimes de violations d’aujourd’hui peuvent en être les auteurs de demain. Et c’est la République qui part en lambeaux.

Par Chiaka Doumbia

Le Challenger

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