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Hiver des partis politiques et printemps de l’armée au pouvoir : Les politiques sont-ils les seuls responsables de l’effondrement du Mali ?

Meguetan Infos

Une nouvelle page de l’histoire récente du Mali est en train d’être écrite par la junte militaire qui s’est accaparée du pouvoir le 18 Août 2020. En 32 ans de pratique démocratique, le Mali a connu deux coups d’Etat, celui de 2012 avec le capitaine  Amadou Haya Sanogo et le récent coup d’Etat avec le Colonel Assimi Goïta. Tous les deux ont comme dénominateur commun la mise entre parenthèses de la démocratie, suivi d’une campagne de dénigrement des partis politiques, en les faisant porter le chapeau de l’effondrement du pays. Aujourd’hui les leaders des partis politiques sont voués aux gémonies et on pousse l’outrecuidance jusqu’à remettre  la démocratie en tant que mode de gouvernance : « elle n’a pas servi à grand-chose, si ce n’est fabriquer des milliardaires quand le peuple végète dans la misère » martèlent certains citoyens. Et pourtant il est un devoir pour tout citoyen de restituer la vérité pour éviter la falsification de l’histoire de ce beau pays. une étude comparative demeure nécessaire pour savoir qui des militaires ou des civils ont mal géré le pays. Faut-il préférer le pouvoir Kaki à la démocratie ?

Pour rappel les 23 ans de gestion du Général Moussa Traoré, les 10 ans d’Amadou Toumani Touré, plus  1 an du Capitaine Amadou Haya Sanogo et probablement les 3 ans de gestion du Colonel Assimi Goïta, devraient permettre aux analystes de faire un tableau récapitulatif du nombre d’années fait par les militaires et celui des civils, au pouvoir.

En effet, le Mali indépendant a 62 ans et pendant ce temps les civils et les militaires ont alterné de façon discontinue au pouvoir. Modibo Keita, le socialiste a été le premier Président de la République du Mali, il a gouverné pendant 8 ans. Visionnaire et patriote convaincu  le civil Modibo Keita a posé les jalons d’un pays émergeant et souverain. Sous son magistère des sociétés et entreprises d’Etat ont été érigées pour permettre aux maliens de prendre leur destin en mains. Parmi les grandes réalisations de Modibo Keita l’on pourrait citer entre autres, la CMDT, la sucrerie de Dougabougou, la culture du blé,   le laboratoire vétérinaire Sotuba, la mine d’or de Kalana, les phosphates du Tilemsi et de Bourem, l’Aménagement de l’Office du Niger,  La briqueterie de Magnambougou, le barrage hydro électrique de Sotuba, l’Aéroport de Sénou, la SONATAM, la SOMIEX, pour ne citer que ces quelques réalisations. Une liste de 97 principales réalisations de Modibo Keita est disponible. Le Mali était respecté parce que son leader était non seulement un grand visionnaire, mais aussi avait foi en le Mali et à son avenir. Ce grand élan sera brisé un 19 novembre par le Comité Militaire dit de Libération Nationale, CMLN, conduit par Moussa Traoré. Le flambeau de l’espoir s’est éteint le 19 novembre quand  des jeunes officiers subalternes de l’armée  sous le leadership du Lieutenant Moussa Traoré, se sont emparés du pouvoir.

