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Mères célibataires par choix : « c’est la meilleure décision de ma vie »

BBC World Service

  • Par Sandrine Lungumbu

Plus de 50 % des femmes ayant recours à des donneurs de sperme sont des femmes célibataires qui ont l’intention d’élever seules leur enfant, selon les dernières données de l’une des plus grandes banques de sperme du monde, Cryos International.

Cryos fournit du sperme de donneur et des ovules congelés à plus de 100 pays dans le monde.

Selon ONU Femmes, il y a dans le monde plus de 100 millions de mères qui élèvent seules leurs enfants.

Bien qu’il n’y ait pas suffisamment de données sur le nombre de mères célibataires par choix, les femmes qui choisissent d’élever seules leurs enfants sont souvent confrontées à des défis sociaux, culturels et même juridiques lorsqu’elles fondent une famille selon leurs propres conditions.

Nous avons parlé à quatre femmes de leur parcours personnel vers la maternité et de ce qu’elles ressentent lorsqu’elles élèvent leurs enfants sans partenaire.

« La meilleure décision de ma vie »

A photo of Mam Issabre when pregnant

CRÉDIT PHOTO,MAM ISSABRE

Mam Issabre, de France, a toujours voulu être mère. Après y avoir réfléchi pendant des années, elle a finalement décidé de le faire seule il y a deux ans.

« J’ai décidé d’en parler à ma mère, et elle m’a dit que c’était peut-être le bon moment pour essayer, car j’avais 38 ans à l’époque », se souvient-elle.

« J’ai pris ma décision en décembre et en février, j’étais enceinte », raconte l’animatrice radio.

Neuf mois plus tard, Mam a donné naissance à une petite fille en bonne santé appelée Imany.

Tout semble simple, mais elle a d’abord dû surmonter un obstacle majeur : à l’époque, les traitements de fertilité n’étaient pas accessibles aux femmes célibataires en France.

Son médecin lui avait recommandé de se rendre à l’étranger pour l’insémination, mais Mam a réussi à trouver un autre médecin disposé à effectuer la procédure.

Elle dit qu’elle ne savait pas que c’était illégal, mais qu’elle pensait simplement qu’il n’était pas possible de pratiquer l’intervention dans le pays.

En juin de l’année dernière, la France a adopté une loi autorisant les femmes célibataires et les couples de lesbiennes à bénéficier de traitements de fertilité, auparavant réservés aux couples hétérosexuels, après deux ans de débats au Parlement et de manifestations de masse.

« Un cadeau de Dieu »

Une photo d'une femme qui tient son estomac de femme enceinte

CRÉDIT PHOTO,GETTY IMAGES

Légende image,« Je vieillis, alors peut-être qu’un enfant est un très bon cadeau de Dieu », dit Mam

Un an après, Mam réfléchit au fait qu’elle est devenue mère.

« La première fois que j’ai tenu ma fille dans mes bras est le moment où j’ai vraiment réalisé que j’étais une maman », dit-elle. « J’ai beaucoup pleuré ce jour-là ».

« C’était un moment très émouvant – c’est la meilleure décision de ma vie », ajoute-t-elle.

Mam a opté pour un donneur anonyme car elle voulait protéger sa fille d’un éventuel rejet.

« Je ne veux pas qu’elle ait cette image d’un père alors qu’il se voit juste comme un donneur et c’est tout », explique-t-elle.

« J’espère que c’est une bonne décision pour moi et ma fille, mais je lui expliquerai tout quand elle sera assez grande ».

« Mon rêve est d’avoir quatre ou cinq enfants, dit-elle, mais je vieillis, alors peut-être qu’un seul enfant est un très bon cadeau de Dieu. »

« J’avais l’impression qu’il était tout pour moi et que j’étais tout pour lui »

Une photo d'Anne Marie Vasconcelos

CRÉDIT PHOTO,ANNE MARIE VASCONCELOS

Légende image,Anne Marie a eu recours à cinq inséminations artificielles et à deux fécondations in vitro pour avoir son premier fils

Pour Anne Marie Vasconcelos, une femme de 44 ans originaire du New Jersey, aux États-Unis, le chemin vers la maternité a été long et difficile.

Il y a dix ans, Anne Marie a appris qu’elle souffrait du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), une affection courante qui affecte le fonctionnement des ovaires d’une femme et peut entraîner des problèmes de fertilité.

Ce diagnostic, ainsi que la perte récente de son père, l’ont poussée à prendre une décision qui a changé sa vie.

