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Production cotonnière : la catastrophe

Meguetan Infos

Alors que la saison agricole 2022-2023 a déjà commencé, la plupart des cotonculteurs n’ont toujours pas reçu leur argent pour le compte de la campagne précédente. Ce qui met les producteurs agricoles dans une situation intenable. À cela, s’ajoute encore la pénurie des entrants agricoles dans plusieurs zones cotonnières du pays. Toutes choses qui font planer le spectre d’une mauvaise saison agricole cette année.

La situation des cotonculteurs est plus que préoccupante cette année. Les réalités actuelles font croire à une possible saison agricole sabotée dans certaines zones cotonnières. Il s’agit, entre autres, des secteurs agricoles de Bougouni, Yanfolila et de Kita. Dans ces localités, les producteurs agricoles sont toujours dans l’attente de leurs dus sur la vente cotonnière de la saison précédente.

Selon les informations recueillies auprès des responsables agricoles desdites localités, la Compagnie malienne pour le Développement Textile (CMDT) a bel et bien évacué le coton graine des différentes zones de production concernée, mais c’est le payement qui n’est pas encore effectif. Ainsi, sept mois après avoir livré la marchandise, les cotonculteurs sont toujours dans l’attente de leurs dus.

Selon les producteurs que nous avons pu contacter par téléphone, la CMDT a donné des motifs d’espoir, mais toujours est-il que les producteurs sont privés de leur argent alors que les besoins sont de plus en plus pressants. Selon une version officielle, bien que la CMDT ait pu récupérer toutes les productions des mains des producteurs, les cotons restent toujours bloqués dans les différents sites de stockage de la CMDT. L’embargo imposé par la CEDEAO serait certainement passé par là. De même, le blocus a empêché l’État de respecter ses engagements vis-à-vis des producteurs puisque les avoirs de l’État avaient été également gelés suite aux sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l’UEMOA.

Les producteurs dans l’impasse !
Aujourd’hui, les producteurs agricoles concernés se disent tous sidérés par la situation. Dans les zones de Bougouni, Yanfolila ou encore de Kita, la situation est pratiquement la même. Aucun sou n’a été versé aux cotonculteurs pour la campagne agricole précédente. Pourtant, les producteurs s’appuient chaque année sur cet argent pour gérer cette période de soudure où les anciennes céréales sont pratiquement faibles. « Nous sommes dans une situation extrêmement difficile cette année. Parce qu’en réalité, nous n’avons pas eu notre argent de coton pour la saison dernière et nous sommes déjà engagés dans la nouvelle saison sans moyens financiers adéquats. Nous n’avons plus de céréales chez nous depuis mai 2022. Chaque année, nous utilisons une grande partie de l’argent de la vente du coton pour nous acheter à manger pour le reste de la saison parce que le coton est notre production de base. Mais cette année, on nous dit que la situation est difficile pour le pays, que la CMDT payera mais que cela va prendre du temps. Je me demande comment on va s’en sortir, parce que nous n’avons plus de céréales chez nous. La situation est valable pour pratiquement tous les villages de notre zone », nous a confié au téléphone Seydou Koné, conseiller au chef de village de Koyena dans le cercle de Bougouni.

Adama Traoré est un habitant de Ladjibougou dans la commune de Sido, toujours dans le cercle de Bougouni. Il s’inquiète de l’impact que cette situation va provoquer sur la saison en cours. « Vous savez, la production agricole pour un paysan est une chaîne qu’il ne faut pas briser. Si vous le faites, il perdra l’équilibre pour plusieurs années. Dans la commune de Sido, je me demande combien de producteurs sont déjà endettés pas seulement au niveau de la CMDT, mais avec les commerçants, juste pour se nourrir. Pire, non seulement la CMDT n’a pas pu nous donner notre argent, mais elle n’a pas pu non plus assurer les intrants agricoles pour la saison en cours. Pratiquement, tous les producteurs n’ont eu que la moitié de leur demande d’intrants. Comment prétendre à une bonne saison agricole dans ces conditions ? », s’est-il interrogé.

Des désistements…
Tout comme les zones de Bougouni et Kita, le constat semble être le même dans la région de Sikasso. Dans le nouveau cercle de Kignan, région de Sikasso, des cotonculteurs n’ont d’autre choix que de labourer à nouveau les germes du coton déjà poussées pour y semer de la céréale, faute d’intrants. « Ici dans la zone de Kignan, pratiquement tous les producteurs ont eu leur argent issu de la vente du coton de la campagne précédente. Mais, il faut le dire, le souci majeur que nous avons aujourd’hui concerne les intrants agricoles. Nous n’avons pas du tout d’intrants à suffisance pour nos champs de coton. Les normes recommandent quatre à cinq sacs d’engrais, dont un sac d’urée. Mais cette année, c’est vraiment catastrophique. Aucun village dans la zone de Kignan n’a pu avoir pour le moment des intrants à suffisance. Dans certaines localités, les producteurs n’ont que deux sacs et demi ou au maximum trois sacs pour l’hectare. Je vais vous dire, il y a des villages qui n’ont même pas encore eu un sac d’engrais et nous sommes en mi-juillet bientôt. Dans ces zones, les gens sont obligés de labourer des espaces de coton pour y semer des céréales afin d’éviter de tout perdre », nous a expliqué Bakary Ballo du village de N’Gana dans le cercle de Kignan.

De même dans la zone Dioïla, il ressort de nos investigations que le problème majeur est le manque d’engrais et surtout d’urée, indispensable lors des semis du coton. Ce qui a amené des producteurs à revoir leurs prévisions à la baisse. Ainsi, de plus de 41 000 hectares dédiés au coton, les superficies ont été ramenées à 38 000 hectares.

Au même moment, il ressort de la 12e session du Conseil supérieur de l’Agriculture (CSA), tenue le 12 avril 2022, que la somme de 456 milliards FCFA sera injectée dans le financement de la campagne agricole 2022-2023, dont 176,2 milliards seront déboursés par l’État ; 203 milliards par les exploitants agricoles et 76,4 milliards par les partenaires financiers. Sur ces sommes, 54,9 milliards sont destinés à la subvention des intrants de la production cotonnière pour maintenir le Mali au rang de premier producteur de coton d’Afrique subsaharienne.

Malgré ces actions et au regard de la situation actuelle dans les zones de production cotonnière, selon les interlocuteurs, les performances de la campagne agricole précédente (760 000 tonnes de coton graine) seront difficilement atteintes cette année, sauf miracle.

Amadou Kodio

Source : Ziré

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