Le Général Moussa Traoré régna sans partage pendant 23 ans

Le Premier Président du Mali indépendant Modibo Keita sera renversé par des jeunes officiers sans galons, le 19 novembre 1968. Le Lieutenant Moussa Traoré et 13 autres officiers dont le plus gradé était capitaine, en furent les inspirateurs. Ils ont mis en place le Comité Militaire de Libération Nationale, CMLN et ont géré le pays d’une main de fer pendant 23 longues années. Sans leader charismatique, les 14 membres du CMLN étaient presque tous Présidents et chacun gérait, selon son humeur et ses intérêts, son domaine. Les sociétés et entreprises d’Etat réalisées par Modibo Keita sont allées en faillite, les unes après les autres, à cause de la mauvaise gestion, avec son corollaire de corruption, de népotisme et du clientélisme. Le pays s’est enfoncé dans une crise politico-sociale sans précédent avec comme conséquence une misère indescriptible. Toutes les voix discordantes étaient systématiquement réduites en silence. Le Mali était devenu une jungle où règne la loi du fort. Terrorisés, arrêtés, torturés, certains ont été jetés en prison à Kidal et même à Taoudéni, les quelques rescapés ont fait le choix de l’exil.  Il y a eu une véritable fuite des cerveaux vers les pays voisins. Incapable d’assurer les salaires des fonctionnaires, le Général Président a été contraint de se tourner vers les institutions de Breton Woods pour se soumettre à un Programme d’Ajustement structurel, PAS. Ce programme austère met non seulement l’économie du pays sous perfusion, mais aussi et surtout annihile tous les projets de développement. C’est dans cette misère que le peuple a pris son destin en main pour mener la révolution de 1991. Le Général à bout de souffle après quelques semaines de manifestation et perdant la bataille contre le peuple, sera arrêté par d’autres militaires après 23 ans de dictature, le 26 Mars 1991. Le Mali renoue avec la démocratie, et la liberté longtemps confisquée sera donnée au peuple afin qu’il participe au débat et à la construction de l’édifice Mali. Une transition a réuni les maliens des réformes ont été menées pour avoir comme épilogue l’élection du premier président démocratiquement élu

Alpha Oumar Konaré, le premier Président démocratiquement élu  

 Le Mali a fait le choix de la démocratie multi partisane après la révolution de Mars 91 et Alpha Oumar Konaré, AOK, a été le premier Président de l’ère véritablement démocratique. Est-il facile de gérer un pays après 23 ans de gestion chaotique ? AOK a hérité d’un pays presque failli où tout était prioritaire. Les revendications catégorielles et estudiantines, la soif de développement, de démocratie et surtout de  liberté d’expression de réunion étaient les principales doléances d’un peuple meurtri par 23 ans de dictature. S’il faut reconnaitre que tout n’a pas été parfait et qu’on pourrait même dénombrer beaucoup de manquements à l’orthodoxie financière, sous AOK, l’honnêteté intellectuelle voudrait bien qu’on cite certaines grandes réalisations, comme  la construction  d’infrastructures routières pour désenclaver le pays, la décentralisation, les Monuments qui ornent les villes. Les  partisans  d’Alpha Oumar Konaré se targuent de dire que le régime AOK a construit plus de salles de classe, plus de centre de santé que l’ensemble des deux premières Républiques. Que dire de la décentralisation, qui a été la solution, pendant un certain moment, des rebellions cycliques. L’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations en 2002, au-delà de son aspect sportif et festif, a été un véritable projet de développement, permettant de doter les grandes villes du Mali d’infrastructures routières, hôtelières et des stades modernes pour la promotion du sport roi. Ces différentes prouesses réalisées sous AOK ont été entachées d’images peu reluisantes. Pour rappel  la corruption était à ciel ouvert, le Mali a connu les premiers milliardaires fonctionnaires sous AOK. il y a eu également une ADEMAisation à outrance de l’administration couplé  au népotisme sous le couvert du militantisme du parti-Etat. Comment peut-on ne pas aborder la décadence ou la déperdition scolaire et la baisse drastique de niveau des élèves, sous le magistère du Président Enseignant.       L’école a été le maillon faible de sa gouvernance. Il l’a reconnu volontiers.

Qu’il soit dit en passant, pour l’instant  Alpha Oumar Konaré est jusque-là le seul Président à avoir fait ses mandats et réalisé l’alternance et rentrer chez lui  sans coup férir et surtout indemne. Il a passé la main à ATT.