« L’endocrinologue m’a dit, sur la base de mes analyses de laboratoire, que j’aurais des problèmes pour avoir des enfants et que si je voulais des enfants, je devais m’y mettre », explique cette employée du gouvernement fédéral.

Mais en tant que femme de 34 ans récemment célibataire, la maternité semblait être une possibilité lointaine.

« Je lui ai dit que je n’étais pas mariée, et elle m’a répondu qu’il n’était pas nécessaire d’être marié pour avoir des enfants. Je n’y avais jamais pensé de cette façon », se souvient-elle.

Anne Marie Vasconcelos et ses deux fils

CRÉDIT PHOTO,ANNE MARIE VASCONCELOS

Légende image,Anne-Marie avait presque 39 ans lorsque le premier de ses deux fils est né

En tant que catholique pratiquante, Anne Marie dit que devenir une mère célibataire par insémination artificielle posait certaines questions morales, qu’elle devait surmonter. Parler à son prêtre l’a aidée.

« Il m’a assuré que si je suivais cette voie, mes bébés pourraient quand même être baptisés, dit-elle, et que s’il ne pouvait pas soutenir les méthodes de fertilité, il ne me jugerait pas, ni ma famille. »

La charge émotionnelle et le fardeau financier ont atteint leur paroxysme après quelques années de tentatives de conception.

« Il a fallu cinq inséminations artificielles et deux traitements de fécondation in vitro pour avoir mon fils aîné », dit-elle.

« Cela m’a coûté 95 000 dollars (54 489 858 FCFA) parce que mon assurance ne couvrait rien, alors j’ai puisé dans toutes mes économies, mes prêts de retraite et réhypothéqué ma maison. »

« Je ne pouvais pas le croire »

Une photo des fils d'Anne Marie Vasconcelos

CRÉDIT PHOTO,ANNE MARIE VASCONCELOS

Légende image,Les fils d’Anne Marie ont été conçus par FIV avec le sperme du même donneur

En 2016, le premier fils d’Anne Marie, William, est né, suivi de son deuxième fils Wyatt quelques années plus tard.

Les deux enfants ont été conçus par FIV avec le sperme du même donneur, et les deux grossesses avaient été émaillées de complications, chaque fils ayant été mis au monde précocement par césarienne.

« [William] n’est pas né vivant », dit-elle, « il a dû être réanimé et recevoir immédiatement des transfusions sanguines, ma naissance a donc été très traumatisante. »

Après neuf jours d’hospitalisation, ils sont sortis de l’hôpital pour rentrer chez eux.

« J’avais l’impression qu’il était tout mon monde et que j’étais le sien », dit-elle avec le plus grand des sourires.

« Je savais juste »

La photo d'une femme de dos

CRÉDIT PHOTO,SARAH

Légende image,Sarah a décidé d’avoir son enfant avec l’aide d’une amie

Sarah [ce n’est pas son vrai nom] a toujours voulu être mère.

« Je ne pense pas avoir eu un seul moment dans ma vie où j’ai eu un doute quant à savoir si je le ferais ou non – je le savais tout simplement », déclare la jeune femme de 36 ans.

Pour elle, le coronavirus a fait comprendre qu’elle n’avait aucune raison d’attendre plus longtemps.

« La pandémie m’a permis de renouer avec ce désir de devenir mère, alors j’ai demandé à un ami, et il a accepté ma proposition de porter son enfant », dit-elle.

En août, Sarah a découvert qu’elle était enceinte après leur premier essai.

« J’étais à l’extérieur, il faisait chaud, et je l’ai senti et je le savais », raconte la conservatrice d’art.

Légende vidéo,Santé: ces femmes actives qui tiennent à allaiter

Maintenant enceinte de six mois, elle revient sur la façon dont son enfance a influencé sa décision.

« J’ai grandi au Liban pendant la guerre civile. Je suis née en 1985 au milieu de la période la plus dure de la guerre », dit-elle. « J’ai eu une enfance heureuse mais elle était aussi imprégnée de beaucoup de traumatismes ».

Ses parents sont mariés depuis près de quatre décennies, mais Sarah dit qu’ils ont « vécu séparément mais sous le même toit » pendant longtemps.

« Ils n’ont pas une grande relation », dit-elle, « je dirais qu’ils ont eu une relation assez toxique – cela a été assez influent dans ma décision. »

« Je pense que la relation de mes parents m’a traumatisée », dit-elle.

