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Décryptage : Sortons des sanctions de la Cedeao

Meguetan Infos

S’il y a un sujet dont la sensibilité est manifeste à Bamako c’est celui des sanctions de la Cedeao. Les rapports de force entre Bamako et la Cedeao rythment le climat social, économique et politique bamakois.

Désillusion

Au-delà des sentiments d’irritation et de colère, l’évolution des rapports de force entre les autorités maliennes et la Cedeao devient de plus en plus écrasante pour les Maliens. Dont un des effets est un sentiment dominant chez les populations : l’abandon. Les enjeux de pouvoir ont pris le pas sur la capacité des protagonistes à cheminer vers une solution de sortie de crise rapide et durable. Les chefs d’Etat de la Cedeao et les autorités maliennes s’écharpent, essentiellement autour d’un calendrier pour le retour à l’ordre constitutionnel. A Bamako, on s’épuise. On s’inquiété aussi. La parole est compliquée. Néanmoins, un vent d’insatisfaction traverse la société. L’enthousiasme des premiers mois des sanctions s’estompe. En lieu et place du sentiment d’injustice provoqué par la fermeture des frontières maliennes avec les pays membres de la Cedeao se développe une espèce de : « ça suffit, sortons-nous de ces sanctions » comme on peut l’entendre dans les grins… Le président du Conseil national de Transition, le colonel Malick Diaw, interpelle le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga devant son institution pour faire le point sur sa politique d’action gouvernementale. En attendant, on peut faire l’hypothèse que cette interpellation compterait énormément dans leur collaboration. Elle serait aussi le symptôme d’une désillusion profonde.

 

Les amortisseurs sociaux ne suffisent plus

Dans un pays avec une démographie qui progresse, les amortisseurs sociaux ne suffisent plus. La vie devient plus chère. Le prix du sac de cent kilos de petit mil décortiqué est passé de 26 500 F CFA à 40 000 F CFA, soit 13 500 F CFA de différence. Or, il reste un des produits de base incontournables. La hausse du prix de la tonne de ciment, passant de 90 000 FCFA à 125 000 F CFA, freine les activités des entreprises du bâtiment. Conséquence : les jeunes ouvriers du bâtiment se retrouvent sans travail. Ils chôment. Il est temps de changer de braquet. Car, toute l’histoire de la réalpolitique le montre. Seule une offre politique, au sens noble du terme, permet aux citoyens de s’épanouir, de créer de la richesse, mais aussi de s’autonomiser. Il devient urgent, pour l’exécutif malien et la Cedeao, de trouver un terrain d’entente. C’est leur responsabilité. La réorientation des actions gouvernementales pour le bien-être des populations maliennes n’est pas une sinécure. Bien sûr sans faire l’impasse sur la sécurité, premier vecteur du combat pour la paix et la liberté. Ce serait donc incongru de dissocier la marche d’une nation, quel que soit le régime, de la capacité de la classe dirigeante à créer les conditions d’un développement local et global.

S’entendre

Pour conclure, aujourd’hui, se pose la question de comment réquisitionner les liens entre la Cedeao et les autorités maliennes pour s’ouvrir au monde, et se concentrer sur les priorités : contreterrorisme, retour à un pouvoir civil. Certes, il y a des va-nu-pieds politiques, qui n’attendent que le bon moment pour prendre une place dans le jeu politique. Mais, devons-nous pas être conscients qu’il y a aussi des hommes et des femmes politiques valeureux et responsables et de bonne réputation, capables de relever le défi de la sécurité, de la paix et du développement. Pourquoi ne faudra-il leur faire la place ? D’ores et déjà, il est question d’amplifier et réorganiser les forces citoyennes, culturelles, économiques, militaires, politiques ou sociales pour anticiper sur le futur. Concrètement, il est urgent de dessiner un nouvel Etat où seraient prises en compte les subtilités culturelles de notre histoire, de nos cultures, de nos relations avec les voisins pour un meilleur ancrage territorial. Dit autrement, la cristallisation des positions n’arrange ni les Etats, ni les citoyens. La Cedeao et le Mali doivent s’entendre pour sortir de ce climat pesant et insupportable. Comme on dit en Songhay, « Boro si hamni kankam halla ma maa nga heenoo », on ne presse pas une mouche au point d’entendre son cri.

Comment mieux habiter une politique collée à la réalité des populations qu’une politique au fil de l’opinion ?

Comment créer les conditions de libération de la pensée ?

Mohamed Amara

Sociologue

Mali Tribune

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