Le soldat de la démocratie a succédé à Alpha Oumar Konaré

Le Général réserviste de l’armée qui a accepté de troquer son treillis contre la veste a débarqué à Koulouba, le palais présidentiel, en faveur des élections de 2002. Amadou Toumani Touré, puis que c’est de lui qu’il s’agit, en venant au pouvoir avait déjà une petite expérience de gestion de l’Etat pour avoir géré la transition de 1991. Cet élan lui a permis de rassembler et de se mettre au -dessus du clivage politique et religieux. Il a mis fin aux différentes tensions politiques en bâtissant un consensus dont lui seul avait le secret. Ce consensus lui a permis d’apaiser le front politique et social, mais aussi et surtout de s’attaquer aux véritables projets de développement. D’ailleurs l’autre surnom d’ATT était le grand bâtisseur car  des routes sont sorties de terre comme des champignons, des hôpitaux, des échangeurs qui  ont orné la capitale, l’emploi des jeunes n’était plus un rêve mais une réalité. Mais l’arbre ne devant pas caché la forêt,  tout comme Alpha Oumar Konaré l’enseignant, le fils d’enseignant et l’époux d’enseignante, a échoué dans le domaine éducatif, le général réserviste de l’armée, ATT a, lui aussi, échoué à mettre en place une armée à la hauteur des enjeux. Mal équipée et mal formée, l’armée malienne était sous ATT la risée du monde. Le repli tactique était devenu sa stratégie de combat, permettant à l’ennemi de gagner du terrain. Autres faiblesses de la gouvernance d’ATT était son laxisme et sa légèreté dans ses prises de position et dans ses décisions. Face à deux fronts brulants, à savoir le front sécuritaire et social, une mutinerie d’une poignée de militaires a eu raison d’un régime chancelant, qui s’est effondré comme un château de cartes. Le capitaine Amadou Haya Sanogo à la tête d’une junte militaire s’est adressé à la nation, comme étant l’homme fort du pays, un 22 mars 2012. La longue et difficile  marche pour une sortie de crise commença avec l’investiture du Président de l’Assemblée Nationale Dioncounda Traoré. Le clou de la transition a été l’élection d’IBK

IBK, l’ancien premier ministre d’AOK succède à ATT

Les élections organisées pour clore la transition a permis à IBK d’accéder enfin à la magistrature suprême. Jamais un Président n’a été aussi bien élu en 2013 qu’IBK. Le peuple s’est mobilisé pour soutenir Ibrahim Boubacar Keita, qui a promis de donner au Mali et aux maliens leur dignité et leur honneur. « Le Mali d’abord, pour l’honneur du Mali et pour le bonheur des Maliens » étaient les slogans phares de sa campagne. Une fois au pouvoir il a jeté à la poubelle cette  promesse de campagne pour ne privilégier que sa famille et ses amis. De mémoire d’homme, le Mali n’a jamais été aussi mal gouverné que sous IBK, la corruption était à ciel ouvert, le népotisme a été érigé en mode de gestion. L’armée, notre outil de défense, malgré tous les tintamarres et une véritable communication, était mal équipée et mal formée et pourtant officiellement c’est plus 1230 milliards qui sont débloqués pour son équipement et sa formation. Le régime IBK était synonyme de scandales, engrais frelatés, blindés en carton, tracteurs surfacturés, fonds destinés à l’équipement des militaires détournés. Ce qui a eu comme conséquences des avions cloués au sol. Le peuple déçu, fatigué a pris son destin en mains pour mener un combat acharné contre un Président de la République malade et dépassé par les évènements. Son régime chutera après plusieurs semaines de manifestations parfois violentes, car une partie de l’armée a pris ses responsabilités en arrêtant la violence. IBK arrêté il sera libéré mis en résidence surveillée jusqu’à son décès.

Une autre transition militaire  est en cours au Mali, soit la troisième, après celle d’ATT et de Haya.

En somme sur les 62 ans d’indépendance du Mali, l’armée a géré le pays pendant 37 ans soit 23 ans de Moussa Traoré, 10 ans d’ATT, 1 an de Haya et probablement 3 ans d’Assimi Goïta. Doit-on jeter l’anathème sur les hommes politiques au regard du bilan global de gestion de notre pays, comme étant les seuls responsables de la descente aux enfers du Mali ?

Youssouf Sissoko 

L’Alternance

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