« Il n’y a rien d’héroïque dans ce que j’ai fait »

Une femme tenant son ventre de femme enceinte

CRÉDIT PHOTO,SARAH

Légende image,« Même les femmes mariées s’occupent très souvent des enfants par elles-mêmes », dit Sarah

Sarah affirme que l’état de son pays et la mort d’êtres chers ont eu un impact majeur sur sa décision.

« Je pense qu’il y avait un appel à la vie après une série d’événements tragiques qui ont touché mon peuple, mon pays, ma communauté au cours des deux dernières années et la pandémie n’était que la cerise sur le gâteau », dit-elle.

Pour Sarah, devenir une mère célibataire n’est pas une décision courageuse.

« Je pense qu’il n’y a rien de spécial ou d’héroïque dans ce que j’ai fait, car les femmes en couple ou même mariées s’occupent très souvent seules de leurs enfants », dit-elle.

Mais elle reconnaît que sa famille a été « courageuse » en acceptant son choix non conventionnel.

« J’ai été très surprise qu’ils ne posent pas de questions sur l’identité du père, je pense qu’ils ont compris que je n’étais pas prête à en parler au début », dit-elle. « C’est quelque chose que je ne leur ai dit que récemment ».

« Mais ils étaient sincèrement très heureux pour moi, et je pense qu’ils ont été très courageux en l’annonçant aux autres membres de la famille », dit-elle en souriant.

« J’ai besoin de quelqu’un à aimer »

Une photo de Nyakno Okokon

CRÉDIT PHOTO,NYAKNO OKOKON

Légende image,« Cet enfant est synonyme de bonheur et d’espoir pour l’avenir », dit Nyakno

L’augmentation du nombre de femmes choisissant d’être mères célibataires peut indiquer un changement d’attitude à l’égard de la structure familiale biparentale, mais Nyakno Okokon, agent de sécurité de 37 ans, affirme qu’elle n’avait pas vraiment le choix.

« Je dis « mère célibataire par choix » de façon très approximative, car ce n’était pas vraiment un choix », dit-elle. « C’était mon destin et j’ai dû apprendre à l’accepter ».

Nyakno a grandi dans une famille de 20 enfants avec un père polygame – sa mère était sa quatrième épouse.

« Nous devions nous battre pour survivre par nos propres moyens, donc nous n’avons pas vraiment reçu la meilleure éducation – juste l’école primaire et secondaire de base.

« Mais je ne peux pas leur en vouloir [parce que] c’est leur mentalité », dit-elle à la BBC.

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Nyakno a quitté le Nigéria pour Dubaï il y a six ans dans l’espoir d’une vie meilleure.

Elle travaille régulièrement 12 heures par jour et dit ne pas avoir le temps de rencontrer de nouvelles personnes.

Mais elle a décidé que cette année, elle fera « tout ce qu’il faut » pour avoir un enfant.

« J’ai réalisé que rien ne m’empêchait de devenir mère si je pouvais subvenir à leurs besoins, leur donner de l’amour et une bonne éducation », dit-elle.

« J’ai besoin de quelqu’un à aimer », ajoute-t-elle, « et si je n’ai pas d’enfant, je pense que je deviendrai très amère ».

« En Afrique, nous n’avons pas vraiment de maisons d’accueil, alors nos enfants nous font vivre quand nous devenons vieux et faibles. Cet enfant est donc synonyme de bonheur et d’espoir pour l’avenir », explique-t-elle.

Plans non conventionnels

Un bébé tenant la main de sa mère

CRÉDIT PHOTO,GETTY IMAGES

Légende image,Nyakno : « ma famille me soutient car elle sait que je ne rajeunis pas »

Nyakno prévoit de concevoir naturellement, mais si cela ne fonctionne pas, elle essaiera une FIV ou une mère porteuse.

Cependant, elle ne prévoit pas de révéler ses projets au père biologique avant d’être enceinte.

« C’est juste parce que je ne vais pas lui donner de responsabilité, c’est la seule chose qui va l’effrayer car il a sa propre vie et ses propres projets », dit-elle.

Nyakno affirme que sa famille a accepté ses projets non conventionnels et la soutiendra en tant que seul parent .

« À l’époque, lorsque vous tombiez enceinte hors mariage, c’était un tabou, vous étiez méprisée et les gens vous considéraient comme irresponsable, mais plus maintenant », dit-elle, ajoutant que ce qui compte pour elle, c’est ce à quoi ressemblera sa vie à 50 ans.

« Ma famille me soutient parce qu’elle sait que je ne rajeunis pas – et cela m’apportera de la joie ».

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